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Citations sur Parfums (145)

PISSOTIERES

Notre monde rêve d'être inodore, c'est-à-dire inhumain. [...] Nous traquons les odeurs, celles de nos corps, celles de nos villes, comme de hauts délinquants qui nous rappelleraient trop que nous produisons des humeurs et qu'elles empestent.
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ENFANT QUI DORT.

J'effleure ses joues, son front, ses minces cheveux noirs, soyeux et chauds, et je me penche pour l'embrasser dans le cou, sans bruit. [...]. C'est comme une chute éblouissante dans la plus naturelle des odeurs, celle de la vie à ses balbutiements, quand elle n'est que mollesse, nourrie de caresses et de lait, de sourires et de comptines, de mains qui veillent, rassurent et protègent. Odeur des premiers temps, chair tendre, de crèmes et de talc.
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CHAMBRES D'HÔTEL.

La chambre d'hôtel n'a pas de sexe. Ou bien elle est hermaphrodite. En fait, elle est indifférente. Elle s'en fout. Elle se donne à qui la paie. C'est une putain qui ferme les yeux et n'embrasse pas. Elle nous épouse pour quelques heures, pour une nuit, nous fait croire que nous sommes les seuls, se revêt de nos effluves pour mieux nous mentir, et puis les chasse comme elle nous chasse. Son parfum véritable, c'est celui de notre brièveté et de notre inconsistance.
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AMOUREUSES

Je leur demande ensuite quel goût et quel parfum ont ces baisers, [...]. On appelle cela des "patins". Mais les seuls patins que je connaisse, je les porte aux pieds, à la maison. Ils sont vieux, à motifs écossais, et ils sentent mauvais.
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C'est au soir des dimanches que ma mère revêt les lits de draps propres, draps dans lesquels durant tout le jour elle a emprisonné le vent, et j'aime plus que tout ces draps frais, l'hiver, quand la bise les a battus et raidis, parfois gelés, et qu'ils conservent de cette gifle un je ne sais quoi de neigeux et de glacial, rendant encore plus rêche la chair grenue et blanche de leur toile ancestrale.
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Quand nous hésitons, Monsieur François se lève et vient à nous. Il saisit entre ses doigts les fins cheveux qui naissent sur la tempe et les tire en l'air, lentement, à mesure que nous nous enfonçons dans l'erreur.
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Nos corps par moments confondus ne peuvent malgré tout se confondre.
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Chevaux et brouillards, donc le long de la route qui me mène à Rosières-aux-Salines. Je pédale doucement. Moins il me reste de temps, plus je le prends. Le brouillard agit comme le couvercle d’une cocotte : il maintient en lui, sous lui, les odeurs de terre surprise par un automne adolescent, d’herbe fatiguée par la froidure des matins, de bêtes encore aux champs, de prés vacants et d’asphalte trempé. C’est un grand flacon sans paroi, un pulvérisateur incessant. Je respire le pelage des chevaux, leurs fortes haleines apaisées par le sommeil, leurs flancs frottés de crottin sous leurs yeux ouverts. Et je me rappelle d’autres chevaux : eux aussi sortent du brouillard comme d’un étrange songe romantique. Ils sont ardennais, percherons, boulonnais , aux robes perlées d’eau. Attelés à deux, ils tirent les basses péniches sur le chemin de halage. Je suis enfant. Leur souffles lancent des nuages et, quand je passe près d’eux, je sens leur grosse chaleur de bêtes à l’effort, de muscles tendus et fumants, et de poils séveux. J’aime le brouillard car il me permet toujours d’entrer au plus profond de moi même. En marchant au-dehors, dans une nature qui ne me livre que ses marges immédiates, quoique déjà dévorées par l’abrasion d’une gomme invisible, le monde devient une simple projection de l’âme, une hypothèse pénétrante et un peu froide.
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« En dressant l’inventaire des parfums qui nous émeuvent – ce que j’ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même – on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n’existe plus : car c’est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l’illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être. Alors la tête nous tourne délicieusement. »
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Ce n'est pas seulement une odeur de linge lavé, propre, que je hume, mais bien celle d'une géographie de terre et de vent, sauvage et ample, étendue d'une infinité de contes, de fables, de chants, d'images que j'ai lus et regardés, et qui font de moi, sous les toits, dans les premiers pas du sommeil, dans ce lit tendu de ses draps nouveaux que mes grand-mères et grand-tantes ont parés jadis de fleurs, de courbes et d'arabesques avec leurs patientes aiguilles, un voyageur céleste et rassuré, un être vulnérable qui se sait pour un temps entouré et heureux
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