Avec cet ouvrage,
Pierre Cazal, journaliste sportif que l'on a pu voir dans feu Stade 2, s'essaie à dresser un historique de la tournée de l'équipe de France de football pendant la compétition européenne dite Euro. Pour cela, il propose un découpage en deux parties,
L Histoire des Tricolores, nommés ensuite les Bleus, de 1958 à 2016, en chapitrant chaque édition, d'abord, ensuite en se projetant vers l'Euro 2020 (2021 !), d'actualité.
La première partie, sans être passionnante, reste intéressante : Cazal s'adresse de toute évidence à un lectorat hybride, pour ne pas dire bâtard, entre initiés et néophytes curieux. D'où une écriture qui hésite entre une vulgarisation extrême - qui prête même parfois à sourire par tant de naïveté - et un positionnement a priori pertinent qui s'appuie sur la statistique, les données chiffrées. Un parti pris qui prend sens, plutôt à la mode, quoique relativement discutable, l'auteur introduisant lui-même le paramètre, lui inaltérable, de la réalité du terrain, un parti pris surtout qui empêche toute sensibilité, toute émotion à des récits qui en nécessiterait un minimum. Après tout, le foot génère des émotions populaires, et la contextualisation de Cazal s'attache à des analyses dépassionnées assez limitées (10 pages maximum par tournoi) et parfois à charge ou décharge sur certains joueurs. Encore une fois ce besoin de ménager la chèvre et le chou, le passionné et le novice.
La deuxième partie est encore plus délicate. Si l'éclairage de l'histoire apporte son lot d'informations pour celui qui n'a pas connu ces périodes, ou provoque une nostalgie bienveillante au contraire, la proposition de Cazal de jouer les Madame Soleil quant à l'édition 2020, reportée pour cause Covid en 2021 tout en conservant l'appellation Euro 2020 (?!), a de quoi surprendre.
Ici, tout est très lourd : la volonté de s'appesantir sur la situation sanitaire pour expliquer une organisation, certes particulière mais non pas déterminante (surtout maintenant que l'on a pu voir comment elle s'est effectivement déroulé), le rapprochement inutile avec certains événements pour faire "histoire", et surtout le recours imbécile aux stats pour justifier de poser comme presque - toutes ces précautions pour dire qu'il ne dit pas que... sont imbuvables - presque une certitude le déroulé de la compétition, du moins pour nos Bleus.
Pire, en préambule de cette deuxième partie aussi longue que la première qui réunissait tous les précédents Euro, Cazal pose ce qu'il pense être des faits que la réalité, et Deschamps, ont barré au feutre noir : la sélection de Benzema, qui a nécessairement changé la donne, dans le vestiaire, médiatiquement, ou tout simplement en organisation de jeu, celle de Tolisso que l'auteur exclut également, enfin sa défense inextinguible de Coman dont le comportement en huitième de finale doit interpeller.
A peine entamé, le livre, en tous cas cette partie de tarot inenvisageable, est immédiatement obsolète. La réalité du terrain a rattrapé une équipe de France qu'il aurait été judicieux d'analyser après coup pour expliquer cet échec cinglant. L'agacement se poursuit quand on considère l'opportunisme commercial d'avoir arrêté l'écriture au 1er mai pour sortir le livre avant la compétition et surfer sur un engouement populaire qui n'est jamais vraiment apparu cette année.
Avec L'Épopée des Bleus à l'Euro,
Pierre Cazal a choisi une thématique forte, d'actualité, et a pensé que son sujet suffirait à en faire sa force. Une erreur qui ressemble beaucoup à cette France 2021...