Sans prévenir, ça vous fracasse. Depuis plusieurs semaines, votre corps tente de vous avertir. Mais quoi que vous fassiez, impossible de l'arrêter. Votre esprit. Fatigué, il s'égare au bureau quand vous croulez sous les appels et les dossiers puis, énervé par les clients excités, excité par le ballet des solutions trouvées, et stimulé par le café au kilomètre que vous ingurgitez, il tourne comme un perdu lorsque vous vous couchez. Ce cirque est vicieux, son cercle est sans fin. Fa-ti-guée. Vous êtes fatiguée. La nullité des programmes tv vous endort, mais son bruit vous réveille. Quand vous lisez, vous yeux brûlent, votre cerveau crie, les bras vous en tombent ; et le livre avec.
Rire. Vous avez envie de rire. Jusqu'à en pleurer, jusqu'à l'épuisement. Liquider l'énervement, les frustrations. Ces mauvaises vibrations, les remplacer par des bonnes. Soudain, vous vous rappelez qu'adolescente, vous ne juriez que par une seule auteure :
Nicole de Buron. Elle seule savait vous faire rire. Enfin ça, c'est le souvenir que vous en avez ; Mais si ça se trouve, vous trouverez ça nul aujourd'hui. Et puis, vous les avez déjà tous lus. Ce qui voudrait dire enfreindre la première de vos règles : ne jamais relire un livre lu alors qu'il vous en reste tant à découvrir ! D'un autre côté, si vous vous rappelez du style complètement gonzo de l'auteure, vous n'avez aucun souvenir des histoires proprement dites. C'est donc un peu comme lire un nouveau livre… En un éclair avant fermeture, vous vous emparez du seul bouquin disponible dans le rayonnage.
Dix-jours-de-rêve.
C'est le karma. Vous entrez directement dans la vie over-épuisante d'une avocate mère de famille over-bookée, d'une adolescente over-rebel, over-négligente, over-bordélique over… adolescente quoi, et épouse d'un homme over-macho qui la trompe avec sa prof de culturisme. Alors le jour où ce petit monde, de qui elle prend tellement soin sans qu'ils ne la remarque même un tout petit peu, oublie totalement son anniversaire, c'est la goutte d'eau qui fait déborder la baignoire de larmes dans laquelle elle est en train de noyer son chagrin. C'est décidé, puisque personne ne la voit, elle ne manquera à personne. Elle va se barrer, voilà ce qu'elle va faire. Dix jours. Dix-jours-de-rêve rien que pour elle, sur une plage de sable fin, léchée par une mer turquoise et brulée par un soleil de dépliant. Enfin ça, c'est le plan. Mais comme dirait l'autre, c'est là que les emmerdes ont commencé.
Dès les premiers mots, les premières lignes, vous vénérez
Nicole de Buron comme la déesse du style enlevé et humoristique qu'elle est pour vous. Vous vivez sa vie de mère active avec un humour très lucide sur les qualités et défaut de chacun. le tumulte et la cacophonie de la vie de famille sont décidément bien plus drôles décrits par
Nicole de Buron : Il y a du vécu là-dessous, c'est plus que sûr ! Où s'arrête le vrai, où commence le faux ?
Nicole de Buron se sert de sa vie pour vous ramener à la vôtre - ou si vous le tournez autrement, elle se sert de sa vie pour vous ramener… à la vie !
Seulement voilà, épatée par sa manière de vous rendre drôle un quotidien déprimant, vous êtes un peu déçue quand vous devez quitter ce vivier d'anecdotes pour les îles-de-dépliant. Vous riez toujours quand il s'agit de voyager en avion, mais vous perdez un peu d'enthousiasme quand l'île fait soudain l'objet d'un coup d'état, et que les touristes placés en position de Robinsons s'organisent ensemble. Ça reste enlevé mais moins précis, moins piquant, plus évaporé… étrangement moins savoureux. Vous y trouvez moins de scènes truculentes du quotidien : moins de vous, et probablement moins d'elle, aussi. Un peu moins d'intérêt.
Mais vous ne boudez pas votre plaisir parce que, finalement, ce livre a rempli l'office pour lequel vous l'aviez embauché : vous faire rire, vous détendre, vous vider la tête. En hommage aux passages que vous avez préféré, vous décidez de relire, à terme, ses autres romans pour assoir votre jugement. Car vous croyez vous souvenir qu'elle parle de morceaux différents de sa propre vie de famille dans chacun de ses livres, avec un humour un peu barré et une autodérision lucide qui vous redonnent immanquablement la pêche. 250 pages survitaminées de trip sous caféine, ça revigore ! En attendant, vous êtes fin prête pour attaquer d'autres lectures, vos dossiers, votre petit-déjeuner, et surtout votre nouvelle semaine ! Bon courage à tous !