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EAN : 9782363390660
90 pages
Finitude (04/05/2016)
3.36/5   14 notes
Résumé :
Elle avait des taches de rousseurs et les cheveux longs. Elle aimait le tango et Thomas Bernhard, fouiner chez les brocanteurs et Polnareff. Elle était prof de philo et vivait à Paris.
Elle était amoureuse, parfois, et celui qui l’aimait ne veut rien oublier. Alors il note, tout : un geste, une attitude, une parole. Il se souvient de leur première rencontre et de son dernier SMS, des livres qui la dévoraient et de sa mélancolie, de ces bottes hors de prix qu’... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce livre est un joyau d'écriture littéraire avec des références au cinéma et à la chanson.
Je le perçois comme un livre d'heures d'autrefois.
Je le lis, je le pose, je le reprends pour lire et relire les mots qui viennent. Avec précaution et silence pour respecter la souffrance de cet homme qui écrit pour ne pas oublier la femme qu'il aimait.
Celle aux cheveux emmêlés comme des algues, il revoit son sourire, réentend sa voix, sent sa fragilité comme un écho à la sienne à prendre la vie comme elle vient.
Un moment passé ensemble, un regard pris à la dérobée, une expression du visage, et l'instant d'elle est posé sur le papier. Jamais avec lourdeur et apitoiement mais léger comme un baiser.


" Sa chemise oubliée, couleur de lait d'abricot, furieux j'y plonge ma tête, l'effluve sucré m'envahit tout entier, la nuit folle est là, à portée de lèvres, ébouriffée. Mes jambes se dérobent, je me raccroche à une marche, l'étoffe chagrineuse s'échappe le long de l'escalier, dessine sa silhouette repliée, narquoise, assoupie. Allons, courage garçon." (page 61).
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Il l'a aimée, elle est morte. Il l'aime encore mais elle n'est plus là. Et lui doit continuer et risquer de l'oublier. Petit à petit, chaque jour. Un effacement lent et sûr dont il ne veut pas. Alors, il a noté tout ce dont il se souvenait encore : un regard, une dispute, un lieu, une lumière… avec elle. Et puis, de toutes ces notes, il n'en a gardé que quelques- unes, pour faire un livre qu'il a intitulé Ma nuit entre tes cils.
C'est ce petit livre à la couverture bleu nuit que je viens de finir et je peux dire que j'ai fait une rencontre, celle de K. Une initiale. Evidemment, je peux supposer, proposer des prénoms. Je ne saurai jamais quel était le sien, ni qui elle était vraiment. Ce « portrait mosaïque », ces quelques fragments réunis, ces petits instantanés, comme un puzzle aux pièces manquantes, me permettent seulement d'entrevoir, de m'approcher un peu d'elle, et de lui aussi.
Elle était professeur de philosophie et avait du mal à trouver un sens à tout cela. Elle avait dû chercher, y réfléchir longtemps. Certains ont pu penser l'avoir aidée. Mais ils s'étaient trompés. Tous. Lui aussi, le garçon, comme elle l'appelait. Même l'amour n'aura rien changé.
Il a tenté alors de lui redonner une forme de vie, de la peindre en mouvement afin de « mieux (se) persuader… que le destin aurait pu tourner autrement, qu'il n'avait rien d'une fatalité, qu'il s'est joué à un cheveu… » Et ce petit livre nous la montre en vie, celle qui ressent « un écrasement généralisé, sans lieu, indolore », celle qui est « disparaissante ».
Elle est moulin à paroles, danse le tango jusque tard dans la nuit, mange et fume comme dix, se passionne pour l'oeuvre de Thomas Bernhard, traîne dans les salles des ventes de Drouot, contemple la vie autour d'elle, ses voisins de bistrot, les passants dans la rue. Elle venait de « tomber très fort dans Polnareff » disait le dernier SMS qu'il avait reçu d'elle, « relique digitale » qu'il a effacée, par erreur. Mais rien ne l'a retenue.
Alors, pour tenter de l'empêcher de disparaître définitivement, Grégory Cingal puise dans les mots : ils ne sont pas forcément justes, ils mentent et déforment souvent, sont impuissants à traduire l'immense douleur, mais ils sont là et cet « émiettement verbal » vaut « peut-être mieux, au bout du compte, que la blancheur abyssale de l'oubli. »
Un très beau texte sensible et fin dont l'écriture précise, ciselée traduit la peur de l'oubli, de la disparition, de l'extinction dirait Thomas Bernhard.
Grégory Cingal livre ici un portrait fragmenté - parce que les mots ne peuvent tout dire, ni recréer un être de toutes pièces - de celle qui a été sa compagne pendant dix ans, s'interrogeant sur le rôle de l'écriture dans cette lutte contre l'absence, la disparition et se révoltant contre l'impossibilité d'évoquer l'être aimé sans parler de soi-même, comme si l'auteur devenait l'ombre incontournable et ineffaçable de celle qu'il a aimée, le tuteur désormais obligé et nécessaire de la femme qui ne peut maintenant avancer toute seule et qui n'existe, dorénavant, qu'à travers l'autre.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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"Le baume du temps qui cicatrise les blessures, je ne connais rien de plus répugnant" nous dit l'auteur vers la fin de ce livre, comme une injonction tardive à la prudence: lecteur avide de sensiblerie niaise, passe ton chemin. Ce qu'évoque Grégory Cingal dans ce récit d'à peine nonante pages est aussi beau et terrible que les peintures du Caravage et agit sur le lecteur un peu comme la sonate au clair de lune de Beethoven - c'est du grand art, et, pour être encore plus précis : c'est de la littérature (on se passera de "vraie" ou "bonne" d'ailleurs). On pourrait ne s'arrêter que sur la forme, le travail sur la phrase, le vocabulaire riche et parfois inattendu, pour dire à quel point ce livre est magnifique, ainsi on ne divulgacherait rien de ce livre. Car oui, futur lecteur de Grégory Cingal, tu seras confronté aux souvenirs, à Eros et Thanatos, au désir et à l'absence, aux rêves, à Maurice Blanchot et à la possibilité d'impuissance ontologique de la littérature. Et puis tu seras confronté aussi aux simples détails de ce qui fait la vie d'un couple, détails banals sur le moment, mais qui, au final, et ainsi tous rassemblés, sont autant de touches de couleurs qui donnent la patine d'originalité à cette oeuvre qui tente de nous dire que oui : il se pourrait bien que l'amour soit plus fort que la mort, même si celle-ci a généralement le dernier mot.
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Difficile de faire un résumé de cet ouvrage sans perdre la poésie du texte. Il aime K. Il aime cette femme et ses taches de rousseur, ses copies corrigées dans un bar, ses addictions du moment, ses réflexions philosophiques, ses achats compulsifs, ses manières de ne pas être tout à fait à lui. Il l'aime et elle lui manque. Elle n'est plus là. Elle ne sera plus jamais là.
C'est un très joli texte, poétique, amoureux, sensible. Des souvenirs qu'on égrène au fil des réminiscences du passé. Les bons comme les mauvais. le manque. L'incompréhension. L'absence. La douleur. le vide. C'est toutes ces facettes de l'amour et du deuil que l'auteur explore et dévoile. C'est un texte qui peut se grignoter page après page, souvenir après souvenir. Ou se dévorer d'un coup, comme un besoin irrépressible de se gorger des souvenirs qu'il reste pour qu'ils ne s'échappent pas, pour décrypter, pour comprendre.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
"Je pourrais moi aussi errer en pèlerinage en quelques lieux sacrés qu'elle foula de son pas d'écureuil léger, me persuader, comme ces travel writer sur les pas de leur grand homme, qu'il y flotte encore dans l'air quelques particules de leur génie, reconstituer certains de ses itinéraires dont la symbolique topographique me procurerait quelques analogies propres à soulager mon petit besoin d'écrire, me mettre en scène en train d'arpenter rues, boulevards et boutiques où mon héroïne avait ses habitudes tout en m'enivrant de l'inévitable génie des lieux pour faire venir à moi tout le suc de l'inspiration, m'asseoir seul aux tables de cafés qui nous étaient coutumières afin d'y guetter quelques non moins inévitables apparitions fantomatiques que je consignerais soigneusement sur mon carnet noir de moleskine, dévider à plus soif - histoire d'étoffer un peu le volume - adresses, dates et noms d'acolytes croisés en chemin, malmener artistement la chronologie en jonglant sur de subtils allers et retours entre l'immédiat, le révolu et l'intemporel, le tout en faisant étalage de touchants scrupules quant au bien-fondé de ma quête. On a vu, et on verra encore, que je ne suis pas le dernier à sacrifier à ces petits rites de littérateurs, ce qui me donne l'envie furieuse de balancer tout ça par le feu."
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Chaque fois que je la voyais, une exclamation muette sur sa beauté l'accompagnait ; je la lisais dans le regard des autres, dans tous ces premiers regards qui tombaient sur elle avec une sorte de stupéfaction, dans l’œil des passants...
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Elle aimait, peut-être trop, ces amitiés radicales, ces complicités d'existence, ces amours impossibles, tout ce qui perçait la bulle invisible dans laquelle, me disait-elle, elle s'isolait, elle s'enfermait...
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Ma vie entre tes mains
Ma course entre tes rêves
Ma chair entre tes poings
Ma jambe entre tes jambes
Ma nuque entre tes dents
Ma liesse entre tes cris
Ma barbe entre tes doigts
Ma nuit entre tes cils.
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