Après le dîner, ma mère s’est éclipsée direction l’évier pour passer la vaisselle sous l’eau et rappeler l’amie qui avait perturbé notre Stroganoff par son coup de fil, pendant que mon père et moi restions assis comme si la table avait besoin de pieds supplémentaires et il a dit Essayons encore une fois, donc je lui ai raconté l’histoire:
J’ai dit Il y a une fille, on va commencer par elle, évidemment il faut la décrire. Elle est jolie ? a demandé mon père, j’ai dit Dans ma description je la qualifie de flavescente (je n’étais pas très sûr du sens de ce mot), avec des cheveux teints en roux et des yeux immenses, aussi grands que sa bouche. Elle est sexy ? a demandé mon père en jetant un coup d’oeil sur ma mère, absorbée par la confection d’un dessert diététique, un sandwich oreille-téléphone-épaule. J’ai dit C’est une fille genre la voisine de la voisine, un peu vulgaire donc, mais aussi couverte de sang de la tête aux pieds, dans la première scène, elle dégouline de sang. Bien sûr, bien sûr, a dit mon père (il était distrait à cause de la bouteille de Petit-Noir dont il s’était servi la dernière goutte), mais est-ce qu’on peut appeler « scènes » les différentes parties d’un livre ? Je croyais que c’était un terme de cinéma ? J’ai dit On peut dire scènes pour un livre, mais si tu parles des chapitres d’un film, là, tu passes pour un con. Bien sûr, bien sûr, a dit mon père, et il a bu une gorgée en me faisant un clin d’œil et quand il a reposé son verre vide sur la table, l’évier était silencieux, la cuisine déserte, ma mère montée à l’étage, on entendait son rire flotter, lointain, et puis il a disparu, ventilé dans une hilarité hautement éthérée – dissous dans le bourdon du réfrigérateur, le ronron du lave-vaisselle, le tic-tac maniaque du réveil.
J’ai dit Elle rebondit sur la banquette arrière, c’est comme ça que ça commence : son corps ensanglanté sur la banquette arrière, un couteau planté dedans, elle rebondit entre le dossier de la banquette arrière et le dos des dossiers des sièges avant – Minute, a dit mon père, c’est quoi ce bazar ? J’ai dit S’il ne fait pas attention au prochain gros dos d’âne, ventru comme une femme enceinte, sur la route, le cadavre de la fille pourrait tomber, aller valdinguer sur le tapis de sol crasseux, sur l’amas de morceaux de tapis de sol dégueulasses et s’encastrer entre la banquette arrière et le dossier de son siège à lui. (« McDonald’s »)
Cette histoire ne reprend pas la combine classique où, sous prétexte de raconter l’histoire de quelqu’un, en fait on raconte la sienne.
Mon histoire est toute simple :
À peu près deux ans après être sorti de la fac, mon diplôme de chômage en poche – mon mémoire portait sur la Métaphore -, j’avais quitté New York pour Berlin pour y travailler comme écrivain, bien que ce ne soit pas le mot juste puisque à Berlin personne ne travaille. Je ne vais pas chercher à expliquer pourquoi ici. Cette histoire n’est pas de l’Histoire, on n’est pas sur History Channel.
Prends un stylo, recopie ça sur un bout de papier et, lorsque tu seras pas loin d’un ordi, va voir :
http://www.visitberlin.de
Tu peux aussi te contenter de cliquer du bout du doigt sur ce lien jusqu’à ce que la page s’use – que tu aies effacé l’encre sans jamais arriver sur le site. (« Émission »)
Dans "Les Nétanyahou", l'écrivain américain Joshua Cohen revient sur un épisode anecdotique de l'enfance de "Bibi" Netanyahou : le recrutement du père dans une université américaine. Une anecdote métaphorique questionnant le sionisme et l'identité juive-américaine avec humour.
Dans ce nouvel ouvrage inspiré de faits réels, l'héritier de la tradition littéraire juive-américaine de Saul Bellow et Philip Roth recouvre la réalité d'un voile de fiction. le critique littéraire Harold Bloom — dont les souvenirs inspirent le roman — devient Ruben Blum, un historien américaniste spécialiste de la taxation. Avec son épouse Edith et leur fille Judith, les Blum forment une famille américaine moyenne d'origine juive mais ayant délaissé le traditionalisme religieux pour l'académisme et la modernité. Exit les fêtes religieuses passées au temple, place à la télévision en couleurs et au réfrigérateur. Une famille presque parfaitement assimilée.
Or le livre s'ouvre sur le rappel désagréable qu'ils ne le sont pas tout à fait. Ruben Blum devra accueillir un aspirant-professeur venu d'Israël, un certain Ben-Zion Netanyahou, au seul prétexte qu'il est le seul Juif de son université. le plongeon dans les recherches de Ben-Zion Netanyahou est un moyen pour Joshua Cohen d'évoquer l'histoire du sionisme et ses courants variés. Notamment le "sionisme révisionniste" de Ben-Zion qui, plus tard, inspira la politique d'un certain Benyamin Netanyahou, aux commandes d'Israël pendant douze ans.
Puis, dans la deuxième moitié du livre, la rencontre entre les Blum et les "Yahou" donne à voir un choc des cultures entre les Juifs d'Israël et les Juifs de la diaspora américaine — une occasion de plus pour sonder l'identité particulière des juifs-américains.
A mi-chemin entre le roman de campus et le roman historique, Joshua Cohen creuse sa page d'une encre humoristique corrosive et terriblement actuelle. Et ce alors que "Bibi" Netanyahou ne quittait le poste de premier ministre qu'en juin 2021, après un règne ayant porté le sionisme révisionniste à son apogée.
Olivia Gesbert invite à sa table l'auteur Joshua Cohen pour présenter son dernier livre.
#JoshuaCohen #Netanyahou #Littérature
_____________
Prenez place à La Grande Table pour rencontrer d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture, ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrpsBVAaqJ_sANguhpPukaiT
ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie
Suivez France Culture sur :
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture
Twitter : https://twitter.com/franceculture
Instagram : https://www.instagram.com/franceculture
+ Lire la suite