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EAN : 9782957561544
354 pages
Editions Vendeurs de Mots (26/10/2021)
4.62/5   51 notes
Résumé :
Belle est lasse de sa vie parisienne, lasse de son époque. Elle décide de tout quitter, et d’investir sa fortune dans l’achat d’un domaine du 18ème siècle, à Broclemet, dans le nord de la France. Elle est alors à mille lieues d’imaginer que May, l’ancienne propriétaire, a semé pour elle des lettres, comme autant de petits cailloux blancs sur le chemin de leurs destins croisés. Prédestination, hasard ? Belle, en tous cas, en est persuadée : ces courriers lui sont dir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (42) Voir plus Ajouter une critique
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Dans ce château de Broclemet (Pas-de-Calais), Laurent Cappe m'a fait vivre une terrible et belle histoire bâtie autour de deux femmes : Belle et May. Même si la première est actuelle, c'est le destin de la seconde que j'ai brûlé de connaître au travers d'une vie extraordinaire et tellement humaine à la fois.
Je suis tout de suite dans l'ambiance avec un prologue présentant May, petite fille, délaissée par ses parents dans ce château – « Versailles du Nord » - où ils ne pensent qu'à faire la fête. May a 9 ans et sait se rendre invisible, se glisse entre les doigts de ceux qui veulent la retenir, comme une anguille. Seule une femme énigmatique, une harpie aux cheveux roux, lui demande d'avoir confiance en l'avenir.
Débute alors la première des trois parties avec Belle, directrice des affaires financières d'un grand groupe du bâtiment. Elle habite un appartement de cent quarante mètres carrés dans le VIIe arrondissement de Paris et sa meilleure amie, collègue de travail plus âgée, se nomme Jasmine ; elle est son âme soeur.
Malgré sa réussite professionnelle, Belle, n'est pas heureuse, ressent des problèmes de respiration. C'est dans la salle d'attente d'un psychologue qu'elle tombe sur une petite annonce décrivant un château du XVIIIe, à Broclemet. Ce château est à vendre, avec son parc, plus travaux à prévoir. C'est un choc pour Belle, une révélation !
Fascinée par cette annonce, elle se remet à respirer normalement et prend aussitôt une semaine de congés pour aller voir sur place, fortement tentée de s'installer dans le Pas-de-Calais. Au passage, j'apprends qu'elle a une fille, Victoire (5 ans), seul véritable amour de sa vie, dont le père, Mathias, collectionneur de conquêtes féminines, se révèlera, plus tard, fort malfaisant.
Voilà donc Belle à Broclemet avec l'agent immobilier qui lui fait visiter le château : vingt-cinq pièces plus salons, salles d'eau, de réception et un parc magnifique de trente hectares, bien boisé. La propriétaire étant décédée en 1995, les descendants veulent se débarrasser de cet héritage bien encombrant.
Avant de repartir pour Paris, Belle apprend que l'ancienne propriétaire avait traversé le village, entièrement nue, à cheval, un exploit qui marque encore les mémoires !
Grâce à une lettre remise par le notaire, Belle fait davantage connaissance avec May qui raconte son enfance, parle de ses parents écumant les grandes villes du monde la laissant dans les mains d'une nourrice, au château. Avec cette première lettre, c'est le début d'un jeu de piste littéraire passionnant, plein de surprises, qui permet de découvrir l'extraordinaire bibliothèque du château. le père de May, amoureux des livres anciens, collectionnait les ouvrages rares et j'en découvrirai plusieurs, très bien décrits par Laurent Cappe, au cours de ma lecture.
Sans temps mort, les chapitres se succèdent, chacun intitulé avec le prénom du principal personnage concerné. C'est avec plaisir que je côtoie donc Belle, Jasmine, May, Victoire, plus Marc et Elisa qui habitent la maison du gardien, à l'entrée du château. Marc en assure l'entretien alors qu'Elisa est institutrice à l'école publique du village.
La seconde partie apporte de nouvelles révélations sur la vie de celle qu'on appelait « La baronne » au village. La première guerre mondiale révèle ses talents d'infirmière et même de vétérinaire alors que le château est réquisitionné pour la convalescence des officiers français, plus un Allemand, prisonnier, Wilhelm, dont elle tombe amoureuse.
C'est dans cette partie qu'apparaît Hervé, menuisier, qui va beaucoup compter pour Belle qui progresse, de lettre en lettre, dans la vie de May.
Dans la troisième partie, de loin la plus intense, j'apprends que May est orpheline dès vingt-deux ans, qu'elle a eu un fils, qu'elle s'est mise à boire, ne veut plus voir son fils, le refile à la famille de Wilhelm et fait croire à sa mort. D'ailleurs, la tombe de ce petit Marcel se trouve au fond du parc.
Bien sûr, la seconde guerre mondiale fait des ravages. le château est occupé par l'armée du Reich qui saccage bien les lieux. May peut résister grâce à Henri, homme à tout faire au château. C'est au cours d'une longue soirée mémorable que tout se délie.
Laurent Cappe, homme de théâtre dont j'avais découvert les talents d'écrivain dans Bleu, mène les dernières pages de son roman avec brio. C'est passionnant, terrible, haletant. Les coups de théâtre se succèdent jusqu'au bout avant qu'un épilogue se révèle infiniment précieux pour le lecteur.
Je remercie l'auteur qui a continué à me faire confiance pour découvrir son second roman parce que je me suis ré-ga-lé !!!


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Belle est une jeune femme au prénom en accord avec son physique. Elle occupe un poste de directrice des affaires financières dans un grand groupe du bâtiment qui lui assure un salaire plus que confortable. Au décès de ses parents, elle a hérité d'une coquette somme d'argent et d'un cent quarante mètres carrés avec terrasse dans le septième arrondissement de Paris, avec vue sur la tour Eiffel. Elle a quelques amis, ou plutôt des connaissances, et surtout Jasmine, son âme soeur, que sa petite Victoire de cinq ans appelle Tata Jasmine. le père de Victoire, Mathias qui avait réussi à berner Belle ne se préoccupe de sa fille qu'une ou deux fois l'an.
Mais Belle est mal dans sa peau et a du mal à respirer, ayant comme un blocage dans les poumons. Elle a pensé un moment que c'était dû au stress lié au contexte sanitaire du moment, mais le temps a passé et le mal est toujours là. Sans trop y croire, elle se rend chez un psychologue sur les conseils avisés d'une amie qui ne jure que par lui. Elle n'aura pas le temps de recourir à ses soins, car, dans la salle d'attente, en feuilletant un magazine, Belle se fige, une annonce focalise toute son attention : « À vendre, à Broclemet, château du dix-huitième siècle, dans un cadre prestigieux, travaux à prévoir. » La photo du château l'électrise et l'appelle… Tétanisée, ou plutôt libérée, car la voilà qui respire à nouveau amplement, elle récupère le magazine et s'en va.
La visite du domaine ayant été à la hauteur de ses attentes et même au-delà et après avoir monté un dossier bien détaillé, malgré les essais de dissuasion de ses supérieurs et de Jasmine dont la crainte est de perdre sa seule amie, Belle est bien décidée de tout quitter et d'investir sa fortune dans l'achat de ce domaine dans le nord de la France. Mille projets et notamment la création de chambres d'hôtes fleurissent dans son esprit.
Ce qu'elle n'avait pas imaginé, c'est que l'ancienne propriétaire des lieux, décédée depuis vingt ans, l'emmènerait dans un véritable jeu de piste au travers de plusieurs lettres glissées dans certains livres de la magnifique bibliothèque du château. Belle est persuadée que ces lettres de May lui sont personnellement adressées. Un dialogue va ainsi s'installer entre les deux femmes à travers le temps et par-delà la mort.
Les secrets du château, bien enfouis, seront-ils enfin révélés ?
Ce roman permet ainsi de découvrir le destin croisé de deux femmes vivant à deux époques différentes, depuis donc le début du vingtième siècle jusqu'à aujourd'hui.
May, elle, est confrontée aux deux conflits mondiaux. Ses écrits permettent de comprendre comment sa vie a basculé avec le chaos de la première guerre mondiale et comment la seconde a pu l'amener à franchir des limites.
Laurent Cappe, avec une maîtrise parfaite emmène le lecteur dans une fiction complètement addictive.
J'ai été vite hors du temps tant j'ai été prise par l'histoire et eu hâte de découvrir les secrets de ce château, croyant même à un moment que cela serait impossible.
Tout en faisant revivre certains pans historiques du passé, c'est aussi en pleine actualité que l'auteur nous entraîne avec Belle qui représente bien ces nombreux citadins qui, suite à la pandémie se questionnent, n'hésitant pas à remettre en question leur choix et leur cadre de vie, préférant quitter l'inhumanité des villes pour un rapprochement avec la nature.
Le monde du travail est également bien analysé avec cette concurrence omniprésente et impitoyable entre les employés prêts à tout ou presque pour se mettre en avant et écarter le ou la collègue.
Les compétences sont une chose mais selon que l'on est homme ou femme, elles ne sont pas toujours jugées de façon équitable, surtout avec l'âge. Ici, dans le roman, Jasmine en fait les frais : « À moins que, son Âge. Si elle avait été un homme, son âge et son ancienneté auraient été portés à son crédit. L'expérience, la sagesse. Mais elle était une femme. »
May, deuxième roman de Laurent Cappe, après Bleu qui m'avait déjà régalée, m'a captivée dès les premières pages tant l'enthousiasme qui se dégage des personnages qui évoluent au milieu de drames est communicatif. Impossible de ne pas s'attacher à ces personnages forts, certes parfois fragilisés, mais toujours touchants, vrais et passionnés, à l'exception d'un certain Mathias plus qu'exécrable.
Chaque ligne du roman nous interpelle, nous faisant à la fois rêver et craindre que Belle ne parvienne à s'enraciner, à bâtir un avenir solide et enchanté pour sa fille Victoire.
Le manoir construit au milieu d'une nature luxuriante est quant à lui un vrai personnage aussi, tant l'auteur a su le rendre vivant, ne serait-ce qu'avec cette bibliothèque que tout un chacun rêverait sinon, de posséder, du moins de visiter.
Laurent Cappe, fondateur du Rollmops Théâtre à Boulogne, comédien et metteur en scène confirme magistralement avec May ses talents d'auteur de fiction. Grâce à une écriture riche et précise alliée à une imagination débordante, il nous offre un récit haletant où le suspense est maintenu jusqu'au bout tout en abordant des thèmes forts.
Je le remercie vivement pour la confiance qu'il a eue à mon égard en m'offrant dès sa sortie, son superbe roman : un beau cadeau de Noël !
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May est née avec le vingtième siècle ou presque. Elle aura vécu les deux guerres, qui vont bouleverser à deux reprises son destin. Elle est morte depuis plus de vingt ans quand l'histoire débute, et pourtant c'est elle qui va mener le jeu.
Belle ne parvient plus à respirer depuis le confinement. Elle n'est plus heureuse à Paris et décide en quelques instants quasiment d'acquérir un château, dans le Nord de la France pour le transformer en maison d'hôtes et abandonner la vie parisienne.
Le château était celui de May et la vieille dame a laissé des lettres cachées, telles une chasse aux trésors, dans quelques livres de la magnifique bibliothèque du domaine. Belle les découvre peu à peu, et ce qui n'était qu'un jeu au départ devient quasiment une obsession.
Ce roman donne la parole aux différents personnages, Belle et May d'abord, mais aussi Jasmine, l'âme soeur, ancienne collègue, Victoire sa fille de cinq ans et quelques autres, habitants de ce village du Nord de la France.
J'ai retrouvé avec bonheur dans ce deuxième roman les qualités de Laurent Cappe. La maîtrise dans la construction de ce roman choral, où chacun des personnages intervient tour à tour, pour approfondir l'histoire et la compréhension des différents personnages et de leurs relations. Ce procédé, que l'auteur domine parfaitement, permet de confronter les points de vue, les sentiments et enrichit notre connaissance de chacun : il révèle les fêlures de chacun des personnages, qui seraient restées ignorées si un seul avait pris la parole.
Maitrise aussi de l'histoire, de la montée de la tension par la découverte lettre par lettre de la vie de May, et cette impression qu'éprouve Belle d'avoir été prédestinée à devenir la nouvelle propriétaire de ce château. Mais ce n'est pas le seul élément de tension. Il y a l'ex-mari qui mijote un mauvais coup, et dont Belle n'arrive pas à se débarrasser, il y a les réticences du couple de gardiens à parler de l'ancienne propriétaire, il y a aussi les propos de Victoire et cette tombe au fond du parc. Après quelques chapitres de mise en place où l'on pense s'installer dans une histoire toute simple de nouveau départ, le rythme s'accélère, le suspense grandit et les pages se tournent de plus en plus vite.
J'ai aussi retrouvé ce don pour créer des personnages si vivants, nuancés, passionnés que l'on pourrait croiser dans « la vraie vie ». Et la moins vivante de tous n'est pas May : j'ai beaucoup aimé cette immersion dans le passé, la vie tragique de cette petite fille élevée sans amour, si ce n'est celui de la gouvernante. Je me suis attachée à Belle, Jasmine, Victoire, Hervé et tous les autres et j'aurais volontiers continué à vivre un peu avec eux cette belle histoire.
Ajoutez à cela une écriture élégante, précise, qui décrit à merveille les sentiments et les décors, la vie dans le domaine aussi bien que le monde du travail, la nature et les horreurs de la guerre.
Je remercie l'auteur pour m'avoir proposé cette lecture. Il a confirmé tout le bien que je pensais de lui après la lecture de « Bleu » son premier roman.
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Résumé : Belle, dans la salle d'attente d'un psychologue, tombe par inadvertance sur une annonce immobilière qui va bouleverser son existence. Un magnifique château est à vendre !

Presque sur un coup de tête, elle va renoncer à son poste de direction dans un grand groupe et quitter Paris pour se lancer dans une folle aventure ; elle achète le château et va s'y installer avec sa fille, Victoire, 5 ans !

Dans la somptueuse bibliothèque, qui regorge de magnifiques ouvrages, elle découvre des lettres de May, l'ancienne propriétaire qui semble lui écrire personnellement, pour lui conter sa vie et l'histoire des lieux.

Belle est sous le charme ; gagnera-t-elle son pari et parviendra-t-elle à s'inventer une nouvelle vie dans ce lieu hanté par les âmes du passé ?


Mon avis : Un prologue astucieux qui nous fait entrer dans le château de Broclemet et l'univers de May.

Puis le livre démarre avec l'acquisition du domaine par Belle, sa vie parisienne qui ne la satisfait plus, Victoire sa fille qu'elle élève seule, Jasmine sa collègue et amie ; c'est l'univers de Belle qui nous est dévoilé.

Et enfin, coup de maître, ces fameuses lettres disséminées dans les livres de la bibliothèque, chacune d'elles se termine par une énigme que Belle doit déchiffrer afin de découvrir le livre qui contient la suivante ; que de belles références, Balzac, Proust, Homère, Stendhal, Dostoïevski, Dante, Céline, Rabelais, une balade littéraire enchanteresse.

D'un chapitre à l'autre, nous basculons, tantôt dans le quotidien actuel de Belle, tantôt dans les pensées de Victoire, tantôt dans le passé avec May

Belle, qui a choisi de réorienter sa vie afin de mieux profiter de sa fille, emballée par la découverte des messages, va vivre avec l'ombre de May qui plane autour d'elle et lui tient compagnie.

Les personnages sont très attachants, Belle une femme qui manque parfois d'assurance, Victoire petite fille espiègle qui tente de comprendre les adultes, les gardiens du château qui ont toujours veillé sur le domaine, Jasmine la bonne copine, May la propriétaire décédée, tous ? Non, Mathias est l'élément perturbateur, qui agace !

Ce livre raconte une femme qui a traversé deux guerres, qui a dû faire des choix, souvent douloureux et difficiles et qui transmet son histoire ; une femme qui en reprenant le domaine, est le réceptacle de cette histoire.

Le style de l'écriture est simple et efficace, le tout est dépeint avec talent. C'est beaucoup plus qu'un roman, c'est un film. Grâce aux descriptions efficaces, les images défilent devant nos yeux, les personnages prennent vie ! Une intrigue haletante, un beau suspense. Et la fin ? Un rebondissement auquel on ne s'attend pas !

C'est vraiment addictif, le seul regret ? Toute bonne chose a une fin, et il a fallu quitter Broclemet, mais j'en garde un souvenir ébloui !


À lire au sein d'une bibliothèque avec une coupe de Champagne (un Dom Ruinart si possible) et quelques biscuits de Reims en écoutant Nick Cave.


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A sa sortie, début 2021, le premier roman de Laurent Cappe, intitulé « Bleu », ne m'avait pas déplu, loin de là. L'auteur, m'avait semblé un talent prometteur, un écrivain qui convenait à mes attentes romanesques tournées vers l'humanisme. Nombre de qualités étaient présentes, vers lesquelles revenir au cas où « Bleu », en premier pas éditorial publié, serait suivi d'un second. L'auteur avait manifestement des choses à dire et possédait la manière pour nous les faire partager. Au gré d'un style habile et fluide, sur le fil d'un thème étonnant, à la rencontre de genres disparates (littérature générale, roman d'amour, thriller, Fantastique, récit historique ...), « Bleu » s'était présenté comme une belle réussite. A suivre, donc, m'étais-je dis …


Le temps du second roman est enfin là. Je l'attendais. Avec impatience. de parution toute récente, voici « May ». Tel est son titre ; « Un château, deux femmes, trois destins », son sous-titre. Judicieuse précision. Il s'agit, bel et bien, de destins croisés et parallèles : ceux animant des êtres aux vies imbriquées, une douzaine de personnages s'agitant au fil des pages, trempés dans le détail explicatif de ce qu'ils sont et montrent aux autres, interagissant comme sur une scène de théâtre (l'auteur est metteur en scène), comme taillés dans la vraie vie, attachants ou vils, heureux ou désespérés, tendres ou distants … En somme : un échantillonnage d'âmes, un panel de sentiments dont le brassage fait la Vie, la nôtre, belle et cruelle. Deux personnages prennent l'avant-scène, Belle et May ; je vais m'y attarder ; même si les autres ont leur part dramatique, plus qu'en simple background …


De nos jours, dans le Pas-de-Calais, un domaine à vendre, celui de Broclemet. Son château du XVIIIème, son parc, ses dépendances. Un prix dérisoire, pour une demeure bien entretenue, alors qu'elle semble ne pas trouver preneur. Pourquoi ? Belle, une jeune parisienne, désireuse de rompre avec la vie citadine, en envisage l'achat. Pour elle, Bloclemet, en plus d'être un coup de foudre, possède un potentiel touristique marqué; c'est le défi économique d'une vie, la sienne, enfin recommencée. le grand saut s'impose. Encore faudra t'il être à la hauteur…


Une acquisition insolite devant notaire: May, l'ancienne propriétaire a, avant décès, imposé des clauses testamentaires restrictives de vente ; elles sont restées longtemps insatisfaites, certains profils d'acquéreurs ayant été rejetés. Belle coche toutes les cases. Étrange sensation que celle de se sentir irrésistiblement prédestinée au lieu. D'autant qu'acte de propriété en poche, le notaire lui remet une lettre de May. L'ancienne propriétaire l'invite à un jeu de piste dans la bibliothèque du château. de livre rare en livre rare : à chaque fois une lettre entre les pages, un fragment autobiographique d'une vie maintenant enfuie, une énigme pour dénicher le roman suivant, la prochaine lettre, la suite. D'épisode en épisode se déroule toute une vie qui, du berceau à la tombe, à cheval sur quelques générations, va percuter celle de Belle alors que les deux femmes ne se sont jamais croisées. Rationalité bafouée, le roman de Laurent Cappe prend peu à peu la pente d'un Fantastique littéraire alors que, par-delà la mort de May, se dessine un étrange dialogue entre deux femmes à la rencontre virtuelle l'une de l'autre.


… la suite appartient à qui lira et se laissera prendre au piège d'une situation de plus en plus complexe, illogique, irrationnelle, où l'on ne parvient que difficilement (c'est voulu et réussi) à mettre bout à bout des destins. Au-delà de l'irréalité de façade devrait s'imposer une logique. Oui, mais laquelle ?


Les mots-clés du récit sont : les passés gommés des mémoires collectives, leurs difficiles transmissions d'une génération à l'autre, l'illusion de nos existences et … la puissance de la fiction.


« May » est un thriller soft où mijote un suspense qui ira crescendo. Des mises en abime systématiques sont posées en fin de chaque chapitre ; elles se montrent en attente impatiente de ce qui menace, intrigue, promet d'être enfin révélé. le roman se fait page turner. L'intrigue, tour à tour, s'éclaire de révélations intermédiaires puis s'opacifie de mises en impasse qui obligent le lecteur à reconsidérer la situation sous un autre angle. L'intrigue avance par petites touches superposées, minutieuses et prudentes (point trop n'en dire, on pressent l'auteur sur la retenue). On croit par instants saisir le fin mot de l'histoire, alors que se dérobe l'instant suivant ce que l'on avait échafaudé. La mise en abime finale se cache, se dérobe, explose en son temps. Elle est autre, ailleurs, sur un autre plan …


Alternance de chapitres courts mettant en scène tour à tour chaque personnage. Un seul (ou presque) est en « Je narratif ». Celui de May. Insigne honneur, logique et essentiel. C'est l'axe autour duquel tout tourne, gravite, s'explique. Alors qu'elle n'est plus de ce monde, qu'au-delà de sa tombe elle se montre en pivot, drivant son monde, suggérant ce qu'elle attend d'eux en toute bienveillance et logique. Sacrée bonne femme à l'épreuve des temps qu'elle traverse. Un caractère bien trempé dans la solitude imposée par ses parents, au coeur des horreurs de 14-18, dans ces Années Folles où elle tente en vain de s'oublier, dans son refus du fatalisme collectif sous l'Occupation, dans ce que lui réserve le destin qui lui rend monnaie de sa poche …


« May », un roman à mi-chemin entre littérature générale, Fantastique classique, thriller et policier. J'ai eu un temps l'image brève mais prégnante d'une partie de Cluedo : unité de lieu (château, bibliothèque, salon, hall, salle à manger…), une douzaine de personnages, un crime pressenti, une arme dont on ignore la nature et la cible. « May » est un puzzle d'évènements, de sentiments, d'individus disparates appelés à s'entraider ou à s'affronter. Un puzzle dont la dernière pièce manque. Il vous faudra l'attendre ou l'entrevoir. Redoutable défi. Je ne l'ai pas vu venir. Peut-être y parviendrez vous avant l'heure ?


Les mêmes qualités que celles déjà à l'oeuvre dans le premier roman sont présentes ; les mêmes mécanismes d'écriture, précis, ingénieux et emboités ; la même sensibilité à fleur d'âme ; le même objectif de bonheur partagé ; tout dessine peu à peu le portrait d'un conteur. Cappe en a les thèmes, les mots, la manière de les agencer.


Je viens de terminer la lecture d'un roman tendre, touchant et émouvant. Je quitte à regret Belle et May, Jasmine et Hervé, Marc et Elisa, Victoire et tous les autres …


Ils étaient là, avec moi, le temps de quelques heures à tenter de les comprendre, en apprécier certains et en haïr d'autres. Ils vont me manquer, continuer sans moi leur existence de papier, si proches, pourtant, de ce que la vraie vie nous offre ou nous fait subir. 246 pages désormais destinées à d'autres lecteurs (chanceux que vous êtes) pour peu qu'ils se laissent convaincre par un voyage qui vaut le détour.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
J’inspirai profondément l’air humide, chargé des senteurs épaisses des betteraves entassées au bord des champs, de la terre fraîchement libérée du maïs. Cet air de chez nous, puissant et vivifiant, chargé d’humidité, décrié par tant, mais que j’aimais par-dessus tout : le vent du nord charriant une pluie fine qui vous cingle le visage, et vous transperce, portant sur lui la puissance et la vitalité de la mer si proche, modelant les paysages vallonnés, camaïeu de parcelles multicolores, de bois et de prés qu’entrecoupent des haies vives, nimbés de lumières changeantes, obliques, sous des ciels majestueux dont les volumes varient sans cesse. J’aimais ce pays et son climat rugueux qui sculpte les caractères et les visages.
(page 302)
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Le cataclysme (guerre de 14-18) me chassa de ma réserve ; je m’ouvris au monde. Je me rendis chaque jour au village pour consulter les journaux, m’informer auprès de mères dont les cheveux blanchissaient de savoir leurs fils au front, de femmes qui ne pouvaient se résoudre à s’imaginer déjà veuves, de jeunes filles dont les promesses d’amour ne s’arrimaient plus qu’au fil ténu de la bonne fortune. Les vieillards, optimistes et bravaches aux premiers jours du conflit, s’assombrissaient à mesure que tombaient les nouvelles catastrophiques de l’avancée allemande. Quand la guerre s’enlisa, ils devinrent silencieux et lents. Les hommes partaient en masse pour le front. Les femmes et les enfants tentèrent de palier leur absence dans les fermes et les champs.
(page 106)
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Il est important de savoir nommer les êtres et les choses. Henri m’a appris à regarder la nature, et quand on sait regarder la nature, on sait voir les hommes. Henri m’a appris à voir le monde dans un soupir, les livres m’ont enseigné les hommes dans le fracas du verbe.
(page 80)
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À moins que, son âge. Si elle avait été un homme, son âge et son ancienneté auraient été portés à son crédit. L’expérience, la sagesse. Mais elle était une femme. Pas moche, mais pas terrible non plus. Enveloppée. Impossible de rivaliser avec Hélène, à la plastique irréprochable, si dynamique, si sûre d’elle-même dans la salle de détente, après l’entretien d’avec Martin, si innocente, si…
(page 115)
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Mes parents étaient des oiseaux migrateurs, toujours en mouvement. Ils possédaient un pied-à-terre parisien, que je dus revendre lors de la succession, pour éponger une partie de leurs dettes. Ils avaient autant de dettes que d’amis, autant d’amis que de résidences provisoires, dans autant de villes, éparpillées aux quatre coins de l’Europe et du monde.
(page 60)
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Vidéo de Laurent Cappe
Reportage France 3 sur la sortie de May
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