Ouvert et érudit. C'est ce qu'évoque immédiatement le titre de l'ouvrage et le profil de son auteur :
Jean-Paul Charnay (1928-2013), directeur de recherche au CNRS, fondateur et président du centre de philosophie de la stratégie, auteur notamment de "
La Charîa et l'Occident" (L'Herne 2001), "Principes de stratégie arabe"(L'Herne 2003),
L'islam et les sociétés arabo-musulmanes sont des constructions humaines et donc il ne fait aucun doute qu'elles puissent être étudiées par les sciences humaines, quel que soit l'origine des scientifiques. D'ailleurs l'intuition peut-elle encore agir dans un édifice aussi densifié : un mélange de croyances enracinées de longue date, un système théologico-juridique qui prétend régler tous les comportements, et la langue arabe choisie par Dieu pour se faire connaître.
Sociologie, économie, psychologie, aucun angle d'approche n'est exclu a priori et l'auteur accorde une attention particulière pour qu'aucune de ces approches ne s'excluent mutuellement d'où le choix de
Ibn Khaldun, Marx,
Freud et encore d'autres références pour apporter leur contribution. Chacun est témoin de son époque y compris l'auteur qui est notre contemporain, mais au-delà des contextes historiques, l'objectif est de proposer des pistes pour comprendre l'"affrontement actuel entre la vision dure de l'islam (salafie) et la vision douce (néo-soufie) qui tend à restreindre les prescriptions à une spiritualité dont l'observance de la Charîa ne serait pas le signe".
Ibn Khaldun (1332-1406) a vécu dans la période troublée qui a suivi le déclin de la dynastie almohade. Son évocation ici, est celle d'un musulman précurseur de la sociologie moderne dans la tradition lumineuse des mathématiciens et astronomes arabes.
Marx intervient dans cet ouvrage pour expliquer une certaine tournure des luttes pour l'indépendance des pays arabes, contre l'impérialisme occidental, "stade suprême du capitalisme". L'Impérialisme décadent que rejette aujourd'hui l'islamisme, une autre forme de radicalisme.
Freud est peut-être ici celui qui ouvre le plus de pistes pour comprendre l'évolution des sociétés islamo-industrielles. D'où vient la phobie de l'impur ? Ce n'est pas le délabyrinthage proposé en tant que thérapie qui retient l'attention de l'auteur, mais l'explication des phénomènes inconscients.
Il ne faut pas attendre de cet ouvrage une conclusion tranchée dans l'action mais un encouragement aux musulmans et non musulmans à regarder les choses objectivement, scientifiquement, en utilisant plusieurs angles de vue.
D'autre part il faut reconnaître que certaines analyses sont compliquées et peut être hors de portée d'un large public. Ce qui rejoint d'une certaine manière le problème de la lecture du Coran lui même : les extraits fournis dans le présent ouvrage suffisent pour s'apercevoir que le contenu est peu exploitable aujourd'hui sans interprétation : des interprétations qui peuvent être assez compliquées et hors de portée du public ou beaucoup trop simplistes selon qui s'en charge.