J'ai eu le plaisir de rencontrer l'auteur en dédicace dans une librairie. J'ai pris l'option de choisir cet ouvrage car le sujet m'intéressait : un enfant, polyhandicapé et mutique de surcroît, « témoin » du meurtre de son père au sein du domicile familial. Théo va dès le lendemain, dans son centre éducatif et médical, se montrer agité et attirer l'attention de son orthophoniste Emma. Celle-ci, par le biais d'une méthode controversée et d'ailleurs interdite dans ces établissements, va lui permettre d'extérioriser son mal-être mais les révélations du gamin vont bouleverser la jeune femme. En parallèle, l'enquête de police sur ce sauvage assassinat se met en place.
On a affaire ici à un polar régional, paru en premier lieu dans la collection Polars en Nord chez
Ravet Anceau en 2018 et ressorti en 2020 chez Amanite, qui nous ballade dans la métropole lilloise. Une intrigue centrée plus particulièrement sur des personnages féminins. Tout d'abord Emma, l'orthophoniste, empathique envers ses patients mais en proie à une dualité émotionnelle après un passé familial compliqué. Sybille, ouverte d'esprit, capitaine de police, une acharnée du travail qui ne lâche jamais une enquête avant son terme. Et un peu en retrait, Eva, l'avocate, à la recherche de l'affaire qui relancera sa carrière en chute libre depuis le départ de son mari.
Un scénario singulier puisqu'il met en avant un témoin muet !
Marie Compagne met en avant une méthode réellement existante : la communication facilitée, qu'elle nous explique en détail au travers du personnage de sa thérapeute. Marie tend à démontrer les failles d'un système français qui interdit son utilisation. Elle pose de nombreuses fois les avantages de cette approche qui permet de changer la vision extérieure sur certains types de handicap. En cela, ça me rappelle le livre témoignage de
Philippe Aubert « rage d'exister ». le hic pour moi est que Marie oublie que Théo a 9 ans et lui pose un « langage » inadapté à un enfant de cet âge comme par exemple « je ne suis pas juste une chose qu'on roule j'ai une âme et un esprit ». Cela m'a perturbé dans ma lecture d'autant que ce jeune est une pièce maîtresse de l'investigation.
L'écrivaine insiste aussi sur le côté psychologique de ses intervenants, une ambivalence entre un côté protecteur et une violence parfois non maîtrisée qui amène le lecteur à s'attacher assez facilement. D'autant que l'aspect sentimental n'est pas oublié. Les personnages ont des failles qu'ils tentent de cacher derrière une image extérieure qui se veut forte.
On navigue ici dans les codes du polar avec tous les aspects de l'enquête y compris un procès et peu de protagonistes ce qui rend l'intrigue très claire. Malheureusement le twist final n'a eu que peu d'écho en ce qui me concerne et tombe un peu à plat.
Je sors partagé de cette lecture car le thème et l'écriture, parfois soutenue, sont intéressants mais la fin ainsi que les propos mis dans la « bouche » de l'enfant m'ont fait tiqué. Une petite déception car ce livre comporte nombre d'éléments pouvant en faire un coup de coeur.