Parmi les pierres à images qui ont longtemps excité la convoitise des amateurs et compté parmi les pièces les plus étranges, par conséquent les plus recherchées des cabinets de curiosité, deux espèces de marbre méritent une mention spéciale. D'abord parce qu'elles furent maintes fois invoquées comme argument capital en faveur de la théorie des jeux de la nature (lusus naturae) contre celle des fossiles, pétrifications d'anciens organismes vivants ; ensuite parce que ces marbres, préalablement polis et encadrés, ont été traités comme de véritables tableaux. Ces deux espèces sont les marbres-ruines, ou paesine, ou encore pierres-aux-masures, d'un gisement de la région de Florence, et les marbres-paysages d'une carrière des environs de Catham, dans le Gloucestershire, depuis longtemps comblée et couverte de maisons de rapport.
Pour les savants, elles prouvaient que la nature qui, par sa seule fantaisie créatrice, pouvait représenter des villes écroulées ou des vallons agréables, coupés de riants bosquets, était encore plus capable de produire spontanément des images de poissons, de mollusques ou de fougères. Ils répugnaient à prendre au sérieux les prétendues empreintes. Ils considéraient que ces apparences d'animaux marins avaient été souvent trouvées loin de tout océan et même sur les sommets des montagnes et qu'elles différaient d'ailleurs des poissons et des coquilles connus. Aussi n'étaient-elles fort évidemment que des caprices de la nature, au même titre que les minuscules cités détruites des calcaires toscans et que les bosquets, les rideaux d'arbres, réduits à la dimension d'un petit tableau dans les marbres anglais.
Je parle des pierres : algèbre, vertige et ordre ; des pierres, hymnes et quinconces ; des pierres, dards et corolles, orée du songe, ferment et image ; de telle pierre pan de chevelure opaque et raide comme mèche de noyée, mais qui ne ruisselle sur aucune tempe, là où dans un canal bleu devient plus visible et plus vulnérable une sève ; de telles pierres papier défroissé, incombustible et saupoudré d'étincelles incertaines ; ou vase le plus étanche où danse et prend encore son niveau derrière les seules parois absolues un liquide devant l'eau et qu'il fallut, pour préserver, un cumul de miracles.
(Pierres)
Mi Fou fut d'abord calligraphe. Il adopta la cursive dite d'herbe, technique dangereuse, hasardée, toute de brusquerie et d'inspiration. On affirme que cette écriture à la cadence rapide est « de la nature du vent » et qu'on la trace mieux en état d'ivresse. Mi Fou utilisait l'encre rompue, l'encre brûlée, l'encre accumulée. Le pinceau ne lui suffisait pas. Il lui arrivait de peindre avec des tortillons de papier, des débris de canne à sucre, des calices de lotus. Il peignait des paysages, il les peignait de moins en moins nets, de plus en plus dilués et comme bus par l'atmosphère. « Sa peinture avait la saveur des nuées », écrira plus tard Fou Pao-che, cité et approuvé par Chan Hao à la fin des Ming.
Ses œuvres ont presque toutes disparu. On dit qu'il peignit des tableaux qui ne représentaient rien ou qui paraissaient ne rien représenter.
(Pierres)
Au cœur de la pierre, demeure le dessin splendide qu'elle proclame et qui, comme les formes des nuages, comme le profil changeant des flammes et des cascades, ne représente rien.
(Pierres)
La pierre obsidienne est noire, transparente et mate. On en fait des miroirs. Ils reflètent l'ombre plutôt que l'image des êtres et des choses.
(Pierres)
Chronique de
Max Pol Fouchet sur le livre "Poétique de
Saint John Perse" de Roger Caillois
A l'occasion de la sortie de l'
essai critique de
Roger CAILLOIS consacrée au poète
Saint John Perse, intitulée "L'oeuvre
poétique de
Saint John Perse",
Max Pol FOUCHET présente le poète.