« Quand je matraquais un lutteur au cours d'un match, j'imaginais que j'étais en train de frapper mon père. C'était son bras que je tordais, sa joue que j'enfonçais dans le tapis ». Fils d'un père violent et d'une mère victime, Mac n'est pas qu'un enfant en colère : il ressent une rage profonde devant la Justice qui, emprisonnant son père, l'a privé de s'en venger par lui-même en le dérouillant une bonne fois pour toute - chose pour lequel il ne cesse de s'entrainer quand même, au cas où. Et parce que ça le défoule. Et aussi parce qu'ayant connu cela depuis tout petit, la violence est un mode de fonctionnement ancré en lui. Est-ce dans ses gènes ? se demande-t-il souvent… « Je savais que le sang de mon père coulait dans mes veines. (…) Je me demandais si j'avais le choix ou pas d'être comme j'étais ». « Empêcher un chien de se battre ne tue pas en lui la rage de combattre ».
Heureusement, au lycée la boxe se pratique à la loyale et possède des règles, ces limites qui parquent la violence de Mac et la stoppent au coup de sifflet de l'arbitre, avant qu'elle ne l'emporte. Car sans cela, lorsque rage et violence déferlent, elles lui ôtent toute maîtrise de lui-même et toute lucidité, s'emparent de tout son être, se servent des phrases et gestes subis par le passé pour l'aveugler de colère, possiblement jusqu'à ce que mort s'en suive si personne ne l'arrête. Pourtant, Mac est vraiment un gentil garçon. Si seulement on lui avait appris à gérer sa colère autrement qu'en la répétant ! « On ne peut pas tout régler avec ses poings, Mac ».
Hélas, tout dérape quand un arbitre lui fait subir la contrariété de trop. Mac, dopé d'adrénaline, dépasse alors les bornes. Viré de la ligue officielle, il va devoir comparaître en justice… à moins d'intégrer une organisation de combats clandestins, sans règles du jeu ni arbitre. Un pari dangereux qui permet de gagner gros en restant hors des radars de la justice. « Après une victoire comme celle-là on ne se sent pas seulement fort. On se sent invincible ». Mais la contrepartie est chère payée : l'escalade de la violence pour un ado qui a du mal à la canaliser, l'instrumentalisation du désormais nommé
Wild Child pour les paris illégaux sur rings improvisés, le chantage et les menaces, son utilisation peu scrupuleuse dans des milices d'intimidation contre mauvais payeurs. le cercle vicieux est engagé, avec cette question qui tourne en boucle dans la tête du lecteur : Peut-on combattre la violence par la violence ?
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Je remercie cette masse critique efficacement ciblée ainsi que les éditions BAYARD pour cette bonne surprise ! Ce roman est bien écrit, bien construit, certains passages clés sont éblouissants de justesse. Les personnages sont équilibrés et la psychologie est assez fine même si le scénario et les échanges demeurent destinés à un public plus jeune, probablement lycéen comme le héros. La noirceur du vécu du héros et de l'univers des combats est compensée par les personnalités lumineuses, pleines de ressources et positivement combatives de Mac et de son entraineuse. Ces deux-là ne s'en laissent pas compter, luttent et s'apprivoisent jusqu'à pouvoir compter l'un sur l'autre. « Tu es violent, mais aussi loyal et tendre ». Leur amitié fera briller une étoile dans cette nuit sans lune.
Mais surtout, ce qui fait l'intérêt de ce roman c'est la réflexion sur la naissance de la violence, sa transmission, sa gestion. Bien amenée, puis bien traitée, elle invite à chercher à la comprendre pour ne pas se laisser dominer par elle, ni la laisser guider nos vies. Les combats décrits dégagent une certaine violence. Mais ce que l'on ressent surtout, c'est la volonté de Mac de la combattre. D'ailleurs lorsqu'il utilise cette violence injustement, elle le fait littéralement vomir.
Finalement, ce qu'il combat avec tant de hargne, ce n'est pas son père : c'est la violence elle-même contre laquelle il tente de lutter. Vous savez, comme ces FURY ROOM (lien ci-dessous pour les curieux) qui font fureur ces dernières années : Ces salles dans lesquelles vous payez pour être enfermés avec des objets et des armes/outils, et dont le but est de tout casser, exploser, défoncer, broyer, marteler, jusqu'à ce que toutes vos frustrations soient évacuées, que vous soyez vidés, calmés, mais sans avoir fait de mal à personne : Ces exutoires servent en réalité à canaliser la colère, génératrice de violence. Comme sur un ring, ça peut être thérapeutique tant que vous ne dépassez pas le cadre imparti. C'est pourquoi en réalité, le combat de sa vie sera pour Mac sa lutte contre cette violence qui, en l'aveuglant, lui fait prendre les mauvais chemins, l'aspirant dans une spirale infernale.
« Grunt et moi cassions de concert, deux images en miroir du vandalisme. (…)
Je sentais dans tout mon corps l'excitation de ce que nous venions de faire. J'ignorais si ce type méritait de voir sa voiture réduite en miette, mais ça m'était égal. C'était son problème, pas le mien.
Il y a quelque chose d'incroyablement jouissif dans le simple fait de décharger son énergie comme ça, de se lâcher. Je ne connais rien de comparable. C'est pour ça que j'ai toujours pris plaisir à lutter. Sur le tapis, on n'a pas à se retenir. On peut sortir toute la colère qu'on refoule. Subitement, après avoir canalisé toute cette noirceur pour la garder en soi, on a sa récompense. Rien ne vaut une telle montée d'adrénaline. »
Toute l'ambivalence est là, qui rend l'issue de ce combat très incertaine.
« Si la haine, la rage, ou je ne sais quel instinct animal s'empare de toi, ça risque de t'aveugler. (…) Essaye de voir la rage comme un adversaire. Soit tu la domines, soit c'est elle qui te domine, d'accord ? »
Alors, les paris sont lancés : Qui de la violence ou de Mac gagnera ce combat ?
Et vous, avez-vous testé ces FURY ROOM ou utilisez-vous le sport comme exutoire ?
Lien :
https://www.youtube.com/watc..