Les fettuccine Alfredo, l'amatriciana, la carbonara, les gnocchis, les tortellinis à la bolognaise, le ragù à la napolitaine, le ragù à la bolognaise, les lasagnes, le pesto alla genovese, et enfin les spaghettis à la sauce tomate.
Voilà le menu que nous prépare
Luca Cesari.
L'histoire des pâtes en dix plats est un ouvrage aux multiples visages : l'histoire culturelle de l'Italie du point de vue de la gastronomie, une revue savoureuse de gourmets célèbres et méconnus, voire un livre de recettes extravagantes - complet avec des instructions pour la préparation par exemple des tortellinis du seizième siècle. Une lecture qui remplit les yeux, le coeur et le ventre, et qui nous raconte une part fondamentale de l'Italie et des Italiens ; celle qui va des Alpes à la Sicile tous unis devant la même table.
Le parti pris : LE plat signature italien : LES PÂTES.
Il n'est apparu dans nos cuisines, tel que nous le connaissons aujourd'hui, que récemment : jusqu'au milieu du XVIIe siècle, le terme désignait toute pâte contenant une garniture. Au fil du temps, il a été assaisonné d'épices douces, frit ou utilisé comme accompagnement de viandes bouillies, un peu comme cela se produit parfois à l'étranger aujourd'hui. Et si vous mangez chaud à l'étranger, c'est parce que les émigrés ont apporté le souvenir d'un produit qui, autrefois, n'était pas de la pure semoule, donc il n'avait pas la dent d'aujourd'hui : « La cuisine italienne à l'étranger est un voyage dans le temps » . Il suffit de retracer l'histoire (pas celle imaginée, mais celle que l'on retrouve dans les textes et documents) pour se rendre compte que certains des plats qui nous sont les plus chers ne sont que le le dernier aboutissement d'une longue évolution.
Comme toute forme d'art, la cuisine aussi a eu ses grands interprètes, et, à travers les pages de
Luca Cesari, nous en apprendrons plus sur quelques-uns : maestro Martino, le plus grand cuisinier du XVe siècle ; Bartolomeo Scappi et Cristoforo Messisbugo, champions de la cuisine de la Renaissance ; le Napolitain Ippolito Cavalcanti et Francesco Leonardi, cuisinier de
Catherine II de Russie ; jusqu'à l'écrivain culinaire le plus populaire encore aujourd'hui, le révolutionnaire
Pellegrino Artusi.
En résumé, les recettes, comme un langage, sont vivantes et, à ce titre, elles évoluent et se contaminent, elles s'influencent au contact les unes des autres, elles subissent des changements et ce livre de
Luca Cesari nous l'apprend à les savourer avec esprit.
A titre d'exemple il règle leur compte à ces gastropuristes
Ce sont les fanatiques de la tradition, ceux qui "savent toujours quels sont les ingrédients uniques et irremplaçables autorisés dans chaque recette typique" et ils le savent en vertu d'une science (pas du tout) exacte qui repose sur un savoir héréditaire, l'enseignement de la grand-mère et, même avant cela, de la grand-mère de la grand-mère. Bref, sur une tradition orale (mais parfois aussi écrite) qui tient pour acquise l'immuabilité des recettes. Rien ne pourrait être plus faux. Les recettes, comme le langage, sont un organisme vivant, qui s'adapte aux situations, aux besoins, aux environnements, aux manques et aux besoins. De plus, ils sont toujours moins anciens qu'on ne le pense. Le grand malentendu vient d'un certain esprit de clocher exaspéré et d'une vision complètement anhistorique, et surtout ignorante, de la cuisine.
Je cite l'auteur :
"Parler de cuisine, aujourd'hui en Italie, est tout sauf une entreprise innocente ou sans risques.
Pour vous en convaincre, partons d'une situation dont, très vraisemblablement, nombre de mes compatriotes ont déjà été témoins ou qu'ils ont eux-mêmes vécue au moins une fois dans leur vie. Elle se répète d'ailleurs chaque jour sur n'importe quel blog ou site de cuisine consacré aux recettes italiennes « traditionnelles ».
En ouvrant mon frigo, je tombe sur un morceau de pancetta fumée, des oeufs et du parmesan. Et si je me préparais une carbonara ? Avant de la déguster, je la prends en photo et la poste sur Facebook. C'est un déluge d'insultes. Comment, j'ai osé mettre de la pancetta alors qu'il faudrait du guanciale ? Et ce parmesan, que vient-il faire ici ? C'est du pecorino qu'on doit mettre !
J'essaie de me défendre. Constatant qu'on passe aux menaces, je n'ose imaginer ce qui me serait arrivé si j'avais mis de la crème fraîche, comme vous auriez pu le faire en France…
Qui m'agresse avec tant de violence ?
Une frange particulière de l'humanité, qui fait légion, d'ailleurs, et que nous croiserons régulièrement au cours de cet ouvrage, j'ai nommé les "gastropuristes". "
En résumé vous l'aurez compris ce livre est un régal au propre comme au figuré. Et on dit généralement que la lecture est la nourriture de l'esprit. Dans ce cas de ce livre ça n'a jamais été aussi vrai...