Octobre est le mois parfait pour un bain de littérature victorienne et j'en ai profité pour découvrir enfin l'oeuvre de W.
Wilkie Collins tant vantée par tant de lecteurs et heureusement éditée chez Libretto.
C'est sur "
La Dame en Blanc" que j'ai jeté mon dévolu après avoir longuement hésité entre ce dernier et "La
Pierre de Lune" (j'ai tout de même acheté les deux…) et je ne regrette pas mon choix (ni mon second achat du coup) même si le roman souffre peut-être de quelques longueurs et si le personnage de Laura se révèle tout de même assez insipide… et qu'elle m'a prodigieusemen agacée pauvre poupée fragile que j'aurai voulu voir réagir enfin!...
Heureusement pour elle (l'intrigue le prouvera) et pour nous surtout, ses comparses sont de brillantes créations et l'ambiance du roman, gothique, vénéneuse et parfois terrifiante, toute victorienne également, est un délice.
Comment parler de l'intrigue de "
La Dame en Blanc" sans en écrire trop? Comment donner envie à ceux qui seraient par elle tentés sans les priver de l'ensorcellement de la découverte?
Comment résister à la tentation d'aborder les faux-semblants, les chausse-trappes, les pièges, l'hypocrisie, les nuits d'angoisse, la froideur des tombes, la perversion des hommes, le courage des femmes (celui de Marian surtout, tellement plus intéressante et grande que Laura!), la force de l'amour (celui de Walter surtout)?
Il ne faudra pas trop en dire, mais il faudra écrire pourtant. le supplice et la pression sont à leur comble et je sens, tandis que j'écris, les fantômes de Walter, Marian et Laura se pencher gentiment vers moi. Je sens celui de Sir Percival peser sur mon épaule et celui de Fosco, plus pressant que tous les autres, se rapprocher, saisir et presser trop fort ma main qui court sur le clavier.
Tout commence un soir alors que Walter, jeune professeur de dessin, rentre chez lui. Sur la lande, il croise soudain une jeune femme tout de blanc vêtue et l'air hagard presque terrorisé… L'apparition tente de fuir l'asile dans laquelle "on" l'avait enfermé". Elle a besoin d'aide.
Quelques temps plus tard, ce même Walter devient le professeur de dessin à demeure de deux jeunes femmes vivant dans un domaine aussi beau que reculé: la première est aussi fine et intelligente que son visage est ingrat: c'est Marian. Chère Marian! La seconde des deux soeurs, car c'est ainsi que sont liées les deux élèves du jeune professeur, est une beauté d'or et d'albâtre, douce et discrète. C'est Laura et c'est de cette dernière que tombera amoureux Walter. Hélas, trois fois hélas, la belle est déjà promise à Sir Percival et elle a juré à son père se mourant qu'elle irait au bout de ce projet matrimonial, quitte à en souffrir.
Quels liens mystérieux unissent les deux jeunes femmes et
la dame en blanc? Et pourquoi Sir Percival tient-il tant à ce mariage? Qu'a-t-il à cacher? Que se passe-t-il derrière les portes closes? de quelles abjections sont capables les hommes les plus corrects? Quelles armes restent-ils aux femmes?
"
La Dame en Blanc" répond à toutes ces questions en tissant une intrigue qui n'a rien à envier aux brumes les plus épaisses, pas plus qu'aux plus pernicieux des poisons; une intrigue pleine de péripéties, de coups de théâtre et de sursauts que n'aurait pas dédaigné un Sue ou un Dumas!
C'est un plaisir de s'y plonger et de tenter d'en trouver les clefs, tout comme de se faire piéger. Si ce roman est considéré comme l'ancêtre du roman policier et du thriller, c'est à juste titre…
Il ne saurait pourtant se résumer à cela et il ajoute à cette prestigieuse dimension son atmosphère incomparable ainsi qu'un analyse fine et sans concession de la société victorienne, de ses hypocrisies, de ce qu'elle veut taire et de ce qui l'assombrit tel le traitement réservé aux femmes, les tractations qui font du mariage une juteuse affaire commerciale, le sort de ceux qu'on jugeait "fous" et le reste.
Les ambitions affichées sont grandes et le roman est plantureux, bavard à quelques reprises pour les réaliser ce qui rend sa lecture parfois ardue mais cela reste un plaisir à lire grâce à la construction de l'ouvrage qui alterne les points de vue et les formes narratives, formant ainsi une sorte de compte rendu d'enquête riche, précis et détaillé. Grâce aussi à de savoureux personnages: si Walter est un peu fade, comme Laura, grâce soit rendue à Marian, incroyable de force et de clairvoyance, à l'abject Percival et surtout à Fosco, scélérat magnifique, manipulateur grandiose, machineur et comploteur génial!