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Citations sur Sido, suivi de Les vrilles de la vigne (82)

Elle avait, cette manière étrange de relever les roses par le menton pour les regarder en plein visage.
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Peu de jours après, je trouvais ma mère sous l’arbre, passionnément immobile, la tête à la rencontre du ciel d’où elle bannissait les religions humaines…

- Chut ! … Regarde…

Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises, buvait le jus, déchiquetait la chair rosée…

- Qu’il est beau ! … chuchotait ma mère. Et tu vois comme il se sert de sa patte ? Et tu vois les mouvements de sa tête et cette arrogance ? Et ce tour de bec pour vider le noyau ? Et remarque bien qu’il n’attrape que les plus mûres…

- Mais maman, l’épouvantail…
- Chut ! … L’épouvantail ne le gêne pas…
- Mais, maman, les cerises ! …

Ma mère ramena sur la terre ses yeux couleur de pluie :

- Les cerises ? … Ah ! oui, les cerises…
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La forme des années a changé pour moi, durant que moi, je changeais. L’année n’est plus cette route ondulée, ce ruban déroulé qui de janvier montait vers le printemps, montait, montait vers l’été pour s’y épanouir en calme plaine, en prés brûlants coupés d’ombres bleues, tachés de géraniums éblouissants, puis descendait vers un automne odorant, brumeux, fleurant le marécage, le fruit mûr et le gibier, puis s’enfonçait vers un hiver sec, sonore, miroitant d’étangs gelés, de neige rose sous le soleil…
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Annonçait-on, dans un journal, le dégel? Ma mère haussait l'épaule, riait de mépris.
"Le dégel? Les météorologues de Paris ne m'en apprendront pas! Regarde les pattes de la chatte!"
Frileuse, la chatte, en effet pliait sous elle des pattes invisibles, et serrait fortement les paupières.
"Pour un petit froid passager, continuait "Sido", la chatte se roule en turban, le nez contre la naissance de la queue. Pour un grand froid, elle gare la plante de ses pattes de devant et les roule en manchon."
(Sido)
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Il y avait dans ce temps-là de grands hivers, de brûlants étés. J'ai connu, depuis, des étés dont la couleur, si je ferme les yeux, est celle de la terre ocreuse, fendillée entre les tiges du blé et, sous la géante ombrelle du panais sauvage, celle de la mer grise ou bleue. Mais aucun été, sauf ceux de mon enfance, ne commémore le géranium écarlate et la hampe enflammée des digitales. Aucun hiver n'est plus d'un blanc pur à la base d'un ciel bourré de nues ardoisées, qui présageaient une tempête de flocons plus épais, puis un dégel illuminé de mille goutes d'eau et de bourgeons lancéolés...
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Je voudrais dire, dire, dire tout ce que je sais, tout ce que je pense, tout ce que je devine, tout ce qui m'enchante et me blesse et m'étonne; mais il y a toujours vers l'aube de cette nuit sonore, une sage main fraîche qui se pose sur ma bouche...Et mon cri, qui s'exaltait, redescend au verbiage modéré, à la volubilité de l'enfant qui parle haut pour se rassurer et s'étourdir...
Je ne connais plus le somme heureux, mais je ne crains plus les vrilles de la vigne...
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"Sido" répugnait à toute hécatombe de fleurs. Elle qui ne savait que donner, je l'ai pourtant vue refuser les fleurs qu'on venait parfois quêter pour parer un corbillard ou une tombe. Elle se faisait dure, fronçait les sourcils et répondait "non" d'un air vindicatif.
-Mais c'est pour le pauvre M. Enfert qui est mort hier à la nuit! La pauvre Mme Enfert fait peine, elle dit qu'elle voudrait voir partir son mari sous les fleurs, que ce serait sa consolation! Vous qui avez de si belles roses-mousse, madame Colette...
-Mes roses-mousse! Quelle horreur! Sur un mort!
Après ce cri, elle se reprenait et répétait:
-Non. Personne n'a condamné mes roses à mourir en même temps que M. Enfert.
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Nous avons, toute sa vie, troublé le tête à tête que mon père rêvait. L'esprit pédagogique peut rapprocher un père de ses enfants. A défaut d'une tendresse, beaucoup plus exceptionnelle qu'on ne l'admet généralement, un homme s'attache à ses fils par le goût orgueilleux d'enseigner.
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La Religieuse et le Chevalier Piedrouge devisent avec l'Arlequin. La Religieuse penche la tête, puis court, coquette, pour qu'on la suive, et pousse de petits cris... Le Chevalier Piedrouge, botté de maroquin orange, siffle d'un air cynique, tandis que l'Arlequin, fuyant et mince, les épie...
Ô lecteurs vicieux, qui espérez une anecdote dans le goût grivois et suranné, détrompez-vous : je vous conte seulement les ébats de trois jolis oiseaux des marais.
(Les vrilles de la vigne)
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Ma mère me laissait partir, après m'avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, « chef d'œuvre », disait-elle. J'étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d'accord... Je l'étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu'à mon retour, et de ma supériorité d'enfant éveillée sur les autres enfants endormis.
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