Je suis contente d'avoir débuté l'oeuvre de
Michael Connelly avec la première enquête (puis quelques autres) de Harry Bosch. Si j'avais commencé avec
le Poète,
Les égouts de Los Angeles et autres m'auraient paru fades, et ce, injustement car sa série est passionnante. Pourtant,
le Poète possède ce petit quelque chose en plus qui surpasse les autres.
Délaissant le point de vue policier,
Michael Connelly renoue pour ce roman avec son métier de journaliste spécialisé dans les chroniques criminelles. Il connaît à fond ce métier, ses coups d'adrénaline comme ses coups bas. Et c'est cette totale véracité qu'on retrouve dans son narrateur John dit Jack McEvoy, chroniqueur au Rocky Mountains News à Denver, Colorado.
On fait sa connaissance à un moment particulièrement atroce de sa vie. Les coéquipiers de son flic de frère jumeau Sean viennent de le prévenir qu'il est mort. Et, circonstance d'autant plus difficile à admettre, tout porte à croire qu'il s'est suicidé avec son arme de service. Une sordide affaire de meurtre dont le coupable lui échappait en dépit de ses efforts tournant à l'obsession aurait été l'affaire de trop pour sa résistance et expliquerait son geste. Il n'a laissé derrière lui qu'un message sybillin inscrit sur la buée du pare-brise de sa voiture de service où il a été retrouvé mort.
Comment ne pas ressentir d'emblée beaucoup d'empathie pour Jack dans une telle épreuve. Il n'arrive pas à accepter et, pugnace, remue beaucoup l'entourage policier de son frère pour obtenir tous les détails... et mettre le doigt sur des éléments qui dérangent.
Débute une enquête plus vaste dans laquelle le frère et le journaliste en lui s'allient autant qu'ils s'opposent. Ses recherches obstinées l'emportent vers une trame toujours plus ample avec tueur(s?) en série et FBI.
C'est prenant, palpitant, passionnant, sidérant, haletant et les 760 pages édition (
Livre de Poche) fondent comme neige au soleil. Il faut dire que l'auteur maîtrise son affaire avec des personnages d'envergure, une intrigue bien serrée avec surprises et rebondissements bien comme il faut, des fausses pistes et des thèmes abordés dérangeants(hélas toujours d'actualité et où l'on voit comment Internet dès ses débuts permit l'organisation et le regroupement de certains déviants).
Certes, côté technologique, beaucoup de choses ont aujourd'hui évolué mais en 1995, à sa parution aux États-Unis,
le Poète était tout à fait dans son temps. J'ai pu lire que ça avait gêné certains lecteurs. Pourtant ce décalage technologique, même lors d'une lecture plus de vingt ans après, n'influe en rien sur la richesse et les qualités du récit. Chaque roman découle et s'écoule dans un contexte. Ce serait comme de reprocher, par exemple, à Holmes de ne pas envoyer ses conclusions par mails à Watson.
Je recommande vivement
le Poète aux amateurs de bons thrillers qui ne l'auraient pas encore lu. Adrénaline et suspense, meurtres horribles et poésie, c'est bien simple,
le Poète est exceptionnel!