Du genre pour tou.te.s

Comme si la liberté et l'égalité des individu.e.s étaient intolérables…
Avant d'aborder le dossier « du genre pour tou.te.s », je signale le texte de Roger Dadoun, son humour et des pistes tracées sur un « système de foule singulier », la mise en foule, « l'homme enturbé »…

« Braire, encore et toujours, ô misère, en notre ère, qui semble n'être, ce jour, que brute ère de coups pour rien ? »

Le corps, le sexe, le genre, la sexualité, ont une histoire. Ils ne peuvent être abordé hors d'une contextualisation sociale, culturelle, politique.

Nous sommes façonné-e-s/englué-e-s dans les attentes collectives, dans les assignations… Mais ces façonnages, ces contraintes, ces coercitions ne font cependant pas de chacun-e de nous des individu-e-s assigné-e-s à une ou des « identités », sans aspérités, porosités, contradictions, sans possible devenir émancipateur.

Pour autant, aborder ces questions nécessite d'avoir toujours en tête les rapports sociaux asymétriques, les dominations, la « situation » des un-e-s et des autres dans ces hiérarchies construites et les avantages/privilèges que les uns, au détriment des autres, y trouvent, à « l'insu de leur plein gré » et dans leurs intérêts bien compris. Intérêts à l'inégalité, au refus de l'extension des droits qui n'enlèvent rien à d'autres, dont la mal nommée « manif pour tous » reste un exemple militant récent.

Ces rapports sociaux et dominations ne seront pas « abolis » par la force des idées, mais bien par des changements/bouleversements des conditions matérielles et idéelles qui les/nous sous-tendent/construisent. Ce qui implique, pour ne pas parler du « sexe des anges », des auto-organisations de dominé-e-s et des luttes pour arracher, entre autres, l'égalité et la liberté ardemment refusée au nom la « nature », la « culture », la « coutume », la « croyance », la « méritocratie » et autres…

Mais il ne s'agit pas d'un tout ou rien, l'émancipation se construit aussi en tentant de desserrer les étaux, d'ouvrir des espaces d'autonomie, de bien-être, de mieux vivre…

Cette digression me paraissait nécessaire avant d'aborder le dossier coordonné par Daniel Risse.

Je suis dubitatif à l'insistance sur les « identités », les formes présentées de liaison entre « genre et sexualité », la place de « stéréotypes », la référence aux « idéaux de la république », etc. Néanmoins les auteur-es de ce dossier présentent des analyses contribuant à « favoriser le passage de l'égalité juridique (en droit, sur papier) à l'égalité sociale des filles et des femmes (dans les faits, les écrits et les discours) ».

Elles et ils parlent de « favoriser l'inclusion inconditionnelle » et critiquent « cette injonction du désir vers l'autre sexe », les « normes hétérosexistes, avec un contrôle permanent actif et asymétrique sur la « bonne féminité » des filles et sur la virilité des garçons », le système hétéro-normatif, les violences hétéro-sexistes, la banalisation de la violence réduite à des « histoires » relationnelles, les représentations, la commercialisation du sexe et des images du sexe (en particulier féminin)…

David Risse souligne : « Nous percevons ici toute l'importance de l'actualisation des connaissances diffusées aux enseignant.e.s et l'enjeu des études de genre pour les aider à détecter et prévenir les violence de genre, violences sexuelles et violences amoureuses chez les jeunes, notamment auprès des jeunes filles ».

Il convient aussi d'interroger en permanence les hiérarchies sociales, les assignations à l'oeuvre, le sexe et le sexisme du savoir scientifique…

J'ai notamment été intéressé par les articles plus historiques, les analyses sur « la possibilité d'avoir des rapports sexuels non reproductifs », les remises en cause radicale de la place et du rôle des femmes, les critiques de la famille et du couple…

Les auteur-e-s proposent des pistes pour un système d'enseignement pleinement inclusif, « travaillant » sur les sexualités, favorisant « l'ouverture des possibles indéterminés », la « libre conscience », luttant contre le sexisme…

L'article sur les manuels scolaires de mathématiques est révélateur de la violence souterraine et peu interrogée du sexisme ambiant, de l'association des hommes à la science, de la construction de « la non-légitimité des femmes dans ce domaine ».


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