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EAN : 9782918406471
180 pages
Kyklos (31/01/2022)
4/5   5 notes
Résumé :
Entre 1904 et 1908, dépossédés de leurs terres, les peuples herero et nama se révoltent contre la colonisation allemande. Le général von Trotha mate l’insurrection et signe le premier ordre écrit d’extermination totale. Les deux peuples sont décimés. L’opinion internationale s’émeut, le génocide est différé.

Insidieusement le crime se poursuit : le camp de Shark Island constitue une ébauche de purification ethnique. Épuisement et sous-alimentation tue... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Que l'on évoque suprémacisme racial et eugénisme, déportation, travail forcé et camps de la mort, génocide, et vient aussitôt à l'esprit l'état allemand nazi dirigé par Adolph Hitler. Mais qui sait que des crimes tout à fait semblables avaient déjà été perpétrés par le Deuxième Reich, au nom de la colonisation allemande en Namibie ?


En 1904, les peuples herero et nama se révoltent contre l'envahisseur allemand qui les chasse de leurs terres. le général Lothar von Trotha signe l'ordre de les exterminer et entame une répression féroce qui conduit au massacre. Les survivants sont enfermés dans des camps de concentration, d'ailleurs pas les premiers de l'Histoire, puisque les Allemands s'inspirent alors de ceux créés quelques années plus tôt par les Britanniques en Afrique du Sud, lors de la guerre des Boers. En quelques années, entre les exécutions, les mauvais traitements et l'épuisement, la malnutrition et la maladie, quatre-vingts pour cent des autochtones disparaissent dans des conditions innommables, pendant que des médecins entament d'atroces expériences sur l'hérédité, au nom de la théorie d'« hygiène raciale » que les nazis devaient plus tard reprendre à leur compte.


Déportée en 1908 au camp de Shark Island, Esther est envoyée sur le terrible chantier du chemin de fer qui doit faciliter l'exploitation du diamant de Namibie, dont on vient de découvrir les premiers échantillons. Pendant que ses semblables tombent comme des mouches le long des voies qui traverseront le désert, elle assiste aux dernières échauffourées de la guérilla où les autochtones jettent leurs ultimes forces, avec l'espoir d'un soutien de la part des autres puissances occidentales présentes dans les pays d'Afrique voisins. Parfaitement informées mais redoutant la contagion d'une rébellion au sein de leurs propres colonies, celles-ci se garderont d'intervenir.


Sobre et implacable, le récit peint en traits d'effroi ce qu'Esther perçoit de l'épouvantable agonie de son peuple. Assommé par l'horreur, le lecteur ressent son épuisement et sa colère, mais aussi un effarement aussi choqué que consterné. Non seulement l'aberration nazie avait des racines bien plus profondes que l'on ne se l'imagine habituellement, puisqu'elle s'est développée sur des théories et des pratiques déjà mises en oeuvre en Afrique une poignée de décennies plus tôt, mais le monde occidental dans son entier, avant tout préoccupé de ses propres intérêts coloniaux, a fermé les yeux sur ce qu'il ne peut prétendre avoir alors ignoré de ce qu'il se passait en Namibie.


L'on achève cette lecture profondément perturbé par la citation d'Aimé Césaire qui la conclut. le monde ne s'est battu contre Hitler que parce que celui-ci s'est attaqué à l'homme blanc, et non parce qu'il s'est rendu coupable de crimes contre l'humanité. Ces mêmes crimes, considérés avec indifférence lorsqu'ils décimaient des "Nègres d'Afrique", ne sont devenus insupportables que lorsque les théories racialistes qui les motivaient se sont retrouvées appliquées en Europe. Comment ne pas se sentir accablé, lorsqu'à ce jour encore, la Namibie doit se contenter de la simple reconnaissance, obtenue en 2004 seulement, de la responsabilité du gouvernement allemand dans le génocide Herero, à des années lumière de la condamnation du nazisme ?


Après le néo-esclavagisme colonial des bagnes français, après l'abandon par le monde de tant de migrants à la dérive, Philippe Cuisset a choisi pour son troisième roman une cause encore une fois particulièrement terrible et bouleversante, et, pour le coup, totalement méconnue. Une lecture édifiante, dont on sort ébranlé.

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Encore une page abjecte de l'histoire récente de l'humanité pour laquelle Philippe Cuisset se fait le dénonciateur, ,dont il est le narrateur objectif d'un génocide qui n'a toujours pas été vraiment reconnu. C'est aussi le témoignage glaçant sur une nation colonisatrice, la Prusse, qui mit très tôt en pratique sur des ethnies africaines originaires de ce qui deviendra la Namibie, une politique de "solution finale" et dont trente ans plus tard, son plus triste dirigeant, Adolphe Hitler, s'inspira si sordidement au niveau "industriel" sur l'Europe.
Cette vision et interprétation glaçante est celle d'une société où l'économie (le développement des chemins de fer, l'exploitation des gisements de pierre précieuse, la mise à sac de toutes les ressources d'une région du monde) ne peut se faire qu'en annihilant les autochtones soucieux de défendre leur terre (expédition militaire, massacre en série, viols, travaux forcés entre autres). Cet épisode colonial prussien (peu connu ou reconnu) sanglant et génocidaire c'est l'esprit même d'un enrichissement massif, d'échanges économiques entre nations coloniales au détriment de celles et ceux qui étaient légitimement les habitants originels de ces régions d'Afrique Australe où sévirent aussi les Belges et les Néerlandais....
Ce sont les voix d'Esther, la survivante de ces victimes africaines, de quelques-uns des guerriers africains des peuples herero et nama massacrés, martyrisés, mais aussi des généraux massacreurs prussiens, des industriels, de la compagnie des chemins de fer profiteurs capitalistes et de pseudo scientifiques persuadés de la suprématie blanche qui s'entrechoquent ici sous la plume de Philippe Cuisset. Autant de témoignages où victimes et bourreaux qui rapportent la vérité historique tûe et crue de cet épisode abject et tragique si prémonitoire de ce que seront les épisodes nazis à venir et de tant d'autres où la pratique de l'extermination massive, de génocides, au profit de quelques-uns sous des prétextes totalement infondés sont autant d'actes d'accusation de nos sociétés où le capitalisme massif montre son inhumanité et son injustice. Et s'il faut utiliser des éléments fallacieux, pseudo- scientifiques pour assurer richesse et bonne conscience, certains hommes en sont les experts.Il n'y a sous la plume de Philippe Cuisset que des éléments concrets, vérifiés, un style dans lequel il excelle avec les mots, les descriptifs justes et une volonté de dénoncer et de défendre les victimes si nombreuses et sans voix
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Comprendre, s'adapter, survivre….
Il y a d'abord le début du titre « Des torrents de sang… » puis la photo en page deux. On sent tout de suite qu'on rentre dans un contexte âpre, difficile, et que tout cela sera à la limite du soutenable.
Et puis on rencontre Esther, lumineuse, engagée, noble. Une femme qui, jusqu'à la dernière décision qu'elle partage avec nous, nous montre combien elle se tient droite, sans baisser les yeux, face à ce qu'elle a vu, vécu, subi. En suivant son parcours, on puise dans sa force pour continuer la lecture, comme elle a continué de lutter, parce qu'on lui le doit bien.
Philippe Cuisset a du talent pour nous ouvrir les yeux, nous secouer, nous émouvoir, nous mettre en colère sur ce qui a été et que, complaisamment, certains gouvernants ont « oublié ». Comme le rappelle Aimé Césaire, cité en fin d'ouvrage, faut-il que l'homme blanc soit touché pour que la société bien-pensante agisse ? Pourquoi ce mépris envers les souffrances africaines ?
Dans ce récit, parfaitement documenté, l'auteur nous présente un génocide (le premier du vingtième siècle), reconnu bien tardivement puisque le gouvernement allemand a consenti l'implication de son pays, en 2004, cent ans après les faits.
C'est en 1884, que l'Allemagne s'installe en Namibie, considérée alors comme une colonie mais l'appât du gain, la soif de richesse des dirigeants allemands entraînent des vols de territoires, des confiscations de bien. Des peuples namibiens se rebellent mais une énorme armée de dix mille hommes, avec le général Lothar von Trotha à sa tête, est envoyée sur place, pour réprimer les combattants. Avec le texte de Philippe Cuisset, nous découvrons avec horreur ce qu'il s'est passé.
Eugen Fisher et l'hygiène raciale avec des expérimentations violentes et cruelles. Les hommes et les femmes qui luttent pour rester en vie face à une haine calculée, volontaire, tenace, obligés de s'économiser pour garder un brin d'espoir, de rester mutique face à la douleur, de contenir leur rage….
Avec une écriture précise, montrant les événements, mais également les ressentis , l'auteur, dans un style épuré nous touche de plein fouet et nous laisse le coeur en vrac.

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Philippe Cuisset nous raconte la tragédie vécue par les peuples Herero et Nama, chassés de leurs terres par les allemands, devenues colonie allemande l'Afrique du Sud-ouest et gouvernée par le général von Trotha. Réputé pour sa cruauté il va organiser les premiers camps de concentrations. Ils se transformeront en camps de travail, la main d'oeuvre est sous-alimentée, maltraitée, beaucoup meurent de malnutrition.
Afin de réaliser des caractéristiques ethniques et étayer ses thèses raciales, des crânes sont prélevés, bouillis et « nettoyés » par les prisonniers, puis envoyés à Eugen Fischer (Théorie de l'hygiène raciale).
« Verser des torrents de sang et d'argent », c'est ce que n'hésite pas à dire, et à faire Lothar von Trotha.

Esther, elle est d'origine Nama. Des massacres des Herero, elle ne connait que le récit Jan Kariko. Elle représente le vécu de son peuple. Elle n'est pas victime, elle est témoin. Son regard jamais ne faiblit. Esclave, écorcheuse de crâne, prisonnière du Rail, elle s'évade.
Esther c'est le fil rouge que suit Philippe Cuisset pour nous montrer, à travers le regard de cette femme l'horreur de ce génocide. Les morts, les souffrances c'est Esther.

La liste des génocides est longue et j'ai l'impression que malgré toutes nos bonnes volontés, ces horreurs se poursuivent, hélas!

Redécouverte dans les années 1990, cette guerre coloniale menée par Trotha fut qualifiée rétroactivement de premier génocide du xxe siècle. Son plan d'extermination des Hereros a été comparé par certains historiens au plan d'extermination des Juifs mené par les Nazis. (source wikipédia)

Le 16 août 2004, le gouvernement allemand a présenté ses excuses officielles, historiques et morales pour ces atrocités, qualifiées dans un communiqué signé par la ministre allemande déléguée à la Coopération de « génocide »


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Dans ce roman paru aux éditions Kyklos, nous suivons Esther qui endure la déportation puis l'esclavage. L'auteur évoque, déjà, un épisode abominable de l'Histoire africaine aujourd'hui reconnu comme le premier génocide du 20e siècle. Au-delà de sa volonté instructive, il instaure beaucoup d'humain afin de mieux démontrer l'horreur de certaines pratiques colonialistes, tout en rappelant les enjeux - qui ne justifient rien - ayant mené à ces pratiques. Grâce à cet équilibre, il rend à la fois la lecture accessible, captivante et émouvante. Révoltante aussi.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
(…) dans un passage crucial du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire : « Ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’oeil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non-européens ; que ce nazisme-là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies, de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies d’Inde et les nègres d’Afrique. »
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Elle a suivi toute la conversation entre ces deux hommes blancs et elle trouve extraordinaire le naturel avec lequel ces Européens considèrent que toute chose en ce bas-monde leur appartient. Qu’il s’agisse de terres, de cheptels ou de familles, leur aptitude à ne les considérer qu’en termes de possession est remarquable. Bien qu’elle ait compris depuis des années, cette faculté exceptionnelle de prédation, elle n’en reste pas moins abasourdie. A l’instar de ces cauchemars où d’irrépressibles courants l’emportent vers une mort certaine, elle ressent à cet instant précis tout le poids de cette fatalité. Pire que les épidémies de peste bovine ou que les tempêtes de sable, ces peuples obscurcissent tout ce qu’ils approchent, détruisent tout ce qu’ils étreignent et transforment aussi bien le sang des brebis ou les cailloux du désert en papier monnaie.
Elle a surtout entendu les souvenirs de cet ancien combattant de 1904. Sans vergogne, pendant de longues minutes, l’homme a osé évoquer la bataille du Waterberg. Il raconte cette tuerie comme s’il s’agissait d’une victoire glorieuse de l’armée impériale. Il n’éprouve aucun remords, aucune pitié pour les dizaines de milliers de victimes. Pour un peu, Esther admirerait cette prodigieuse faculté, cette délirante capacité qui relève d’une amnésie proprement géniale. Ces coupes franches dans l’épopée de cette guerre sale obéissent à une diabolique alchimie. Emil Kreplin finira forcément par croire en ses propres mensonges et fera de cette mise à mort de tout un peuple rebelle une odyssée glorieuse, un mensonge captivant que les petits enfants écouteront soir après soir, les yeux écarquillés et la bouche bée.
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Une année a passé depuis l’exode du capitaine Marengo. De Windhoek à Berlin en passant par Lüderitz, on a célébré la victoire des troupes impériales sur les sauvages du Sud-Ouest africain. Toute la presse proche du Kaiser y est allée de son habituel couplet triomphal. La victoire a été acquise de façon éclatante contre des peuples primitifs et désorganisés. Le fameux Napoléon noir inspire toujours les mêmes illustrateurs satiriques et c’est à chaque fois un festival de caricatures. Jacob marengo y est représenté avec des allures de vagabond crasseux. Hirsute et dépenaillé, c’est un pauvre clown au cuir usé et aux yeux plissés, on l’affuble de tous les attributs grotesques du bandit de grand chemin. A sa façon, le journalisme de ce début de siècle corrobore les thèses raciales d’Eugen Fischer et le peuple, dans sa grande majorité, se dit que l’Afrique serait une terre idéale d’exil et d’aventure si seulement on parvenait à venir à bout, une bonne fois pour toutes, de ces cannibales répugnants et sanguinaires. Tous ou presque épousent finalement l’opinion du massacreur du Waterberg. Lothar von Trotha, après avoir clairement ordonné la destruction des peuples nama et kherero, avait bien précisé que cette table rase allait enfin permettre d’éclaircir l’horizon colonial. Il avait affirmé que sa stratégie militaire consistait à « exercer la violence par tous les moyens possibles, y compris terroristes. »
Et son but ultime était clair comme de l’eau de roche : « Il faut détruire les tribus africaines par un torrent de sang et d’argent. Car ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger, et qui restera. »
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