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EAN : 9782020486484
224 pages
Seuil (03/05/2001)
4.6/5   5 notes
Résumé :
La découverte de la grotte Chauvet en 1995 a été un événement considérable : l'ancienneté des peintures, vieilles de 35000 ans, et leur exceptionnelle qualité ont suscité la surprise et l'admiration. Les images des rhinocéros, des mammouths, des lions des cavernes, des bisons, des chevaux ont fait le tour du monde. Une équipe de spécialistes de toutes disciplines a entrepris depuis quelques années une étude approfondie de la grotte, sous la direction de Jean Clottes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'ai lu quelque part que Picasso aurait énoncé que « depuis Lascaux on n'a pas fait mieux et que nul d'entre nous n'est capable d'en faire autant ». J'ai la faiblesse de penser que le maître se serait encore plus enthousiasmé pour cette grotte Chauvet et ses trésors hallucinants.

Dans sa fameuse allégorie Platon nous invite à quitter la caverne pour trouver la lumière et la vérité ; se libérer de nos chaînes de ces ombres qui déforment la réalité. Ici, la révélation emprunte le sens inverse, dans son intimité la grotte Chauvet offre l'illumination à la source de la Beauté absolue.

Cette grotte fut découverte en 1994 en cette fin de mois de décembre par le trio Eliette Brunel Deschamps Jean-Marie Chauvet, Christian Hillaire, un cadeau de Noël miraculeux. La grotte et ses oeuvres fabuleuses étaient préservées depuis des milliers d'années, scellées par des éboulements. L'accès par les trois héros fût à elle seule un morceau de bravoure, dans un étroit boyau en pente raide. Avec d'infinies précautions et une émotion indicible, plusieurs jours furent nécessaires pour disposer d'un premier aperçu général et en ce jour de grâce du 24 décembre le panneau des lions, merveille des merveilles, (la saint des saints devrais-je dire) leur fût révélé.
Seul le nom de Chauvet est demeuré associé à ce site, et presque immédiatement le meilleur de l'homme a refait surface avec de féroces contentieux juridiques, beaucoup se considérant comme propriétaires et se voyant « roi du pétrole », comme si des actes notariés avaient pu créer ce chef d'oeuvre.

Contrairement à la grotte de Lascaux, la découverte de cette grotte ne doit rien au hasard. Ces majestueuses gorges de l'Ardèche n'ont cessé d'être explorées et ces quêtes se sont révélées souvent fructueuses en découvertes de sites ornés d'art pariétal. Nos trois découvreurs sont des spéléologues aguerris et n'ont de cesse de sillonner l'environnement de Vallon Pont d'Arc. Après mise en sécurité du site, celui-ci a été expertisé et authentifié par Jean Clottes.

Cet ouvrage « La grotte Chauvet l'art des origines » est une oeuvre collective orchestrée par Jean Clottes et à laquelle il a apporté quelques contributions.

Il dresse un état des lieux exhaustif. En particulier, à son année d'édition (2001), ce livre bénéficie déjà d'une masse impressionnante de données, relevés et études qui sont retranscrits avec une clarté et un sens didactique remarquables. La qualité exceptionnelle de ce livre vient aussi de sa richesse iconographique. La quantité et la qualité sont au rendez-vous. Cela ne remplace pas l'émotion in vivo, enfin dans les entrailles de l'extraordinaire réplique, puisque le site naturel n'est pas accessible, mais lors de la visite, pour des raisons diverses on a ni le temps ni la possibilité matérielle de contempler chacune des oeuvres. le visiteur doit se contenter d'une vision « panoramique » de chaque salle. C'est par conséquent un bonheur de pouvoir zoomer sur les créations majeures et de découvrir des éléments périphériques à loisir grâce à ce livre en grand format.

Avec ce livre, le lecteur peut cheminer pas à pas dans les salles, s'émerveiller en illimité et rien n'est oublié, des grandioses panneaux des chevaux, des lions (en réalité des lionnes, après tout sous la terre, particulièrement en ces lieux, nous sommes en territoire yin !!!) aux énigmatiques symboles en forme d'insectes.

L'impression générale est naturellement une admiration, une sidération teintées d'un zest d'incrédulité.

Il suffit de songer qu'il s'est écoulé presque autant de temps entre Lascaux (-18 000 av notre ère) et nous, qu'entre Chauvet (-32 000) et Lascaux, étant précisé que le site a été fréquenté par séquences pendant près de 10 000 ans..

Or ce que révèle indubitablement l'art de Chauvet c'est l'existence d'une vie sociale riche, d'une spiritualité profonde. Ces dessins, ces gravures n'ont pu être conçus et réalisés que par des artistes exceptionnellement doués et traversés d'une sensibilité aiguë.

Il semble plus que vraisemblable que ces artistes, pour exercer leurs talents, fussent décharger de tout ou partie des taches matérielles les plus basiques. Ceci emporte deux conséquences, la première est que l'organisation sociale permettait d'assurer un surplus pour que des membres puissent se consacrer à ces activités artistiques. La seconde, est que cette activité immatérielle n'a pu fleurir que parce qu'elle devait offrir pour l'ensemble de la communauté une grande valeur. Ces hommes et ces femmes, nos aînés de 30 000 ans, avaient par conséquent des élans esthétiques, spirituels profonds, à exprimer dans leur quotidien ; autrement dit, ces ancêtres cultivaient une pensée au moins aussi riche et sophistiquée que celle de l'homme contemporain « civilisé » (?).

Jean Clottes a développé par ailleurs un argumentaire selon lequel cet art pariétal serait intimement lié à des pratiques chamaniques (cf. « Les chamanes de la préhistoire », « Pourquoi l'art préhistorique ? »). Les oeuvres auraient pu être ainsi créées dans des états de conscience modifiés, dans des sortes de transe. Cette théorie ne fait pas l'unanimité mais les ressorts de ces polémistes sont manifestement loin d'obéir à une contribution à la manifestation de la connaissance et relèvent davantage de la vanité et de l'ego de chercheurs. La lecture de l'argumentaire de Jean Clottes me paraît assez convaincante mais ce n'est que mon très humble avis.

Car les panneaux les plus spectaculaires sont situés dans les salles les plus reculées des parties connues, en tout cas en l'état de la topographie du site connue à ce jour.

Les animaux n'ont évidemment pas pris la pose in situ ; en théorie nos artistes auraient peut-être pu procéder à des esquisses à l'extérieur sur un support quelconque mais en toute hypothèse ils étaient doués d'un talent d'observation et de mémorisation incroyables.

On a beau nous expliquer que ces artistes bénéficiant d'un « éclairage » avec des lampes à huile et des torches, cette lumière, dans les meilleurs des cas, devait être vacillante et parcellaire. Or, il s'avère que dans maints endroits, les artistes ont exploité les reliefs de la paroi pour créer des effets de mouvement, voire en plusieurs dimensions. Pour exploiter ces anfractuosités, ces angles morts, dans la pénombre il fallait un quasi sixième sens.

Il semble ne faire guère de doute que le choix des emplacements ne doive rien au hasard, et qu'au fil des millénaires, ces choix semblent avoir perduré. Ce qui ne manque pas d'interpeller également c'est que de vastes espaces, a priori, propices à être travaillés et ornementés sont quasi vierges. Peut-être servaient t-ils d'antichambre ou étaient ils dédiés à des réunions, d'autres salles étant réservés à quelques-uns. Ce qui semble à peu près acquis, c'est que nous n'ayons pas affaire à une « galerie d'art ». Il y avait des fonctions spirituelles, sans doute des rites.

J'oserais faire un rapprochement, Lascaux me fait penser à une création de l'art baroque, ces plafonds kaléidoscopes de cathédrale surchargés, Chauvet pourrait être un art pariétal rayonnant, une perfection plus sobre, mais emplie de tragédie, de drame où la vie et la mort se mêlent, avec cet univers entre deux aussi. Je ne partage pas du tout certaines analyses qui privilégient une expression naturaliste teintée de réalisme et encore moins celle qui martèle que ces représentations auraient une fonction politico-économique (Emmanuel Guy).

Univers entre deux disais-je ; à cet égard la grotte Chauvet offre notamment deux témoignages saisissants.

Le premier couvre toutes les parois et les sols d‘une présence ; l'ours des cavernes hante ces lieux qu'il a alternativement partagés avec l'homme en signant son bail de griffures, de bauges creusées et de sédiments osseux brut ou minéralisés comme intégrés par le travail physico chimique millénaire des entrailles de la grotte. Entre ces traces et les créations humaines comme un dialogue, une sorte de cadavre exquis ou une mise en abîme qui se perd dans la nuit des temps.
L'ours des cavernes, plus que tout autre être vivant a manifestement été une source d'inspiration profonde des artistes de la grotte de Chauvet, au point d'avancer l'hypothèse d'une dimension spirituelle. Ce crâne mis en évidence sur une sorte de piédestal, ces os plantés, constituent des indices sérieux de la singularité des liens noués et vécus intimement avec l'ours .

Encore plus troublantes, ces vulves esquissées, tout particulièrement celle de la salle du fond, sur un pilier ornementé d'une créature fantastique, figure inquiétante et dansante. Cette vulve et ces jambes de femme associées à une tête et l'avant train d'un bison (?), deux projections puissantes d' éléments masculins et féminins.
Impossible de ne pas voir en filigrane une ombre dans l'ombre, celle du Minotaure.
Une esquisse saisissante, dérangeante mais nullement menaçante.

En conclusion, ce livre s'adresse prioritairement aux passionnés mais son seul panorama iconographique en fait un livre exceptionnel qui ne peut manquer d'envoûter chacun(e).
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J'ai acquis et fait dédicacer cet ouvrage , lors d'une rencontre avec Jean Clottes venu , en voisin , à Montélimar . Ce livre présente de manière complète les découvertes faites dans la grotte ardéchoise et les premiers essais d'interprétation. Si vous le pouvez visitez le fac-similé de la grotte qui est remarquablement réalisé.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
L'art des origines , du moins l'art figuratif,qu'il soit en deux ou trois dimensions , est bien le propre des Aurignaciens , nos ancêtres directs.
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Video de Jean Clottes (3) Voir plusAjouter une vidéo

Jean Clottes et David Lewis Williams : Les Chamanes de la préhistoire
Depuis le site préhistorique de Laugerie-Basse (Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil, en Dordogne), Olivier BARROT présente le livre "Les chamanes de la préhistoire" de Jean CLOTTES et David LEWIS WILLIAMS, édité par LA MAISON DES ROCHES. Images de peintures rupestres.
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