AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,85

sur 703 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Londres 2013. Musicienne d'origine grecque, mère de deux jeunes filles, Calista va bientôt avoir soixante ans. Elle pressent confusément que sa carrière de compositrice de musique pour le cinéma touche à sa fin. Sa fille cadette est tombée enceinte par « accident » et se prépare à avorter. Tandis qu'elle emmène sa fille aînée, en partance pour un voyage de quelques mois à Sidney, à Heathrow, Calista réalise que son rôle de mère pourrait lui aussi bientôt changer de nature.

Plongée dans ses pensées crépusculaires, elle repense à l'été 1976, durant lequel elle a quitté la Grèce pour découvrir l'Amérique. En arrivant à Los Angeles elle va faire une rencontre qui marquera durablement son existence : elle se retrouve par un improbable hasard à la table du célèbre cinéaste Billy Wilder. Entre la jeune femme un peu timide et le réalisateur vieillissant, se noue une forme de complicité immédiate. Si bien que quelques mois plus tard, Billy Wilder fait appel à Calista pour être son interprète durant le tournage en Grèce de son nouveau film « Fedora ».

Le temps d'un tournage en Grèce puis en Allemagne et en France, l'héroïne vivra un moment hors du temps en compagnie de l'équipe du tournage orchestré par Wilder et son fidèle scénariste Iz Diamond. Un moment hors des contingences du quotidien, léger et joyeux. Et pourtant. le retour en Allemagne de Wilder ramène à la surface les souvenirs d'un jeune juif qui a quitté l'Autriche pour fuir la barbarie nazie, et qui est toujours hanté par le souvenir de sa mère disparue pendant la seconde guerre.

Dans ce roman pour cinéphiles, Jonathan Coe quitte son thème de prédilection, la chronique sociale d'une certaine Angleterre, qui s'attache à décrire un pays en pleine mutation dans « Testament à l'anglaise » ou « Bienvenue au club ». En revenant sur l'âge d'or d'Hollywood, il dessine un tableau teinté de nostalgie mais bien vivant, celui du déclin de la génération de Wilder et de Lubitsch, qui « pouvait faire davantage avec une porte fermée que la plupart des cinéastes avec une braguette ouverte », et de l'avènement d'une nouvelle génération (Scorcese, Spielberg) que Wilder appelle avec une ironie affectueuse « les jeunes barbus ».

« Mr Wilder et Moi » est un roman doux-amer, porté par l'élégance « so british » de la plume de Jonathan Coe. Un roman souvent joyeux, qui revient pourtant sur la Shoah et la disparition de la mère de Wilder, qui ne cesse de tourmenter le réalisateur de « Certains l'aiment chaud ». le souvenir des atrocités commises par les nazis est abordé avec un tact très anglais par l'auteur, qui nous rappelle que « les pessimistes ont fini à Beverly Hills et les optimistes à Auschwitz ».

Le roman repose évidemment sur le parallèle jamais explicité entre Billy Wilder qui comprend que ses grands succès sont derrière lui et la narratrice qui constate qu'elle est, des décennies plus tard, elle aussi au crépuscule de sa carrière de compositrice. « Mr Wilder et moi » est un roman foisonnant, léger et profond, empli de drôlerie et de tristesse, qui nous rappelle qu'avec « le temps va, tout s'en va », et évoque la disparition inéluctable d'un présent ré-enchanté par ces instants touchés par la grâce dont Wilder a le secret.

Jonathan Coe nous narre un Billy Wilder déjà âgé et conscient de son déclin, qui fait face à ses démons enfouis au creux de l'holocauste, et reste néanmoins ce cinéaste génial et virevoltant, à l'humour incroyablement corrosif. le roman nous plonge au coeur de l'été caniculaire de 1976, nous emporte dans les îles grecques entourées d'une eau turquoise, nous permet de croiser Al Pacino et sa petite amie Marthe Keller, tout en nous offrant une réflexion touchante sur le temps qui passe ainsi qu'un portrait haut en couleur d'un grand cinéaste du siècle dernier : Mr Wilder.


Commenter  J’apprécie          6430
On est en 1977 et une jeune fille, Calista , quitte la Grèce pour un voyage aux USA, elle y rencontrera tout à fait par hasard le metteur en scène Billy Wilder , (et son scénariste ) qui s'apprêtent à tourner Fedora, son avant dernier film, et qui auront besoin pour les scènes tournées sur l'île, d'une interprète. Elle passera quelques jours en compagnie de l'équipe, quelques jours qui marqueront son destin..

On est en Angleterre, Calista a désormais 57 ans, et se souvient de ces années -là. Elle est devenue créatrice de musiques de films, métier qu'elle doit aux personnes qu'elle a rencontré sur Fedora.
Ses deux filles s'apprêtent à quitter le nid, elle a du mal à y faire face. L'une d'elle est enceinte et envisage l'avortement afin de ne pas renoncer à l'université.

Roman d'apprentissage, roman sur le temps qui passe, sur la vieillesse qui arrive, sur ce qu'elle enlève aux gens.
Parallèle entre Billy Wilder et Calista qui ne se voient plus offrir de belles opportunités professionnelles.
Billy Wilder n'est plus "bankable" auprès des studios hollywoodiens ; Fedora est son chant du cygne. Il est devenu ringard, la nouvelle génération de metteurs en scène ( Sorsese, Spielberg...) arrivent , et le poussent gentiment vers la sortie. Fedora aura un accueil mitigé, certains spectateurs riront pendant certaines scènes, ce qui n'était pas prévu..;
Calista, qui voit partir ses filles ,lesquelles vont " vivre leur vie" , la maman a fini son "boulot" de maman... Qui va t'elle aimer aussi fort ? Que va-t'elle pouvoir faire d'aussi fort que d'élever des enfants, les chérir et les préparer au monde ?
Roman qui interroge sur ce qu'on laisse . Quelle trace ?
Une oeuvre artistique, des enfants, quelque chose pour être immortels , au moins dans le souvenir ...
Et enfin, "Billy Wilder et moi " c'est aussi le roman d'un cinéphile pour des cinéphiles... Parce qu'il faut avoir vu Fedora pour comprendre, aimer, et ne pas s'ennuyer à la lecture de ce roman (à mon avis !).
Le film Fedora, c'est l'histoire (au début parce qu'après ça se "corse" !), d'une actrice vieillissante qui a pris congé du monde, qui vit recluse dans sa propriété sur une île grecque. Plus personne ne peut la voir, aucun journaliste. La star vieillit et n'a plus envie d'être vue, scrutée, soupesée, évaluée, jugée. Est-elle bien "conservée" ? Est-elle encore belle ? N' est-elle plus que l'ombre d'elle même ? Nul ne le sait ...
Film sur la vieillesse, livre sur la vieillesse.
Jonathan Coe (l'écrivain reconnu) fait dire à Billy Wilder ( Légende du cinéma ) : " Dès qu'une femme perd sa beauté , c'est fini. Elle est invisible." et une page avant : " Mais c'est différent pour les hommes et pour les femmes. Pour moi, vieillir est un désagrément. Pour les femmes, c'est une tragédie. Et je l'ai constaté par moi-même. Je l'ai vu de mes propres yeux."
Fedora raconte une tragédie : une star, une femme magnifique qui vieillit et tout ce qui sera mis en place pour éviter cela... Une tragédie : pas d'autre mot !
Un film sublime malgré ses imperfections, un des films qui m'a le plus marquée, peut-être parce que je l'ai vu jeune, à l'heure où l'on se forme...
Mais certainement , un film qui m'a percutée parce que je l'ai vu à une époque où j'étais cinéphile, où je lisais tout ce que je pouvais sur le vieil Hollywood, comment il était né, comment il était passé du noir et blanc à la couleur, du muet au parlant.
Et forcément quand on est cinéphile, Fedora c'est Greta Garbo qui l'a inspiré. Cette star qui a refusé de vieillir devant les caméras, et qui a pris sa "retraite" au sommet de sa gloire et de sa beauté , comme Fedora.
Il y a beaucoup de choses dans ce roman, beaucoup de "boites " à ouvrir, de tiroirs qui se répondent, de poupées russes... Roman d'apprentissage, éloge de la lenteur au cinéma, roman de cinéphile etc...
Mais ce qu'il ressort quand claque le mot " FIN", c'est une furieuse envie de revoir Fedora, et une pressante envie de découvrir (ou revoir ) tous les films de Mr Wilder.
Et aussi ceux de Mr Lubitsch , puisqu'il est question de The shop around the corner , un magnifique film.. (remake : @Vous avez un message).
Et quand un roman vous donne envie de découvrir les créations d'autres créateurs, quand un écrivain vous fait partager ses coups de coeurs, ses influences, ça s'appelle un hommage, un grand cri d'amour au cinéma .
Billy Wilder et moi, Et vous, et Jonathan Coe, et Lubitch , et Al Pacino, et Spielberg etc... etc... Et Marthe Keller ; bien sûr...
Commenter  J’apprécie          622
Sérieusement, quand l'un de vos écrivains préférés, Jonathan Coe, publie un livre intitulé Billy Wilder et moi, le susdit étant l'un de vos réalisateurs chéris, que faire d'autre que de courir ventre à terre à la librairie la plus proche ? le livre est à hauteur des attentes, une plongée sur le tournage de Fedora, l'avant-dernier film, sous-estimé, du réalisateur de Certains l'aiment chaud. L'heure est à la mélancolie et à la nostalgie pour un cinéaste un peu has been dans les années 70, dépassé par les "barbus" d'Hollywood : Spielberg, Coppola et Scorsese. le scénario de Billy Wilder et moi n'a rien de révolutionnaire en soi, certes, avec les souvenirs d'une assistante et traductrice sur le tournage de Fedora en Grèce, mais permet à Coe de déployer tout son savoir faire entre réalité (le roman est très documenté) et fiction, entre saillies drolatiques du réalisateur et premiers émois d'une héroïne, alors toute jeunette, et qui va faire son apprentissage de la vie auprès du réalisateur et de son entourage. Quelques unes des scènes du livre sont éblouissantes, en particulier celle de l'onctueuse découverte du fromage de Brie, dans une ferme de Seine-et-Marne. L'ouvrage est délicieusement désuet, certainement moins dense que d'autres oeuvres de Jonathan Coe, mais le charme agit pleinement et donne furieusement envie de revoir Fedora avec la jeune Marthe Keller, notamment. Un pur bonheur, pour les amateurs de littérature, de cinéma et ... de fromage.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
Commenter  J’apprécie          404
C'est souvent (toujours?) avec un certain plaisir que l'on se plonge dans les livres de M. Coe et celui-ci n'échappe pas à la règle. Bien écrit et bien traduit (il faut du talent pour transmettre la fluidité du verbe), on ne voit pas le temps passer en compagnie de ses héros.
Ici, à part Calista qui sert de fil conductrice, il s'agit bien sûr de nous parler du cinéaste des années cinquante/soixante Samuel Wilder et du tournage de l'un de ses derniers films (1978) : Fedora...
C'est une déclaration d'amour du britannique envers l'étasunien d'origine austro-hongroise.
Comment faire juste avec du presque simple ? Pas de coup de feu, de scènes incroyables, de timing croisé, non ... rien de tout cela.
De la mélancolie, de la nostalgie, des sentiments simples qui sonnent comme les cloches de la vie. Des notes fondamentales.
Commenter  J’apprécie          370
A quatorze ans, Jonathan Coe découvre Billy Wilder par le biais d'un film « La vie privée de Sherlock Holmes'», Sherlock Holmes étant son héros du moment.
Dès lors, bouleversé par ce film il se passionne pour la filmographie et la vie de Billy Wilder.
Pour nous en parler, il invente le personnage de Calista, une jeune grecque qui est traductrice lors du tournage du film Fedora.
Par la suite elle deviendra compositrice de musique de films.
Comme Calista au début de roman, j'ignorais tout de Billy Wilder.
Voilà une lacune parfaitement comblée.
Jonathan Coe a du se régaler en écrivant ce livre.
Je suppose que son rêve aurait été d'être cette jeune Calista et de pouvoir ainsi côtoyer son idole.
Il l'aura en partie réalisé en écrivant cet ouvrage complet.
Il a rencontré des tas de témoins de la vie du célèbre réalisateur.
Rien de poncif dans ce livre qui se dévore passionnément.
Outre être instructif, il est écrit avec une admiration et une sensibilité rares.
C'est la une époque du cinéma qui touche à sa fin et se verra remplacer par d'autres motivations, d'autres modes, d'autres désirs, d'autres spectateurs.
C'est la fin du grand succès pour un cinéaste brillant qui se verra peu à peu supplanté par de « jeunes barbus ».
C'est aussi tout en pan de sa vie marqué par le nazisme et la disparition jamais élucidée de sa mère
L'éditrice de Jonathan Coe lui avait dit que le cinéma n'était pas un sujet porteur en littérature.
Mais le pari est réussi, ce livre est tout simplement très beau.
Au delà de la réalisation d'un tournage, celui de Fedora, il nous offre la vie entière d'un grand homme du cinéma.
Je ne suis pas spécialement fan de cinéma, mais je suis fan de ce roman qui utilise la fiction pour faire une très belle et très humaine biographie.


Commenter  J’apprécie          360
On le sait, Jonathan Coe est un obsessionnel de cinéma. Billy Wilder, en particulier, avait déjà été mis à l'honneur dans une de ses nouvelles, qui avait pour thème le film "La vie privée de Sherlock Holmes".

Ici, la narration est bâtie autour du tournage mouvementé de son avant-dernier film, "Fedora", à la fin des années 1970. Production allemande oblige, ce film a été tourné en Grèce (notamment Corfou), à Munich et pour quelques scènes, en France.

Calista Frangopoulou, une jeune femme grecque, par un concours de circonstances compliqué, se retrouve embauchée pour être interprète grec/anglais. Elle a brièvement été présentée à Billy Wilder lors d'un séjour aux Etats-Unis, à base de bus Greyhound et d'hébergements modestes.

Calista, quarante ans plus tard, est devenue une compositrice de musiques de film à laquelle plus grand monde ne semble prêter attention. Ces quelques mois passés à travers l'Europe, elle ne les a jamais oubliés.

Ce roman de Jonathan Coe est, comme souvent chez lui, très prenant. On est dans la générosité et l'empathie, avec une pointe de cruauté face à toutes les misères que la vie nous amène à subir. Et Billy Wilder et son scénariste Iz Diamond en ont eu leur part, malgré leur réussite matérielle. Ils sont au crépuscule de leur carrière, comme le personnage de Fedora. Ce qui fait écho avec la situation de Calista.

Impossible de ne pas avoir envie de voir (ou de revoir) "Fedora" après cette lecture. Je pense l'avoir vu, mais sans en garder d'impression. Il avait déjà un côté désuet à sa sortie et les critiques d'alors avaient surtout pointé que Billy Wilder avait déjà fait beaucoup mieux avec "Boulevard du Crépuscule" près de trente ans plus tôt...
Commenter  J’apprécie          353
Calista, cinquante-sept ans, compositrice de musiques de film, attend le chaland depuis un certain temps. En manque d'inspiration, se sentant désoeuvrée, elle se replonge dans ses merveilleux souvenirs de l'été 1977, celui où le talentueux cinéaste américain Billy Wilder l'engage dans son équipe pour le tournage de Fedora, son film « chant du cygne ». Ses souvenirs vont emmener le lecteur à Londres, Los Angeles, en Grèce, à Munich, Paris et à nouveau Londres.

Après avoir connu la gloire et le succès, Billy Wilder est un peu devenu le has been de Hollywood, de jeunes talents américains ont le vent en poupe : Spielberg, Scorsese, Coppola, vent qui le pousse vers la sortie.

Calista va pénétrer dans le temple du cinéma, assister à certaines scènes du tournage de Fedora, et surtout faire la connaissance de Billy Wilder et de son associé Iz Diamond, avec lequel elle apprendra beaucoup sur la carrière de Billy.

C'est un roman au charme désuet, au style épuré, empli d'une belle nostalgie, rendant un hommage touchant à Billy Wilder.

Je l'ai trouvé très intéressant et instructif, moi qui ne connaissais pas Billy Wilder, qui n'ai vu que son film « Certains l'aiment chaud ». Ce roman est truffé d'anecdotes le concernant et de paroles qu'il a littéralement prononcées, en anglais bien sûr; elles font découvrir au lecteur un personnage exigeant, attachant, au caractère empreint d'une grande bonhomie, mais aussi sombre, torturé par la disparition de sa mère dans les camps de concentration. le livre oscille entre passages de bonheur pur et passages plus tristes mais dénués de lourdeur.

C'est un savant mélange de fiction et de réalité, ce que Jonathan Coe nous explique à la fin du livre : il s'est formidablement documenté et a rencontré des personnes ayant côtoyé le cinéaste.

C'est mon premier Jonathan Coe; et si j'ai bien lu sur internet, ce n'est pas son meilleur roman, mais j'ai passé un agréable moment et me réjouis donc d'en lire d'autres, surtout s'ils sont d'une beauté supérieure, notamment « Testament à l'anglaise » qui est déjà dans ma bibliothèque.

Et, sans divulgâcher, je parie que vous n'aurez qu'une envie lors d'un certain et merveilleux passage : vous jeter sur un bon morceau de brie (si vous aimez ça évidemment).

Bref, une jolie découverte qui donne envie d'aller plus loin.
Commenter  J’apprécie          347
Quand le mot « star » n'avait pas encore été galvaudé pour des célébrités d'un quart d'heure. Quand les stars illuminaient les nuits noires des spectateurs et les insomnies des adolescent(e)s, tout partait d'Hollywood. A cette époque des sixties, les étoiles se nommaient Marilyn, Kim Novak ou Jack Lemmon et elles tournaient souvent sous la direction de Mr Wilder.
Jonathan Coe imagine qu'une ingénue va croiser la route du réalisateur de « Certains l'aiment chaud » et finir par lui servir d'interprète officielle sur le tournage de son dernier film Fedora, en 1978 à Corfou. C'est l'occasion de revisiter la carrière du maître, sa culture et son humour à travers les yeux d'une jeune fille qui découvre avec ravissement tout la force d'attraction d'Hollywood. C'est léger, drôle et sérieux à la fois, un peu comme les films de Mr Wilder.
On y découvre également le mal être de ceux qui, ayant connu le succès, passent de mode et finissent par être délaissés. C'est le sujet central de Fedora et il semble bien que ce film décrive aussi ce que Wilder ressentait à l'époque où Spielberg triomphait déjà avec les effets spéciaux des « Dents de la mer ».
Restait l'humour, qui n'est après tout que la politesse du désespoir. Témoin, cette anecdote que Coe met dans la bouche du scénariste fétiche de Wilder à l'époque où ils essuyaient refus sur refus de la part des producteurs qui ne le trouvaient plus « bankable ».
"Billy avait rendez-vous, un jour, avec un producteur. Et il lui a dit qu'il voulait faire un film sur Nijinsky. Alors il a raconté toute l'histoire de la vie de Nijinsky au producteur, et ce type l'a regardé, horrifié, en disant : "Vous êtes sérieux ? Vous voulez faire un film sur un danseur classique ukrainien qui finit par devenir fou et passe trente ans en hôpital psychiatrique, convaincu d'être un cheval ?" Et Billy répond : "Ah, mais dans notre version de l'histoire, ça se termine bien. Il finit par gagner le Kentucky Derby."

Précisons pour les non turfistes que le Kentucky Derby est l'équivalent de notre Prix de l'Arc de Triomphe ou du Derby d'Epson.

Commenter  J’apprécie          262
Délaissant pour un temps la satire politique, la radiographie caustique de son pays, l'Angleterre, Jonathan Coe nous emmène ici dans le monde du cinéma, pas si étonnant que cela, puisque j'apprends grâce aux critiques de Babelio, qu'il fut un temps critique de cinéma et grand admirateur d'Ernst Lubitsch et... de Billy Wilder.
Mr Wilder et moi n'est pas un roman autobiographique qui raconterait la rencontre entre ces deux-là. Non, il s'agit bien d'une fiction, celle racontant la rencontre improbable entre ce génial cinéaste et Calista, une toute jeune femme. Quand celle-ci quitte sa Grèce natale pour découvrir le monde, short troué et sac à dos, elle est loin de se douter qu'elle rencontrera par le plus grand des hasards ce monument du cinéma et qu'elle sera, le temps d'un tournage le témoin de ses confidences et de ses bons mots, et que cette expérience inouïe cimentera sa vie et ses choix.
Avec Billy Wilder, Jonathan Coe parle de son amour pour le cinéma des années 50/60, de la difficulté des cinéastes de ces années d'or de continuer à tourner à partir des années 70/80 dans un monde où l'industrie cinématographique les voyait plutôt comme des dinosaures n'ayant plus rien à dire.
Cela donne envie de voir ou de revoir Certains l'aiment chaud, Irma la douce, et surtout Fedora, et bien d'autres , de découvrir encore davantage ce cinéaste qui disait avec modestie : "J'ai fait des films dans tous les genres, bons, mauvais , passables" (notez qu'il ne dit jamais '' très bons'') et avec un humour noir, lui qui a perdu sa mère dans les camps de concentration : "Les pessimistes ont fini à Hollywood et les optimistes dans les camps de concentration ".
le personnage fictif de ce roman, Calista, n'est pas occulté ou écrasé pour autant par B. Wilder, Jonathan Coe brosse ainsi un beau et sensible portrait de femme mûre, puisant force et générosité dans la résurgence de ses souvenirs .
Savoureuse lecture qui m'a donnée envie de revenir vers Jonathan Coe ( le coeur de l'Angleterre m'attend !!).

Commenter  J’apprécie          261
Neuvième incursion dans l'univers de Jonathan Coe, Mr Wilder et moi établit une fois de plus l'immense talent de son créateur.
Calista Frangopoulou se remémore sa rencontre fortuite avec Billy Wilder, cinéaste renommé du temps des grands studios d'Hollywood, durant un voyage sac au dos à travers les États-Unis en 1976. Comme l'un n'allait pas sans l'autre, elle fait aussi connaissance avec son fidèle scénariste, Iz Diamond. Ils planchent depuis un moment sur un projet de film, mais le coeur n'y est plus. Les jeunes loups (les barbus comme ils les appellent), Spielberg, Coppola, Scorsese sont aux commandes et le cinéma change sous leurs yeux à la vitesse grand V. le film en chantier, c'est Fedora, qui verra enfin le jour en 1978 non sans quelque douleur. C'est de cette genèse dont nous entretient la narratrice, Calista, d'origine grecque, engagée alors à pied levé comme traductrice, le tournage se déroulant principalement sur l'île de Corfou en Grèce.
J'ai adoré ce roman délicieusement rétro, piquant d'humour décalé vaguement suranné. Je me suis faufilé dans les coulisses d'un film que je n'ai jamais vu mais qui m'a enchantée, avec ses vedettes d'une autre époque, conduit par la figure emblématique de Billy Wilder, issu d'une famille juive autrichienne et exilé aux Etats-Unis autour des années 1930. Un homme blessé à jamais par la disparition de ses proches, exterminés par les nazis dans les camps de la mort.
Une histoire prenante sous des dehors légers, comme ce cinéma qu'aimait Wilder, celui qui distrait les masses sans trop les embêter.
Commenter  J’apprécie          240




Lecteurs (1406) Voir plus



Quiz Voir plus

La pluie, avant qu'elle tombe

A quel âge est morte Rosamond?

71
72
73
74

15 questions
62 lecteurs ont répondu
Thème : La pluie, avant qu'elle tombe de Jonathan CoeCréer un quiz sur ce livre

{* *}