La terrible journée de l'explosion AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001, 10 jours après le World Trade Center et les 2 avions se fracassant contre les tours jumelles.
Journée essentiellement vécue du point de vue de Léon, jeune étudiant en philosophie, mais aussi celui de Frida, sa soeur, jeune et brillante institutrice, etcelui d'Aïda, la grand-mère, qui a échappé à 14 ans aux tueurs de la Russie en guerre.
de 10h17 du matin jusqu'au soir nous suivons aussi, avec la population toulousaine, l'avancée de la catastrophe. D'abord la certitude d'un attentat. Puis la nécessité de se sauver, d'agir le plus rapidement possible pour gérer des problèmes de fin du monde ou des scènes qui semblent n'avoir pas de sens. Visions des intérieurs de maisons, de bâtiments publics et visions extérieures.
Dehors, les rues transformées en hôpitaux. Les tuiles des toits "tombant comme des gouttes malheureuses, s'écrasant au sol en éclatant". Les murs parsemés d'éclats de verre dont certains ont la taille de lames de poignard. Les arbres devenus des fantômes. Les files devant les cabines téléphoniques alors qu'il est vain d'appeler
A l'intérieur les moquettes hérissées de piques, de pointes, les cloisons disparues, les meubles écrasés sous des blocs de plâtre, les fenêtres sans vitres.
Partout les odeurs terribles. Les bruits tout aussi terribles "Le bruit du verre brisé se mêlant aux grésillements électriques, aux sifflements dans ses oreilles qu'il entendrait toute sa vie". Et, à la fin de la journée, le silence plus terrible encore.
On assiste, au sein de cette horreur, parce que c'est la loi de la vie que tragique et comique se côtoient, à des scènes presque amusantes. le jeune Léon grimpant à 3m pour sauver, sur le rebord d'une fenêtre sans vitres, un canari bloqué dans sa cage, qui ne surmontera pas sa terreur et restera là, terrorisé. Ou encore Aïda, la grand-mère, paisiblement installée dans la rue sur une chaise de camping, un parapluie la protégeant du soleil, son chat sur les genoux et une réserve d'eau à ses pieds.
Et il y a les moments bouleversants, tel celui où les patients de l'hôpital psychiatrique, hébétés, ne veulent pas sortir de leurs chambres dont les plafonds menacent de s'écrouler, ou celui où un adolescent de 15 ans de ce même hôpital est coincé, terrorisé, sous une énorme armoire en métal.
Passionnant enfin est le chemin intérieur parcouru par chacun des membres de la famille de Léon, famille qu'il qualifie lui-même de "tordue". Il y a lui, Léon, qui sort d'une rupture amoureuse, et a décidé de ne plus jamais s'attacher à personne. Frida, la soeur parfaite, qui s'entend mal avec lui et vit difficilement la découverte de sa propre orientation sexuelle. Aïda, la grand-mère, qui traîne culpabilité et souvenirs traumatisants. François, le père, fragilisé par une tentative de suicide, n'acceptant pas le départ de son épouse, Inès, qui a refait sa vie avec
Bruno, "un paquet de muscles un poil vulgaire", elle-même lourde du passé franquiste de ses parents, qui attend un bébé à un âge trop avancé aux yeux de ses deux autres enfants.
Chacun d'eux a quelque chose à pardonner à lui-même, aux autres, au passé. Chacun a une paix à trouver.
Un des derniers chapitres de ce roman s'intitule "La paix, l'amour, le pardon". C'est vers cela que cette terrible journée fera marcher tous les principaux personnages et, dans les dernières lignes, Léon renoncera à sa décision de ne plus jamais s'attacher. Il rappelle chacun de ceux qu'il a rencontrés ce jour-là "pour dire adieu, pour dire je t'aime, pour dire peut-être, pour ne rien dire".
Je connaissais Rachel Coremblit par son précédent roman pour ados "
Sortir du placard"que j'avais beaucoup aimé. Je recommande celui-ci aux ados et aux adultes, et c'est un signe de qualité que de pouvoir être lu par tous? Merci à Babelio, à Masse Critique et aux
Editions Bayard de me l'avoir fait découvrir.
Et merci, bien sûr et avant tout, à Rachel Coremblit.