DOMITIAN : Les scrupules d’état, qu’il fallait mieux combattre,
Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre :
Réunissez des coeurs de qui rompt l’union
Cette chimère en Tite, en vous l’ambition.
Vous trouverez au mien encor les mêmes flammes
Qui, dès que je vous vis, charmèrent nos deux âmes.
Dès ce premier moment j’adorai vos appas ;
Dès ce premier moment je ne vous déplus pas.
Ai-je épargné depuis aucuns soins pour vous plaire ?
Est-ce un crime pour moi que l’aînesse d’un frère ?
Et faut-il m’accabler d’un éternel ennui
Pour avoir vu le jour deux lustres après lui,
Comme si de mon choix il dépendait de naître
Dans le temps qu’il fallait pour devenir son maître ?
Au nom de votre amour et de ce digne amant,
Madame, qui vous aime encor si chèrement,
Prenez quelque pitié d’un amant déplorable ;
Faites-la partager à cette inexorable ;
Dissipez la fierté d’une injuste rigueur.
Pour juge entre elle et moi je ne veux que son coeur.
Je vous laisse avec elle arbitre de ma vie.
Adieu, madame. Adieu, trop aimable ennemie.
TITE ET BÉRÉNICE : Acte III, Scène 2.
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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