Sans doute l'écrivain britannique, très pro, se regarde-t-il écrire avec plaisir ? le mécénat du gouvernement flamand et la résidence à la Villa Hellebossch lui ont été profitables. le séjour, c'est parfois l'atelier d'écriture obligé de l'auteur reconnu : Décrivez en toute objectivité l'hyper solitude et la haine de soi de l'homme moderne communiquant. le rendu de cette existence privée de vie aussi sent un peu l'exercice littéraire.
Jonathan Coe pourtant maitrise parfaitement toutes les techniques du roman. Il en fait étalage. La narration, comme il se doit, est foisonnante, pleine d'humour british. La progression du récit est impeccablement agencée et le rythme soutenu. L'auteur sait introduire des éléments de reprise et de surprise dans son histoire qui maintiennent indéniablement notre attention. Des rencontres avec des gens étranges, inattendus ainsi changent la triste vie d'un Mr Sim divorcé et dépressif : une femme chinoise et sa fille, un bizarre employé de compagnie aérienne, un compagnon de voyage cardiaque, une jeune femme enregistreuse clandestine et son oncle, un voleur à la tire, des amis d'enfance, des originaux voisins de son père, des vendeurs de brosses à dents écolo, une insolite passagère. A plusieurs reprises un récit enclavé dans le roman vient suspendre l'histoire aiguisant encore notre impatience et accentuant encore l'impression d'inexorable chute du héros : une lettre retraçant l'histoire de Donald Crowhurst navigateur solitaire, un travail universitaire où il est question de Mr Sim, des mémoires paternelles et des cartes postales. Comme si tout cela n'était pas amplement suffisant, les dernières pages se referment sur un happy end convenu, une adresse au lecteur et une mise en abime du roman.
Toute cette très complexe machinerie, qui laisse voir sa vilaine tuyauterie, est au service d'une vision du monde, elle, d'une grande simplicité. La morale de cette triste histoire, Mr Sim ne nous la laisse pas deviner, il nous l'assène sans pitié. Les ambitions et les idéaux déçus de la petite entreprise de la brosse à dents écologique et moderne nous révèlent la cruauté d'un monde où l'organisation la mieux intentionnée, la plus innovante peut être mise à genoux par des forces supérieures (sic). Ce n'est pas tout. Ce qu'il convient d'apprendre ou du moins de commencer à apprendre avec ce récit porte sur nous, sur notre nature, nos problèmes personnels (re sic). C'est
Adam Smith mâtiné d'un peu de
Sigmund Freud. Voilà, n'en doutons pas, de triviaux raccourcis et de simplistes conclusions qui ne laissent pas beaucoup de place ni à la critique, ni à l'autocritique, ni même au simple regard un tant soit peu lucide sur notre bonne vieille société.