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EAN : 9782710303534
526 pages
La Table ronde (11/05/1988)
4.3/5   23 notes
Résumé :
Les filles de Caleb retrace le parcours de trois femmes à travers le temps. En trois tomes, ce roman retrace la vie de la fille de Caleb, de sa petite-fille et son arrière-petite-fille.

L'histoire débute dans les années 1870 dans un petit village québécois.

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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'étais adolescente quand j'ai lu la série "Les filles de Caleb" et j'avais été très impressionnée par les conditions de vie d'une autre époque difficile à imaginer pour moi. J'avais bien aimé le caractère décidé et fort d'Émilie Bordeleau qui traverse tout un lot d'épreuves alors que son histoire d'amour semblait d'abord si prometteuse.
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J'espère que je vais apprécier
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Élise s’endormit heureusement sans difficulté, après avoir suivi son rituel habituel. Elle allait dans la chambre jaune pour écouter la boîte musicale du mobile. Elle se plantait ensuite devant la fenêtre et décrivait tout ce qu’elle y voyait, après quoi elle retournait dans sa chambre et s’allongeait. Elle racontait alors sa journée au bébé, puis lui parlait du lendemain.

– Demain, le Premier ministre Trudeau se marie à Vancouver. Dommage ! À Montréal, il y aurait eu de la belle neige blanche sur les épaules de la mariée… Ta tante Micheline se dit sûrement que c’est tant pis pour lui. Ta tante Micheline le porte pas dans son cœur, parce que…

Élise était profondément endormie lorsqu’un heurtoir lui frappa le ventre. Elle s’éveilla en sursaut et se frotta autour du nombril. Encore une contraction, mais beaucoup plus forte. Elle alluma et regarda l’heure. Il restait beaucoup de nuit avant que le jour ne paraisse derrière le rideau. Inconfortable, elle se retourna.

Le heurtoir frappa de nouveau. Élise ouvrit grands les yeux et regarda son réveil. Cinq minutes seulement s’étaient écoulées. Si les coups n’avaient pas été aussi désagréables, elle aurait ri, mais elle préféra jouer à saute-mouton avec les contractions. Tantôt elles se produisaient aux cinq minutes, ou aux sept minutes, tantôt elles disparaissaient, ce qui la rassurait. Côme n’était pas encore arrivé. Elle regarda sa montre et vit qu’il était trois heures.

Il était impossible que ce fût déjà l’accouchement, mais la persistance des contractions la rendait perplexe. Elle eut envie de réveiller sa mère, mais elle n’en fit rien. Le silence de la nuit l’angoissa. Elle se leva et tira le rideau. Le ciel était si opaque que la lune avait disparu ainsi que les lumières des lampadaires. Côme ! Elle souhaita qu’il fût à l’abri et non enlisé dans l’épaisse neige qui ne cessait de tomber. Une crampe en plein ventre lui coupa soudain le souffle, suivi d’une seconde, aussi violent. Puis ce qu’elle redoutait se produisit. Elle perdit les eaux, là, sur le plancher, devant la fenêtre.

Marcel arriva à reculons au volant du tracteur, la souffleuse étant installée à l’arrière. Blanche émit un gémissement d’incrédulité.

– C’est pas vrai, Marcel… On peut pas se rendre à Drummondville à reculons… Il y a pas moyen d’installer le chasse-neige devant ?

– Non. Je suis d’accord avec vous. Si on n’a pas de motoneige…

– Misère !

La tempête était diabolique. À toutes les minutes ou presque, on annonçait la quantité de neige tombée. Excités, les animateurs de radio rigolaient, et les météorologues appelés en renfort parlaient de blizzard.

– Il faut voir. C’est peut-être une tempête aussi importante que celle du quatre mars soixante-six à Winnipeg. Et peut-être même plus. En tout cas, pour une bordée, c’est toute une bordée !

Blanche réussit à joindre l’hôpital, où on était dépassé.
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Certaines diplômées posèrent leurs ustensiles. Elles savaient ce que Blanche avait vécu. Devant la fureur de Marie-Louise, Germaine ne cessait de se hausser sur la pointe des pieds pour ensuite retomber sur les talons avant de recommencer son manège.

– Tu fais ta grande fifine mais je gage que tu es jamais entrée dans la chambre d’un mort. Toi pis moi, pis toutes les étudiantes de première, de deuxième pis une grande partie des étudiantes de troisième, on n’est jamais entrées dans la chambre d’un mort. Blanche a fait une erreur ? Certain. Tout le monde le sait ! Blanche a tenu les pattes de l’interne au lieu de prendre les pieds de la morte. Pis ? Je suppose que tout le monde ici aurait compris ? Je suppose que tout le monde ici aurait regardé une morte de trois cents livres sans broncher ?

– Baisse le ton, Marie-Louise. Tout le monde entend…

– Tout le monde entend ? Tant mieux ! C’est ce que tu voulais. Tu voulais que tout le monde rie de Blanche. Ben moi je ris pas. Pis je pense que personne ici aurait ri en entendant la morte sortir son air quand l’interne est tombé dessus. Parce que ça, c’est pas écrit dans les livres. Il paraît qu’il faut l’entendre. Pis Blanche l’a entendu. Avec le temps, j’imagine qu’on s’habitue, mais Blanche, elle, était pas habituée ! Pas plus que toi pis moi ! Pis pendant que Blanche essayait de rendre service, de remplacer quelqu’un qui était pas à son poste, tout ce qu’elle a eu comme remerciements, c’est des rires !

Marie-Louise était hors d’elle. Elle n’avait pas aperçu l’hospitalière en chef debout dans l’entrée de la salle à manger. Pas plus qu’elle n’avait vu plusieurs étudiantes sortir pour se diriger en toute hâte vers les toilettes. Germaine essayait maintenant de se faire petite et y parvint presque.

– Tiens-toi droite, Germaine Larivière ! C’est avant de rire pis d’essayer d’humilier Blanche que tu aurais dû penser. Je viens peut-être de la campagne comme tu me l’as fait remarquer la journée de l’examen d’admission, mais à la campagne on a pour notre dire que personne s’est jamais grandi en rapetissant les autres !

Sur ce, Marie-Louise tourna les talons et sortit de la pièce sans prendre son assiette. La sœur hospitalière la retint par le bras.

– Bien parlé, mademoiselle Larouche. Une belle leçon de charité.

– C’est pas ce que j’ai voulu faire. C’est Blanche qui l’a donnée, la leçon. Pas moi.

Blanche, accompagnée de Marie-Louise, entra à la salle à manger pour le repas du midi. Toutes les infirmières se turent. Germaine Larivière s’immergea presque la tête dans sa soupe, au point que ses yeux et ceux du bouillon se confondirent. Marie-Louise, qui n’avait pas raconté à Blanche sa colère du matin, tenait ses poings fermés, prête à passer à l’attaque si quelqu’un osait émettre ne fût-ce qu’un ricanement. Elle avait forcé son amie à se lever et à s’habiller. Elle l’avait encouragée à se présenter au repas, consciente que Blanche avait été à deux doigts de boucler ses valises et de quitter l’hôpital. L’orgueil de son amie n’avait d’égal que sa sensibilité et sa douceur. Elle jeta furtivement un coup d’œil circulaire et, ne voyant aucune animosité, poussa discrètement Blanche. Celle-ci s’avança, la tête haute, les épaules droites, portant fièrement sa coiffe sur sa chevelure bouclée. Elle craignait de trébucher, tant ses jambes lui paraissaient lourdes. Encore une fois, son cœur se manifesta et elle le pria de demeurer calme afin qu’elle ne rougisse pas. Sa prière fut vaine. Une salve d’applaudissements éclata comme la foudre. Blanche se figea, regarda autour d’elle, incrédule devant ce qui se passait, se croyant victime d’un malentendu. Elle se tourna vers Marie-Louise qui, rose de plaisir, applaudissait à tout rompre.
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Un garçon d’une douzaine d’années sortit sur le marchepied du wagon qui allait être raccordé, une enveloppe à la main. Il cria à la ronde qu’il rapportait un télégramme pour un certain M. Gratton. Élise chercha l’homme en question et reconnut celui dont la femme accouchait qui se frayait un chemin pour prendre l’enveloppe, puis elle vit le jeune se précipiter à sa rencontre, trébucher et tomber sur la voie, à quelques pieds de la mâchoire d’attelage. Clovis n’hésita pas une seconde: il s’avança, agrippa le jeune par un bras et eut tout juste le temps de le lancer dans les bras de M. Gratton, qui tomba à la renverse. Les mâchoires d’attelage se refermèrent en silence et tous les voyageurs se figèrent, horrifiés. On s’était attendu à un claquement métallique, pas à ce son étouffé. Élise, elle, avait entendu son père faire «| hoah|!| » et elle vit qu’il s’était empalé sur les mâchoires. Pendant quelques secondes, seul M. Gratton parla, prenant tout le monde à témoin du geste héroïque de Clovis.

— Il a sauvé la vie du petit gars! Vous avez vu? S’il l’avait pas attrapé, c’est le petit gars qui serait là sur la voie à vomir du sang.

Puis on entendit des cris. On appelait le contrôleur, le conducteur, un médecin, les porteurs. Les femmes appelaient les hommes, qui criaient le nom de leur femme. Elles pour qu’ils aident, eux pour qu’elles ne regardent pas.

Élise n’entendait que le râle de son père. Les joues inondées de larmes, elle s’agenouilla à côté de lui, hypnotisée par ses yeux grands ouverts.

— Qu’est-ce que t’as fait, papa?

Il eut un air contrit et grimaça, plus de regret que de douleur.

— Je pense que je viens de me tuer, Élise, parvint-il à dire péniblement.

Wilson, le fils de M. Philippe, s’approcha d’eux et regarda les dégâts causés par les mâchoires. Il hocha la tête, tant d’incrédulité que d’impuissance. Il se pencha ensuite pour parler doucement à Clovis, qui n’attendait qu’une confirmation de son propre diagnostic.

— Si seulement vous pouviez vous évanouir, monsieur Lauzé, avant que les hommes rouvrent les mâchoires...

— Je sais... C’est ce qui va m’achever...

Imitant Élise, le jeune homme lui baisa les mains.

— Va-t’en, Élise. Toi, Wilson, reste là, au cas où...

— Au cas où quoi, papa...?

— Au cas où je mettrais trop de temps à mourir. Au cas où ma mort serait pas digne.
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- Et alors, Émilie, est-ce que les enfants ont attrapé des chardonnerets ?
La distraction était bienvenue. Elle pensa rapidement au lendemain de l'arrivée des cages. A l’excitation des enfants qui étaient partis seuls pour le Bourdais. A leur retour. Au fait qu'elle avait dû sévir parce que dans chacune des cages il y avait plus d'un oiseau. Chaque enfant avait libéré un, deux ou trois oiseaux, pour n'en garder qu'un. A la scène que Blanche avait faite.
"Oui, trop. Ils ont dû en relâcher. Mais Blanche , elle, a jamais voulu choisir. Elle a pleuré en regardant voler ceux que le hasard avait désignés et quand son tour est arrivé, elle a pas voulu choisir.
- Choisir quoi ?
- L'oiseau qu'elle libérerait. Blanche pleurait comme une vraie Madeleine, en me disant qu'elle avait pas le droit de choisir. Que peut-être que l'oiseau qu'elle garderait était celui qui pouvait mourir d'ennui. Que peut-être que l'oiseau qu'elle libérerait était celui qui aurait le plus besoin d'elle pour le nourrir. Faut vous dire que Blanche avait pas voulu attraper plus de deux oiseaux. Une "paire d'amis", qu'elle disait."
Émilie termina son histoire en riant mais, le curé Grenier ne riant pas, elle cessa, consciente qu'elle ricanait nerveusement. Ce qu'elle venait de raconter n’était pas tellement drôle. Elle venait de lui dévoiler un grand drame, un grand chagrin d'enfant.
"Et qu'est-ce qu'elle a fait, votre Blanche ?
- A sa tête, monsieur le curé. Étant donné qu'elle pouvait pas garder les deux, elle en a pas gardé du tout."
Le curé Grenier hocha la tête, tristement pensa Émilie. Il la regarda puis lui sourit d'un sourire faible.
"Elle est bien sage, votre Blanche. Elle vient de nous donner une grande leçon...."
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– Bonjour, garde. Vous m’avez l’air bien p’tite, aujourd’hui, pour être toute seule comme ça dans le bois ! J’espère que vous avez quelque chose de plus chaud à vous mettre parce que le chauffage, là-dedans, c’est pas un chauffage central.

Blanche montra son manteau et M. Simard approuva. Émilien monta les bagages et aida finalement sa sœur à pénétrer dans l’habitacle.

– Aussitôt que toute la neige va être fondue, tu vas me voir arriver. C’est une colonie, Blanche. J’espère que tu t’attends pas à trouver le confort de Montréal.

Blanche répondit en souriant que si elle avait espéré autant de confort, elle serait restée en ville. M. Simard, visiblement satisfait de sa réponse, ferma la porte et Blanche essaya de distinguer la route qu’ils prenaient à travers une vitre givrée que, malgré les rayons du soleil, l’essuie-glace ne parvenait pas à éclaircir.

Blanche regarda l’hiver printanier et essaya de ne pas s’étonner. Les sept années qu’elle avait vécues à Montréal lui avaient tellement caché les saisons qu’elle devait renouer avec celles-ci. Ils passèrent à travers des sentiers presque inexistants. Blanche aperçut une maison minuscule, faite de bois équarri à la hache, dont la cheminée dégageait une fumée qui noircissait, avant qu’elle ne touche le sol, la neige qui l’affrontait, soulevée par des tourbillons de vent.

– Un relais de bûcherons ?

– Non. Une maison de colons. Dans celle-là, je pense qu’ils ont huit ou neuf enfants.

Blanche ravala péniblement sa salive, ne quittant pas la petite maison des yeux. Elle venait de comprendre l’énormité de la responsabilité qu’elle avait acceptée.
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