Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus 2017/2018, écrits par
Mike Carey, dessinés et encrés par Kenan Yarar (épisodes 1 à 3) et
Jorge Fornés (épisode 4), avec une mise en couleurs réalisée par Mohan (épisodes 1 à 3) et Celeste Woods (épisode 4). Il comprend les couvertures principales, ainsi que les couvertures variantes réalisées par
Kenneth Rocafort,
Marcos Martin,
Vicente Cifuentes, Stéphane Roux,
Joe Jusko,
Joseph Michael Linsner,
Robert Hack,
Annie Wu, Kenan Yarar (*4), Valentine DeLandro,
Veronica Fish, Roberto Castro,
Jean-Claude Forest,
Jim Balent, Pal Pope, Stephen Sogovia, Fay Dalton,
Jorge Fornés, Tom Feister, Vincent Aseo,
Stephanie Hans, Goran Sudžuka.
Une flottille de vaisseaux spatiaux terriens rentre dans l'espace normal à proximité de la planète Parosia. Ils sont attendus de pied ferme par les vaisseaux parosians qui les éliminent, sauf un qu'ils récupèrent et tractent dans la baie de leur navire amiral. Devant tous les parosians réunis, il sort une jeune femme blonde vêtue d'un costume rouge vif moulant, qui déclare s'appeler
Barbarella. Elle explique que le régulateur de son moteur est tombé en panne et qu'elle n'a pas réussi à récupérer une pièce de rechange dans le champ de débris qu'elle vient de traverser. le responsable ordonne que son vaisseau soit scanné ; rien d'anormal n'est détecté. Elle-même est scannée et le résultat est qu'elle porte en elle du matériel génétique de contrebande. le chef ordonne qu'elle soit neutralisée et envoyée en prison dès le retour sur le terre ferme de la planète Parosia.
Une fois la sentence prononcée pour un délit de contrebande génétique (en fait elle dispose encore de son utérus),
Barbarella est incarcérée et a droit à un cours accéléré sur la reproduction en laboratoire génétique, à partir de souches mères, sans rapport physique, telle que la pratique Parosie.
Barbarella est soumise contre son gré à une ablation par rayon (dans l'appareil Body Loom) de son utérus, puis envoyée aux travaux forcés pour 10 ans. Elle y fait la connaissance de Quire qui lui explique les règles. Elles font partie de la même équipe que Rho, une autre criminelle que la condamnation a conduit à se convertir, et qui prie toute la sainte journée, ou chante les louanges des Sept. le premier soir, dans le dortoir,
Barbarella et Quire s'embrassent fougueusement, et couchent ensemble pour un rapport consenti, sous les yeux horrifiés de Rho devant cet acte impie. Les autres femmes de la chambrée se mettent à leur tour en couple pour une séance de câlins. Après les ébats, Barabrella indique à Quire qu'elle a compris qu'elle n'est pas de cette planète. Quire indique qu'effectivement elle est terrienne, en mission d'infiltration sur Parosia, et elle lui montre la cachette dans sa jambe cybernétique. Elles utilisent l'arme contenue dedans pour s'évader,
Barbarella insistant pour que leur fuite se fasse sans tuer personne.
La quatrième de couverture indique clairement que cette série est basée sur le personnage crée par en 1964 par
Jean-Claude Forest dans la bande dessinée
Barbarella. Cette histoire avait déjà bénéficié d'une adaptation au cinéma en 1968 par
Roger Vadim dans le film
Barbarella où l'héroïne était interprétée par
Jane Fonda. Ces 2 versions sont restées célèbres pour leur touche érotique (pour l'époque), ainsi que pour contenir des éléments préfigurant la révolution sexuelle de 1968. Malgré cette notoriété, le lecteur peut s'interroger sur le potentiel commercial du personnage en 2018 aux États-Unis. Il remarque que cette histoire a été écrite par
Mike Carey, auteur de romans, et de comics d'une grande qualité, qu'il s'agisse de l'excellente série Lucifer avec
Peter Gross, ou de l'extraordinaire série Unwritten également avec
Peter Gross. Par contre, l'artiste (le premier comme le deuxième) ne jouissent pas d'une renommée dans le monde des comics. La question se pose de savoir si le personnage de
Barbarella conserve un attrait au-delà d'un érotisme bien timide pour un lecteur contemporain, ou d'une pertinence sociale de type féministe de nos jours.
Mike Carey a conservé la superbe plastique de
Barbarella, ainsi que sa belle crinière blonde. Elle est toujours une terrienne qui voyage dans l'espace. Elle arrive sur une nouvelle planète dont le nom évoque fortement le concept de Parousie. Elle apparaît comme une personne se donnant l'air d'une écervelée ne comprenant pas très bien ce qui arrive à son vaisseau. Par la suite, ses principaux traits de caractère brossent le portrait d'une femme indépendante et émancipée, appréciant les relations sexuelles avec une autre femme, ayant une fibre morale qui lui fait exiger qu'elle ne soit pas la cause de la mort d'individus directement ou indirectement, risquant sa vie pour sauver le plus grand nombre, et dotée d'un esprit d'aventure. Les auteurs ont donc conservé un parfum de liberté sexuelle, mais sans s'attarder dessus puisqu'il n'y a qu'une seule séquence où
Barbarella fait l'amour. Kenan Yarar la représente nue à cette occasion, mais sans pose lascive, encore moins de dessin pornographique. Il est question à deux reprises de ses organes génitaux, mais uniquement dans l'optique de la procréation. du coup, le lecteur voit agir une héroïne qui est une femme moderne, qui n'est pas inféodée à un héros mâle, mais qui n'est pas non plus une féministe.
Durant ces 2 aventures,
Barbarella ne se retrouve pas à débiter des pamphlets féministes, ni même à soutenir la cause des femmes sous une forme de féminisme ou une autre. Cette dimension sociologique a disparu, pour devenir un comportement normal. S'il est un peu taquin, le lecteur observe que ces nouvelles aventures de
Barbarella sont écrites et dessinées par des hommes, ce qui constitue un indicateur peu encourageant sur la féminisation ou de la parité dans cette branche d'activité. Cette lecture repose donc avant tout sur des aventures se déroulant dans un environnement de science-fiction. L'enjeu de la première histoire réside dans une mission d'espionnage pour saboter une tentative de détruire la Terre.
Barbarella collabore avec une espionne terrienne à la morphologie surprenante, luttant contre le gouvernement d'une planète, puis contre un saboteur. Dans la deuxième histoire (épisode 4), elle mène l'enquête à bord d'un vaisseau spatial pour trouver le coupable d'un acte de sabotage. le lecteur se laisse prendre au jeu de la découverte de ces environnements, ainsi que des rebondissements et des questions posées par
Barbarella pour découvrir ce qui se passe. Malgré le nombre d'éléments intégrés par
Mike Carey, il voit bien que le récit est très linéaire et que les personnages ne servent que de support à l'intrigue, sans avoir le temps développer ni les protagonistes, ni le contexte social ou politique, ni les technologies futuristes.
La mise en couleurs de Mohan est assez consistante et apporte du relief aux formes détourées par un trait encré. Les formes ne sont pas toujours bien peaufinées, mais Kenan Yarar prend le temps de montrer où se passe chaque séquence, que ce soit à bord d'un vaisseau spatial, dans la prison, dans une zone rurale, ou encore dans le repère de l'espion terrien. Il intègre des accessoires et des éléments de décors futuristes, parfois originaux, mais sans pousser jusqu'au bout la logique d'un environnement pensé par des hommes, et dont la forme des objets pourrait paraître agressive pour des femmes. Au fil des séquences, le lecteur retient plusieurs visuels mémorables : les plats servis aux prisonnières, la nuée de drones d'attaque dans le soleil, l'incroyable scène de flagellation par procuration, la licorne métallique. Il remarque que les expressions des visages manquent de naturel et que le langage corporel est un peu trop théâtral pour faire vrai. D'un côté, la narration visuelle comprend des éléments de science-fiction originaux ou dérivés de l'oeuvre de
Jean-Claude Forest ; de l'autre côté, la mise en scène manque de fluidité et d'entrain.
Le quatrième épisode constitue une histoire complète, indépendante de la première et mise en images par un autre artiste. La mise en couleurs de Celeste Woods est beaucoup plus plate, certes adaptée à l'environnement artificiel d'un vaisseau spatial, mais dépourvue de nuances.
Jorge Fornés réalise des dessins moins baroques que ceux de Kenan Yarar. Eux aussi sont plus adaptés à une narration posée, descriptive et sans fioritures. Mais comme la mise en couleurs, ils manquent de nuances, de personnalité, de saveur.
Une fois le tome refermé, le lecteur éprouve bien des difficultés à déterminer ce qui a prévalu à l'utilisation de
Barbarella pour ces histoires. le scénario de
Mike Carey fait apparaître que ce personnage a perdu sa pertinence sociologique et n'est plus qu'une héroïne parmi tant d'autres, sans beaucoup de personnalité. L'auteur a concocté deux histoires sympathiques, avec plusieurs idées dans la première, et une dans la seconde. Toutefois, le lecteur n'arrive pas à s'impliquer émotionnellement pour des personnages épais comme une feuille de papier à cigarette, ou pour des enjeux restant à un stade manichéen. Il est au départ séduit par les dessins de Kenan Yarar qui comportent des saveurs baroques, mais il finit par s'en désintéresser faut d'une narration visuelle assez fluide. Il ne trouve pas d'intérêt particulier à ceux e
Jorge Fornés. Au final, cette utilisation d'un personnage à la renommée confidentielle laisse songeur quant à l'intérêt que les responsables éditoriaux avaient pu déceler, à part célébrer les 40 ans d'anniversaire du personnage.