Un chef-d'oeuvre ! Magnifique ouvrage écrit en 1947, d'
Albert Camus, écrivain, philosophe, prix Nobel de littérature en 1957.
«
La peste » raconte l'épidémie de peste qui ravagea la ville d'Oran, en Algérie dans les années 40 sur une période d'une année, confinée, exilée, fermée au reste du monde, totalement repliée sur elle-même pour éviter la propagation de la maladie. Elle arrive sans crier gare, sournoisement avant d'exploser pour s'évanouir comme elle est apparue.
Albert Camus raconte la vie, le quotidien de la population, des malades et des morts, la douleur, la souffrance, le désespoir dans cette ville écrasée de chaleur, les gens tentant de s'évader, de fuir, désireux de vivre, guidés par la peur, mais reflués par les gardes. Des émeutes surviennent çà et là, des coups de feu résonnent, tandis que les morts sont enterrés à la va-vite dans des fosses communes et anonymes. le ravitaillement arrive au compte-goutte et il manque beaucoup de choses, les communications sont interdites (télégramme, courrier). Certains sont séparés d'êtres chers (famille, couple). Serait-ce l'enfer décrit, ici ?
Roman d'après-guerre, la ville d'Oran symbolise la défaite française (juin 40) et l'épidémie, le nazisme qui se répand, contagieux (invasion). Oran cristallise l'occupation et ses travers : la prise d'otage (le camp de concentration), la maladie et ses symptômes, la torture, et la guerre. Camus emploie un vocabulaire emprunté au lexique militaire (four, crématoire, monument aux morts, prisonniers, poste, gardes…). Oran symbolise, aussi, en Algérie, le début de la décolonisation d'après-guerre.
Albert Camus, journaliste militant engagé dans la résistance française, aborde le cycle de la révolte, de la lutte après celle de l'absurdité de l'existence décrite dans «
L'étranger », paru en 1942. Ainsi, le Dr Rieux qui tente désespérément de venir à bout de cette pandémie, de soigner, de soulager, voire de sauver des vies, est un résistant contre l'épidémie, mais, aussi, contre le nazisme. Silencieusement, courageusement, il n'abandonne pas. Subissant, il continue la lutte, là où l'abattement et le fatalisme s'installent durablement.
Camus, philosophe exprime ses idées sur l'Homme en pareille circonstance, le bien et le mal, l'attitude de l'individu devant ce fléau. Il dénonce l'égoïsme et l'individualisme : les prix de consommation augmentant laissant les pauvres davantage dans l'isolement, la contrebande qui s'accroît comme la corruption, le repli sur soi. Il dénonce la religion en la personne du père Paneloux qui prône le châtiment divin, accusant et culpabilisant la population et en y opposant la science. Mais, il peint, aussi, ce qu'il y a de meilleur en l'individu : l'entraide et la solidarité qui unie les hommes entre eux, la résistance dans la maladie (hôpitaux, lits, mesures de sécurité, quarantaine, logistique), l'amitié contre la solitude : « Dire simplement ce qu'on apprend au milieu des fléaux, qu'il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de chose à mépriser ». « Les hommes sont tous les mêmes. Mais, c'est leur force et leur innocence, et c'est ici que par-dessus toute la douleur, Rieux sentait qu'il les rejoignait ».
Les ventes du roman ont explosé à l'apparition du coronavirus et fait écho au contexte actuel de la situation sanitaire que nous vivons. C'est LE livre qu'il faut lire. le lecteur, comme moi, peut facilement se projeter dans cette ville d'Oran, se reconnaître dans la chronicité des événements, des actions mises en place, en la personne du Dr Rieux incarnant le personnel médical.
Le roman d'
Albert CAMUS se veut un roman optimiste qui nous invite à être vigilant vis-à-vis de nous tous, à l'abri de rien.
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