Roman sympathique qui raconte l'histoire d'une famille mais surtout de Félix qui rentre en 6ème. Félix a du mal à l'école et ses parents, surtout sa mère, vont chercher à comprendre ce qui ne va pas. On voit à travers ce roman ce qu'une mère est prête à faire pour que la scolarité de son enfant se passe bien. le personnage de Félix est attachant, le reste de sa famille est un peu trop cliché à mon gout. La soeur qui est la meilleure à l'école. La mère qui se démène pour son enfant mais qui ne s'en sort pas. Son mari qui est absent, très pris par son travail ce qui ne l'empêche pas d'être toujours sur le dos de son fils pour le pousser à réussir. J'ai bien aimé la chute, le moment où l'on comprend finalement pourquoi Félix n'y arrive pas. Sinon le roman est assez long, il traîne en longueur, il y a beaucoup de passage qui à mon sens aurait dû être supprimé pour se concentrer plus sur la scolarité de Félix et plus centré sur lui tout simplement car on voit surtout tout ce que fait sa mère pour l'aider ou encore la soeur qui se sent délaissé parce qu'on s'occupe plus de son frère. C'est un roman un peu brouillon mais qui se laisse lire car le sujet est d'actualité : que faire quand notre enfant n'y arrive pas ? Que faire quand malgré tous les efforts des enfants, rien ne change ?
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Roman psychologique autant que d'apprentissage, Bon à rien passe avec bonheur du grave au léger, de l'anecdotique au fondamental. Une lecture instructive.
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Samedi 2 septembre
— Il va falloir que tu t’y mettes maintenant que tu rentres en 6e.
— Comment ça s’y mettre ? Grégoire, tu te rends compte de ce que tu dis ?
Surpris du ton véhément avec lequel sa femme le reprend, Grégoire se défend. Oui, Félix devra se donner plus de mal au collège, c’est une évidence, il ne voit pas de mal à le lui rappeler.
— Tu ne peux pas passer ton temps à l’interroger ! Ça va ! Quant aux leçons de morale…
— Ne t’énerve pas, Maman, l’interrompt Félix qui a tendance à défendre son père.
— Je ne m’énerve pas ! Mais on n’est pas encore rentrés en classe. C’est peut-être pas le moment.
— Ça ne sent pas le brûlé ? remarque Louise en posant les assiettes sur la table de la cuisine.
Charlotte ouvre le four pour découvrir des toasts carbonisés.
— Bon, je les fais à la poêle les croque-monsieur, soupire Louise.
Sa mère rate tout ce qu’elle touche en matière de cuisine.
Quelques minutes plus tard, la famille est attablée. Le soleil pénètre par la fenêtre ouverte. Félix a déjà l’air fatigué sous son bronzage alors que sa sœur resplendit. À croire qu’ils ne sont pas partis ensemble en vacances.
— 5 × 12 ?
— …
— 6 × 70 alors ?
Félix pique un fard en silence tandis que Charlotte triture nerveusement son morceau de pain, prête à exploser. Quant à Grégoire, il est visiblement agacé :
— En 6e, tu vas devoir te concentrer. Ça devient sérieux, tu sais.
— Ah non ! Pas ça !
Charlotte ne supporte pas ces formules qu’on lui a serinées sur tous les tons, enfant, du CP à la terminale. Les « Ça devient sérieux », les « C’est pour ton bien », qui n’annoncent rien d’autre qu’un interrogatoire en règle.
— Écoute Charlotte, c’est pour son bien. Un peu de calcul mental n’a jamais fait de mal à personne.
— Tu vas le stresser et ça ne sert à rien. Tu le fais travailler juste pour te rassurer toi.
Louise, qui n’a rien mangé, râle.
— Hé, ho ! Maman, Papa ! Je rentre en terminale, j’ai besoin de toutes mes facultés mentales.
— Oui, enfin, toi tu n’as pas de problème, déclare Grégoire.
Ça veut dire quoi, ça ? Charlotte fulmine : Félix est comme il est. Inutile de le comparer toujours à sa brillante sœur. Ce n’est pas parce qu’il a du mal à l’école qu’il est moins intelligent.
— 9 × 55 ? Allez, c’est facile.
Félix, le regard fixe, semble ne pas comprendre.
Grégoire ne remarque même pas que son croque-monsieur est brûlé sur les bords.
— 72 × 8 ?… 8 × 7 ?… 2 × 6 ?
Insultant ce 2 × 6. Félix n’a pas le temps de répondre, d’ailleurs le voudrait-il qu’il ne le pourrait pas ; il mâche jusqu’à ce que la nourriture s’épaississe en boule immangeable. Charlotte, enfant, en faisait autant. Elle se souvient encore du goût de carton affadi qui finit par écœurer. Impossible de cracher. Félix reprend une bouchée dans une tentative absurde de tout avaler d’un coup. Heureusement, Louise se met à détailler sa rentrée : sa copine Justine ne sera sans doute pas dans sa classe, le prof de philo, qui remplace la vieille Mme Martin, est très jeune, la tenue essentielle du premier jour… Félix continue à mâcher. Dans la même situation, Charlotte imaginait des manœuvres ridicules pour se débarrasser de la nourriture. Le plus efficace était d’aller aux toilettes avant la fin du repas mais cela ne pouvait pas devenir une habitude – se lever de table était mal vu – et elle finissait généralement par cracher subrepticement dans sa serviette.
Grégoire regarde son fils, congestionné et rouge, en train de mastiquer. Comment peut-il avoir un enfant aussi lent, même pas fichu de répondre au calcul mental le plus élémentaire ? Louise lui ressemble, pourquoi pas Félix ?
Charlotte débarrasse. Autant quitter le plus vite possible ce déjeuner.
— Charlotte, on n’a pas fini ! s’exclame Grégoire en arrachant son assiette pour prendre un autre croque-monsieur.
Un moment de silence, une suspension, comme une bulle blanche dans une BD. Charlotte craint que Grégoire ne reprenne son interrogatoire auprès de Félix qui vient enfin de se décider à avaler sa bouchée.
— À propos de calcul, Papa, tu as dit qu’une petite différence de calcul sur la quantité de matière au moment du Big Bang pouvait tout changer, mais cela ne remet pas en question l’expansion de l’Univers ?
Lancer son père sur un sujet d’astrophysique prouve à quel point Félix est malin : Grégoire n’aime rien tant que de parler des heures de son métier.
Quelle idée d’aller au rayon papeterie de Gibert jeune le samedi après-midi précédant la rentrée scolaire ! C’est aussi périlleux que de plonger dans une mer démontée. La mère et le fils se partagent les tâches ; à chacun une moitié. Félix, méthodique, remplit son Caddie de Bic, gommes, stylos, compas, équerre, barrant d’une croix sur la liste les fournitures qu’il a trouvées. Charlotte ne parvient pas à repérer le classeur correspondant aux paquets de copies qu’elle a pris. Pas moyen non plus de trouver le cahier d’anglais dont les dimensions n’existent pas, ni le bon nombre de pages ni la taille des carreaux. Les vendeuses sont assaillies de questions : « Il n’y a pas d’autres classeurs ? », « Où sont les protège-cahiers ? » « Et les compas, je ne les vois pas »… Charlotte commence à faire la queue devant l’une d’elles tout en cherchant Félix des yeux. Il n’est plus là. La foule a augmenté, des enfants courent d’une allée à l’autre, les parents crient. Charlotte appelle : « Félix ! », mais sa voix se perd dans le brouhaha. Laissant à regret sa place, elle parcourt fébrilement les rayons bondés. Elle finit par l’apercevoir quelques mètres plus loin, en train d’essayer une blouse blanche trop grande pour lui. Elle se jette sur lui, soulagée.
— C’est trop grand, y a plus ma taille.
Il n’arrête jamais, il recommence, reprend, ne lâche rien. Son conseil : ne jamais regarder en arrière mais avancer et passer à autre chose. « Un échec n’est jamais une mauvaise expérience, c’est juste une courbe d’apprentissage. » N’est-ce pas là le secret de la réussite ? Ne jamais perdre confiance en soi, tenter toutes les expériences sans jugement parce qu’il s’agit d’un jeu, ne pas considérer l’échec comme une fin, mais comme un épisode ?
« Les mots les plus simples perdaient leur substance dès qu’on demandait de les envisager comme objet de connaissance. Si je devais apprendre une leçon sur le massif du Jura, par exemple […] ce petit mot de deux syllabes se décomposait aussitôt. […] Il ne représentait plus rien. Jura, me disais-je, Jura ? Jura… Je répétais le mot, inlassablement, comme un enfant qui n’en finit pas de mâcher, mâcher et ne pas avaler, répéter et ne pas assimiler, jusqu’à la totale décomposition du goût et du sens, mâcher, répéter, Jura, Jura, jura, jura, jus, rat, jus, ra ju ra jur ra jurajurajura, jusqu’à ce que le mot devienne une masse sonore indéfinie, sans le plus petit reliquat de sens, un bruit pâteux d’ivrogne dans une cervelle spongieuse… »
En littérature, ils sont légion : Balzac a été expulsé du collège à quatorze ans ; ses maîtres le trouvaient paresseux, peut-être était-il simplement timide. Toujours est-il qu’il a traîné une réputation d’élève médiocre jusqu’à la faculté. Et même là, quand il a écrit à vingt ans son premier roman, Cromwell, un académicien lui a conseillé de ne plus écrire. Flaubert était turbulent et mauvais élève ; Prévert parlait du « tableau noir du malheur » pour Le Cancre et, comme il ne se pliait pas aux règles scolaires, il a quitté l’école à quinze ans.
— C’est un artiste, ça ne compte pas.
Pour Sophie, les écrivains comme les peintres ou les musiciens ne travaillent pas, ils profitent d’un don qu’ils ont reçu à la naissance sans se donner de mal. Grégoire finit de disposer les assiettes un peu brusquement. Manifestement cette théorie, qu’il a dû entendre à maintes reprises, l’exaspère. S’il avait voulu entreprendre autre chose qu’une carrière d’astrophysicien et que sa mère l’en ait dissuadé, il ne réagirait pas autrement.