Le monde hellénisé s'est étendu de façon extraordinaire grâce à l'action d'Alexandre, mais ce nouvel ensemble n'aboutit pas, en un siècle, à la naissance d'un monde nouveau, produit de la fusion de tous les éléments réunis. Les Gréco-Macédoniens ont jalousement conservé leurs privilèges de vainqueurs, de conquérants, et n'ont pas cherché à assimiler tout ou partie des peuples soumis. Certes, l'usage de la langue grecque s'est propagé dans tout l'Empire, comme langue officielle, administrative ; il a poussé une partie de la population allogène à apprendre la langue des dominants, pour éviter une exploitation excessive ; mais dans de nombreux cas, l'élément indigène paraît avoir été assez imperméable à la pénétration de la culture grecque, comme du panthéon des Hellènes. C'est le pouvoir royal qui a maintenu l'unité dans chaque royaume, renforcé, surtout dans les domaines conquis à la pointe de la lance (Égypte, ancien royaume achéménide), par le développement du culte du souverain ; le besoin de protection, la reconnaissance envers des évergètes au pouvoir absolu ont encouragé la propagation de ce culte nouveau. Mais l'unité ainsi réalisée risque d'être fragile, lorsque la défaite militaire, l'échec diplomatique vont battre en brèche la confiance dans le souverain ; les particularismes locaux, les cultures indigènes sont prêts à resurgir, en attendant une homogénéisation beaucoup plus vigoureuse imposée par le conquérant romain.
Les Grec et les Barbares - Problèmes de l'identité dans le monde grec
La Grèce des cités, au cours de ce grand IIIe siècle, a assurément abandonné certains des traits qui la caractérisaient à l'époque antérieure : la perte de son indépendance, la réduction de son corps civique bien souvent, le développement d'une oligarchie restreinte mais riche, la quête de protecteurs et l'épanouissement de l'évergétisme sont autant d'éléments totalement ou partiellement nouveaux. Mais ils ne doivent pas conduire, comme on l'écrit trop souvent, à conclure que la cité grecque est morte. [...] Les cités de l'époque hellénistique connaissent une vie politique très active et, dans bien des cas, accèdent à une vie démocratique qu'elles n'avaient pas connu à l'époque classique [...]. Une oligarchie de fait (une ploutocratie) s'impose dans le cadre d'institutions démocratiques. [...] Le pouvoir de décision est largement passé ailleurs, mais cela ne signifie en rien que les cités de la haute époque hellénistique soient entrées dans une phase "postpolitique" (M.I. Finley) où la vie publique se heurterait à l'apathie et à l'indifférence des citoyens. De toute façon, l'évergétisme n'est en rien une institution, mais une pratique courante qui se glisse dans la vie quotidienne de bien des cités qui en apprécient les bénéfices, sans en mesurer les dangers pour la démocratie.
Une faiblesse qui pousse les cités à rechercher les protecteurs et à honorer les évergètes - La Grèce des cités
Les plaines sont rares dans la péninsule grecque et dans les îles, en dehors de la Béotie, de la Thessalie et de la basse Macédoine. Les habitants vivent chichement de galettes d'orge, de figues, d'olives, de quelques légumes, notamment des oignons, et des produits de l'élevage, ovins ou caprins plus souvent que bovins. La consommation de viande est exceptionnelle et correspond à une véritable fête, souvent à caractère religieux ; la chasse et la pêche, là où elle est possible, fournissent quelques compléments bienvenus ; le lait permet la production de fromages qui vient utilement équilibrer les maigres repas.
"Typologie des économies à l'époque hellénistique"
À l'exception du royaume de Pergame, il apparaît donc que la monarchie personnelle trouve, progressivement, dans le culte royal et la divinisation, des éléments de consolidation du droit dynastique et, en même temps, une solution partielle au problème des relations entre le pouvoir royal et les cités grecques. L'insertion de la divinité royale dans les cultes civiques fournit un nouveau fondement à ces relations. Le culte du souverain a également l'avantage de favoriser l'unité du royaume, dont tous les sujets sont invités à communier dans les mêmes célébrations en l'honneur de leur souverain.
Le culte du souverain - Problèmes de l'identité dans le monde grec
Le culte du souverain, qui contribue à la consolidation de la royauté personnelle dans les nouvelles monarchies de l'époque hellénistique, marque une étape dans les rapports entre les hommes et les dieux. Le culte naît le plus souvent d'une manifestation de gratitude d'une cité ou d'une communauté envers un roi pour services rendus; faut-il alors estimer qu'il traduit le déclin, voire la disparition, de la religion civique traditionnelle, au profit d'une sécularisation de la foi? L'examen des cas concrets d'institution d'un culte royal révèle qu'il se développe toujours dans un contexte politique marqué par l'impuissance de la cité, de la communauté humaine, face à une situation donnée nouvelle qu'elle n'a pas les moyens de contrôler. La cité s'en remet alors au bon vouloir du prince temporairement dominant, qui peut lui assurer aider et protection, quitte à adopter un autre protecteur quand la situation internationale se transforme et que le premier se révèle inefficace.
Les hommes et les dieux - Problèmes de l'identité dans le monde grec