AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,73

sur 123 notes
« Même si la paléontologie est une science s'intéressant à un passé très reculé où l'on s'attend à voir peu de changements, il suffit d'une seule découverte pour faire voler en éclats toute une construction intellectuelle et condamner à la poubelle une flopée de thèses. »

Peu férue de paléontologie, malgré des lectures régulières des aventures de Rahan, fils des âges farouches, mais grande fan d'Hannelore Cayre, j'ai ouvert Les Doigts coupés avec une grande curiosité. Exit les intrigues juridiques et le Noir social, la Daronne du polar a imaginé le destin d'une jeune femme rebelle, Oli, lasse de devoir attendre que les hommes rentrent de la chasse, et de n'être cantonnée qu'à un rôle secondaire au sein de son petite tribu homo sapiens.
La découverte d'une grotte à Savignac-de-Miremont, Dordogne, par des ouvriers polonais, vient donner un coup de pied fatal dans l'interprétation jusque là en vigueur des origines de nos très lointains ancêtres. Deux squelettes dont celui d'une femme de haut rang, des centaines de pochoirs de mains mutilées, des ornements, et c'est une autre histoire de la Femme « préhistorique » qui devient possible.

Les Doigts coupés est un roman d'affranchissement, celui d'une jeune fille qui se rebelle, désire chasser, refuse d'enfanter, et apprécie la solitude quand l'esprit clanique est un gage de survie.
Le langage d'Oli est le nôtre, ses préoccupations pourraient être celles d'une adolescente d'aujourd'hui, en rupture totale avec l'autorité familiale, et les normes sociétales en vigueur. L'exercice est périlleux, voire casse-gueule, et pourtant cela fonctionne, comme fonctionnent le style acéré d'Hannelore Cayre, et son humour caustique. Attention, rien à voir avec les femmes Pierrafeu qui roulent en voiture en pierre, et possèdent des diplodocus domestiques …

Dans Les lionnes de Chauvet, Sophie Marvaud narrait la naissance d'un clan de femmes et le premier double meurtre de l'humanité en - 35 000 ans en Ardèche. Les Doigts coupés est le récit d'une « émancipation paléolithique » non dénuée d'humour. J'aurais aimé en apprendre davantage sur Adrienne Célarier, l'universitaire coriace qui tacle la DRAC, la romancière parvenant en quatre courtes pages à lui donner chair et consistance. Elle semble être le pendant contemporain de Oli, la dilettante. Je ne dirai plus que je n'aime pas les romans ancrés dans la Préhistoire. J'avais été émue à la lecture d'un conte poétique signé Pagnol, le Premier amour, qui racontait l'invention de l'amour ainsi que la découverte du feu. La naissance du féminisme il y a 35.000 ans est aussi une belle histoire à écouter.
Commenter  J’apprécie          7411
Chères lectrices (et éventuellement chers lecteurs), je vous invite à une petite diablerie.
Profitez de n'importe quel évènement (fête des pères, anniversaire, cousinade, St Valentin, dîner etc.) ou faites le seulement par malicieuse gentillesse :
offrez ce bouquin à vos mâles préférés quitte à leurs faire croire qu'il s'agit d'un bon petit polar sympa, écrit par Hannelore Cayre ( "Tu sais bien mon chéri, l'autrice de la Daronne, t'as vu le film avec Isabelle Huppert…") et, selon leur rythme de lecture (souvent lent), attendez sournoisement le résultat en affichant un petit sourire en coin.

J'adorais Hannelore Cayre, tellement stylée dans ses conférences, mais maintenant, à la suite de ce livre, je suis confit d'admiration.

Olie est une adolescente de l'aurignacien. L'action se passe donc en Dordogne, sur les bords de la Veyssière il y a 35000 ans. Ça caille à peu prés tout le temps, il faudra attendre 25000 ans pour sortir de cette glaciation.
L'endroit est plutôt sympa alors de petits groupes d'hominidés se croisent gentiment. C'est à cette époque et à cet endroit que Sapiens, grand et noir de peau, venu récemment d'Afrique (on parle en centaine d'années, là), croise pour la première fois Neandertal, autochtone, blanc, petit et costaud, bien acclimaté au froid. Ils ne se fréquentent que très peu mais il y a néanmoins des accointances, puis des mélanges et enfin du métissage.
Ami(e)s de Normandie ou du Lubéron, sachez que vous possédez sans doute 0,2% de gènes néandertaliens. Pas de panique, c'est un vrai avantage, surtout l'hiver quand vous chassez le mammouth laineux.
Car, dans l'environnement d'Olie, il y a certes une tribu très nomade de ces petits blancs qui sentent très mauvais, qui passent beaucoup de temps à se sauter dessus ( les néandertaliens ne s'intéressent pas du tout à notre ado tourmentée) mais il y a surtout des grosses bébêtes qu'ils faut éviter et/ou chasser (le must, si on ne se fait pas bouffer par un lion des cavernes, c'est de dézinguer à la lancette un gros mégacéros).
Olie est en colère : elle sait parfaitement chasser mais n'en a pas le droit. Elle zigouille un lapin et zou, Oncle-Ainé (le chef) lui sectionne une phalange.
Elle rescidive : elle prend cher, on lui coupe le pouce de la main droite. Mais Olie est gauchère, révoltée et intelligente.
Son clan, composé d'une quinzaine de personnes est le plus exogamique possible. Mais, pour se perpétrer, les oncles prennent souvent leurs nièces, le plus souvent de force, on y reviendra.
Les autres sapiens, pubères et consentants, s'accouplent dans une joyeuse pagaille, car ils y prennent parfois du plaisir et ne font pas mystère de leur désir.

En parallèle de l'histoire d'Olie, se déroule l'inauguration, de nos jours, de l'extraordinaire nouvelle grotte dite de"Winiarczyk" du nom de l'ouvrier polonais qui, creusant une piscine (sans permis) l'a découverte, en Dordogne.
Adrienne Célarier va présenter la grotte au public, c'est l'apothéose de sa carrière, elle a damé le pion à tout le monde, a bien niqué la DRAC, actionné tous les pistons, c'est Sa grotte.
Et pas n'importe laquelle puisqu'elle est d'un intérêt archéologique majeur.
C'est grâce à elle qu'on va commencer à y voir plus clair sur le rôle des femmes de cette époque et surtout parce que son contenu va permettre un nouveau narratif sur la naissance du patriarcat. On n'en dira pas plus sinon pour parler de toutes ces empreintes mystérieuses de mains de femmes aux doigts sectionnées, présentes un peu partout sur les parois de grottes en Europe. Elles sont ici d'une densité et d'un degré de conservation extraordinaire et accompagnées au sol d'un squelette masculin et d'un squelette féminin mais aussi d'un tas d'autres choses passionnantes..

Vous l'avez compris le vrai-faux thriller commence alors avec en alternance le récit d'Olie, de ses découvertes matérielles, biologiques, esthétiques et ontologiques et la conférence d'Adrienne qui va stupéfier l'assistance : mais que s'est-il donc passé dans cette grotte ? Meurtre à l'aurignacienne ou règlement de comptes inter-ethnique ?

Le voyage d'Olie est une merveille de drôlerie et de réflexions profondes sur la création des artefacts, l'émergence de la pensée créative et esthétique du côté des femmes de cette époque. Il a fallu pour cela qu'elle s'extrait de la horde primitive et fasse de drôles de rencontres.
Mais ce qui rend ce roman peu commun, c'est le référentiel sur lequel il repose :
-Les travaux formidables de la pionnière italienne de l'anthropologie féminine Paola Tabet qui a publié Les Doigts Coupés (qui a donc largement inspiré Hannelore Cayre) et qui décrit l'accaparement des armes et des outils par les hommes, la reproduction forcée et les échanges économico-sexuels et La Construction Sociale de l'inégalité des sexes qui traite de la division sexuée du travail, socle de la domination masculine.
-Les travaux de Priscille Touraille avec Hommes grands, femmes petites; pour l'inégalité d'accès à la nourriture
- Ceux de Vinciane Despret, géniale philosophe belge, élève ou acolyte plutôt de Descola, sur la manière dont les morts rentrent dans la vie des vivants.
-Dorothée Dussy, directrice de recherche au CNRS, pionnière de l'écoféminisme avec le Berceau des dominations (et qui, après avoir beaucoup travaillé sur l'inceste, travaille désormais sur les relations humains-abeilles…)
-L'article de Claude Obadia "Le mystère de l'expérience du beau"
etc;

Mais je vous entends bien : que devient notre Olie dans tout ça ?
Rassurez-vous, elle va s'en tirer à bon compte selon des modalités que je vous laisse découvrir en lisant ce roman aussi militant que désopilant, original et inspiré.
Mais juste un poil trop court…
Commenter  J’apprécie          5438
A l'occasion de travaux, une grotte peinte et une sépulture sont mises à jour et Adrienne, paléontologue, sent que cette découverte va être le sommet de sa carrière.
En effet sur toute la paroi, des peintures font apparaître des mains mutilées, avec un ou plusieurs doigts coupés.
Un squelette révèle des fractures multiples dues à des coups.
L'autre squelette par contre est intact, plus âgé aussi, et accompagné de plusieurs objets.
Que s'est-il joué dans cette grotte, et globalement dans ce coin de Dordogne il y a plusieurs milliers d'années ?
S'agit-il d'un crime, d'une célébration ou d'une évocation de la vie quotidienne ?
Partant de ces éléments, et de ce qu'elle sait de la vie des tribus préhistoriques, Adrienne va faire une présentation innovante du rôle de la femme, de ses rapports avec les hommes et de ses tentatives d'émancipation.

Après La Daronne et Richesse oblige, Hannelore Cayre continue de nous proposer des polars originaux, bien menés, et d'un humour caustique.
Le roman alterne entre fiction et exposé documentaire, et comme les éléments présents dans la grotte sont minces, on s'amuse à découvrir ce que la paléontologue en retire (il fallait oser présenter la femme préhistorique en égérie féministe et en suffragette...)
D'autres romanciers nous ont raconté la préhistoire, et de manière plus complète (Auel dans Les enfants de la terre ), et celui-ci n'a pas vocation à faire oeuvre scientifique, même si l'auteur s'est solidement documentée.
C'est plutôt une fable sur l'émancipation des femmes qui aurait commencé il y a 35,000 ans, et prenons-la comme telle, une joyeuse pochade qui mêle enquête, préhistoire et féminisme !
Et, comme dans les précédents romans de l'auteur, il me manque un je-ne-sais-quoi pour être totalement convaincue, comme l'impression que l'auteur démarre plusieurs pistes et aurait pu développer davantage (190 pages c'est peu pour raconter l'émancipation de la femme préhistorique, et on aurait souhaité savoir comment la théorie d'Adrienne était reçue par ses pairs...)

Merci à Babelio/Masse critique et Métailié
Commenter  J’apprécie          545
Beaucoup de malice dans ce roman atypique : polar ? Manifeste féministe ? Thèse sur la préhistoire ? Il est un peu tout cela à la fois.

Le roman fait alterner deux discours avec un écart temporel notable : de la préhistoire à notre époque ! Tandis qu'une anthropologue ambitieuse élabore des hypothèses à partie de la trouvaille de deux squelettes dans une grotte de Dordogne, on est convié à suivre les événements de la vie quotidienne d'une tribu de néandertaliens, dont l'une des femmes refuse les dictats des hommes. D'autant qu'elle fait une découverte fondamentale…

Même si les propos tenus par les personnages relèvent de l'imagination pure de l'autrice, la lecture est très agréable, non dénuée d'humour comme souvent avec Hannelore Cayre et le sujet est original, tant dans sa forme que sur le fond.

Merci aux éditions Métailié et à Netgalley

192 pages Métailié 8 mars 2024
#LesDoigtscoupés #NetGalleyFrance
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          440
C'est une gâterie, un plaisir léger qui ne se prend pas au sérieux mais nous en apprend beaucoup. Pour l'histoire, je vous renvoie à la critique de Michel, il a tout posé et je ne vois pas l'intérêt de le plagier.

Laurence, la propriétaire du terrain sur lequel il n'y aura finalement pas de piscine, Adrienne Célarier, l'ambitieuse paléontologue ne sont fugacement là que pour faire le pendant à Oli, Wilma, les autres, 35 000 ans auparavant. Même pragmatisme, même résolution que rien n'abat. de sacrées bonnes femmes !

Dans une composition qui préfère les anachronismes langagiers (de toute façon, que sait-on de la manière dont on communiquait à l'aurignacien ?), les raccourcis anthropologiques (la découverte de la part prise par les hommes dans l'arrivée des enfants au ventre des femmes est un délice de drôlerie) à une revêche et de toute manière impossible reconstitution, ce roman nous emporte dans une préhistoire pleine d'énergie, d'inventivité et d'empowerment féminin.

Ce n'est pas un vrai polar, encore moins un thriller même s'il y a assez d'action pour qu'on ne s'ennuie pas une seconde. Il y a quelques meurtres, tous indispensables si vous voulez mon avis, des explorations, beaucoup de réflexions semées en écho à notre monde contemporain. Bref, un vrai bonheur de lecture !
Commenter  J’apprécie          3411
A partir de son expérience d'avocate pénaliste, Hannelore Cayre a écrit un roman réjouissant : 'La Daronne', qui met en scène trois femmes et leurs liens avec le marché de la drogue. Son 'Commis d'office' m'avait en revanche déçue.
Changement d'univers, ici : voyage dans le temps, 35 000 ans en arrière, chez des Sapiens chasseurs-collecteurs, donc encore nomades puisqu'ils ne pratiquaient pas l'agriculture.
Le personnage principal est une jeune femme, Oli, qui refuse de se soumettre au joug masculin.
Pour ne pas trouver l'histoire trop invraisemblable, on peut se dire qu'elle & ses idées/créations représentent un accéléré de plusieurs générations de femmes rebelles et indépendantes.
.
Comme dans les romans de Bernard Werber dont je me régalais dans les 90's et au début des années 2000 ('Le père de nos pères', en particulier), Cayre alterne entre fiction et exposés documentaires, s'appuyant sur des thèses de paléontologues, archéologues, anthropologues, historiens, etc.
On apprend des choses, certes, mais sur la préhistoire, je préfère lire des ouvrages moins dilués par des élucubrations, comme la série "Sapiens, La naissance de l'humanité" de Yuval Noah Harari (la version simplifiée en BD me convient parfaitement). Je guette aussi les évolutions scientifiques sur le sujet (merci aux scientifiques qui travaillent sur L ADN 😉) dans des petits articles accessibles tels que ceux de 'Science & Vie'.
Le centre de la Préhistoire à St-Hilaire-la-Forêt (Vendée) est également très didactique, animé par des professionnels passionnés, qui déconstruisent de nombreux clichés - contrairement au parc d'attraction du Puy du Fou où l'histoire est réécrite autour de mythes improbables (cf. ouvrage collectif 'Le Puy du faux'), mais c'est un autre sujet.
.
De cet ouvrage décevant, je retiens quand même cette phrase : "Il n'y a que les pierres et les histoires pour traverser le temps."
Oui, et les histoires racontées sur la pierre, l'os, le bois peints/façonnés, etc.
Commenter  J’apprécie          333
Hannelore Cayre nous fait remonter le temps avec l'histoire étonnante d'Oli , une jeune Homo Sapiens ayant vécu il y a 35 000 ans .

La découverte d'une grotte au début du roman est traitée avec beaucoup d'humour : le coup de pelle d'un ouvrier polonais dévoile un squelette et l'entrée d'une grotte avec un second squelette et des peintures rupestres surprenantes ...

Quelque temps plus tard, la présentation au public et à ses collègues est faite par Adrienne Célarier, une paléontologue ambitieuse, (référence à Adrienne Zihlman dont les travaux se sont orientés sur le rôle des femmes à la préhistoire ?).
Ses travaux révèlent l'existence de peintures murales correspondant à des mains mutilées de femmes : les doigts coupés .

Parallèlement à la présentation, nous suivons , dans la vallée de la Vézère , Oli et les autres membres de sa tribu d'Homo Sapiens , un petit groupe composé de deux familles .
Oli supporte mal le travail laissé aux femmes et voudrait partir chasser avec les hommes , ce qui lui est refusé par celui qui est le chef sous prétexte du chaos que cela entrainerait et qui , à chaque rébellion d'Oli , lui coupe un doigt .
Les hommes partent chasser , les femmes taillent les outils , préparent les peaux, cousent, cuisinent , et au retour du chasseur passent à la casserole ...sauf Oli qui ne veut pas d'un homme dans ces conditions , combat de la première féministe ? ou présenté comme telle !

La rencontre avec un groupe de Néandertaliens et ses conséquences quelques lunes plus tard entraine un cheminement de réflexion chez les femmes , le début de l'anthropologie en quelque sorte et c'est là le véritable point d'entrée d'un certain chaos .
Oli fuit et part vers la mer , dans ce périple, elle croise d'autres tribus et sème la petite graine de discorde entre hommes et femmes ...

Si j'ai eu du mal au début à me faire aux dialogues de ces hommes préhistoriques, j'ai pris plaisir à suivre Oli, sa révolte de femme qui refuse déjà la condition et l'asservissement dans lesquelles les hommes les emprisonnent . Pourquoi pas , il faut jouer le jeu !

L'écriture acérée d'Hannelore Cayre est toujours aussi plaisante, teintée d'humour même si le sujet est grave et éternellement renouvelé ...

Je remercie Masse Critique et les Éditions Métailié
Commenter  J’apprécie          2910
🖐️Chronique🤚

« Pourquoi? Pourquoi vouloir toujours augmenter notre souffrance? »

Les doigts coupés. Une mutilation de plus. Une atrocité, encore. le corps féminin est la proie préférée de la domination masculine depuis la nuit des temps. On ne compte plus dans l'Histoire du monde, le nombre de violences physiques et morales que les hommes exercent sur les femmes. Et en effet, il est une question qui restera sans réponse: pourquoi? Pourquoi couper un doigt, un sexe, une âme? Même en remontant jusqu'à la Préhistoire, on constate encore et toujours cette violence systémique. Il est passionnant de plonger dans les méandres des histoires. Elles ont toutes quelque chose à nous apprendre. Entendre celles de nos soeurs, de nos aînées, des matriarches, nous mènera forcément à réfléchir aux nôtres. Les histoires de femmes ont ceci en commun, c'est qu'elles sont toutes empreintes de douleurs. Mais en laissant, les leurs, sur les murs de cette grotte, elles nous laissent également une impression de solidarité en gestation qui dépasse le temps et l'espace…Et puisque le cercle est féminin, sur quelle ligne de l'actualité, va jouer la corde sensible?

« - Ça n'empêche: une femme qui aime la chasse est presque un homme… »

Oli est empêchée. Empêchée d'être elle-même d'abord. Mais empêchée d'être chasseuse, libre, révolutionnaire, forte, brillante. Empêchée d'être, de faire valoir les possibilités infinies d'une sororité au sein de sa famille, de parler. Elle trouble l'Ordre du monde. En revendiquant son intelligence, ses capacités, sa singularité, elle dérange profondément les règles établies par un patriarcat oppressif. Hannelore Cayre choisit encore un personnage féminin, subversif et puissant. Chaque fois, je suis impressionnée par ses femmes de caractère. Quelque soit, le milieu, l'environnement, le temps, elle nous emmène rencontrer des nanas prodigieuses. Après la cinquantenaire dealeuse, les invisibles justicières, elle nous emmène dans les pas d'une chasseuse hors pair! Oli, par sa perspicacité, va nous livrer un secret, un secret qui pourrait bien changer radicalement le comportement de l'humanité…À vous de voir, si voulez entendre son histoire…

« -…Et je lui ai planté ma javeline dans le torse. »

Qu'est-ce qu'on plante dans nos esprits? Une fois, que l'on a vu la beauté, l'horreur, la vérité, qu'est-ce qu'il nous reste? Est-ce qu'il nous reste des traces de cette humanité qui nous lie, tous et toutes? Est-ce que nos mains sont le lien? Est-ce l'acte d'énoncer une histoire nous rapproche? À voir Oli, je le crois, de toutes mes forces. Je crois que les histoires nous façonnent, plantent des graines qui deviendront des champs de connaissances. La préhistoire reste encore un terrain inconnu, une possibilité de réinventer nos façons de vivre et d'aimer, et Hannelore Cayre explore, avec intelligence et brio, les desiderata des femmes d'hier et d'aujourd'hui. Brillantissime!
A ce jour, mon préféré de cette autrice! Elle a tellement visé juste, avec cette lance féministe, que j'en reviens avec un coup de coeur planté dans mon torse!
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          282
Il était une fois, il y a 35000 ans…
Je remercie très chaleureusement NetGalley et les éditions Métailié pour leur confiance : j'avais repéré ce livre bien avant sa sortie (la période de la Préhistoire m'a toujours fascinée, intérêt renforcé par plusieurs séjours en Dordogne et par plusieurs lectures précédentes) et je suis très heureuse d'avoir pu le découvrir.
De nos jours : la construction d'une piscine dans une propriété en Dordogne met à jour une grotte extraordinaire. Sur les parois, des dizaines d'empreintes de mains de femmes dont la plupart, et généralement les mains gauches, ont été amputées de plusieurs phalanges. Deux squelettes sont également présents, dans un état de conservation exceptionnel : un homme et une femme, qui, peut-être, seraient passés de vie à trépas violemment. Il y a 35000 ans, dans la vallée de la Vézère, la vie n'était pas des plus faciles, ni exempte de danger… L'homo sapiens qui occupait les lieux (et qui pouvait croiser occasionnellement ses « cousins » néandertaliens), souvent par petits groupes familiaux, devait défendre chèrement sa peau face aux prédateurs (lions notamment) qui lui disputait le gibier. Quant aux homo sapiennes, leur sort était encore moins enviable…
A travers l'histoire de Oli une jeune femme rebelle mais d'une intelligence acérée, Hannelore Cayre remonte le temps et nous offre un aperçu de la condition féminine aux âges préhistoriques, notamment Aurignaciens.
Oli appartient à un petit clan dominé par un homme tyrannique (tiens donc !) appelé Oncle-Aîné. Elle a un frère jumeau Daïno, pas très futé, trois soeurs dont Wilma. Il y a plusieurs enfants, encore petits, et d'autres personnes qui n'ont pas de lien de parenté avec Oli. Les tâches sont clairement définies : les hommes chassent et rapportent de quoi nourrir la famille (sauf quand ils ont déjà tout mangé sur place…) et les femmes font… tout le reste ! Évidemment, elles s'occupent des enfants (les mettre au monde : pas une partie de plaisir et surtout un danger de mort ; les nourrir, les élever), elles sont chargées de la cueillette, de la cuisine, elles fabriquent les vêtements, les outils etc… Il leur est formellement interdit de chasser. En cas de désobéissance à l'une des règles fixées par Oncle-Aîné, elles sont punies : il leur coupe une phalange, en s'arrangeant tout de même pour que ça ne mette pas en péril les travaux dont elles sont responsables. Près du campement, il y a une grotte où seules les femmes se rendent pour y laisser les empreintes de leurs mains sur les parois. Une sorte de témoignage. Oli qui est une excellente chasseresse (bien meilleure que son jumeau d'ailleurs…) -Wilma lui a fabriqué un propulseur lui permettant de multiplier la vitesse et la distance de sa lance- n'entend pas respecter les règles : même après qu'Oncle-Aîné lui ait coupé trois doigts, dont le pouce droit… (Une chance, elle est gauchère !). Alors Oli va se révolter et changer le cours de l'Histoire.
J'ai beaucoup aimé rencontrer Oli, la première féministe ! Petite précision : ce roman (inclassable, il tient du roman (pré)historique, du roman d'aventures, du polar) est extrêmement bien documenté (voir la postface), et tout ce qui est raconté par Hannelore Cayre est avéré. Evidemment, l'auteure a fait de nombreux raccourcis en concentrant l'histoire sur le personnage d'Oli pour mettre en avant l'inégalité entre les sexes, l'évolution de la construction des outils et des armes, l'art (les peintures rupestres mais également les gravures sur différents supports, les collections de pierres), l'émergence des mythes et des croyances etc... Et, s'il est un peu déstabilisant de voir Oli s'exprimer comme vous et moi, l'auteure s'en explique également dans la postface.
C'est souvent drôle, souvent tragique, on ne s'ennuie pas une minute et on apprend pas mal de choses !
#LesDoigtscoupés #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          234
Adrienne Célarier est fin prête pour Sa conférence de presse... Universitaire reconnue, elle a été la première prévenue, la première à pénétrer dans la cavité dégagée par la pelleteuse de l'entrepreneur; Elle a su en grande stratège manoeuvrer pour que ce soit elle et ses doctorantes qui aient l'exclusivité des travaux à venir...

Adrienne Célarier est prête c'est sa journée !
"Elle a prévu ce soir de dérouler son exposé autour de courtes thématiques accrocheuses avec ce qu'il faut de storytelling pour rendre son récit mémorable.
Puisque la mode est de présenter la femme du paléolithique sous les traits d'une working-girl émancipée afin de montrer à quel point elle a été rabaissée par la suite, allons-y, conjuguons donc la préhistoire au féminin !" p14

Je vous présente Oli,la rebelle, toujours prête à provoquer l'Oncle-ainé, voulant aller chasser comme les hommes de la tribu , voulant prouver qu'elle est leur égale.. C'était il y a 30.000 ans. Oli va essayer de résister, y perdre un puis deux puis trois doigts mais rebelle un jour, rebelle toujours. Défilent sous nos yeux l'histoire que lui prête Adrienne Célarier, ou plutôt la vie que lui imagine avec verve et talent Hannelore Cayre. C'était il y a 30.000 ans et le féminisme était né....

Merci aux éditions Métaillié pour ce partage via Netgalley #LesDoigtscoupés #NetGalleyFrance !






Commenter  J’apprécie          230




Lecteurs (435) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3210 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..