Ce livre est présenté comme étant un des grands chefs d'oeuvre de la littérature mondiale. Il passe aussi pour être l'équivalent Allemand de « Voyage au bout de la nuit » de Celine. Il y a un peu de vrai dans ça, mais ce n'est pas ca que je retiendrai.
D'emblée il faut replacer ce livre dans son époque : l'entre-deux-guerres. En Allemagne c'est la très grande crise économique : lourdes réparations de guerre, inflation plus que galopante, chômage de masse. le petit peuple trinque. La Grossindustrie se refait une santé. L'Allemagne sombre dans le Nazisme, quelques socialo-anarcho-communistes résistent encore, mais bientôt ils vont passer à la trappe ; quelques intellectuels résistent aussi encore, mais bientôt iles seront muselés. On connait tous la suite : des millions de morts.
Dans ce » bordel ambiant », Berlin fin des années 20, cette Babylone de l'est de l'Europe les petites gens s'organisent pour survivre. C'est leur histoire que nous raconte
Döblin.
Franz Biberkopf fait du très petit commerce. Son copain Reinhold est un peu mieux organisé. Il fait partie d'une bande. On chasse mieux en bande. le commerce de la bande est illicite, mais qu'importe, ca reste du petit business. C'est les femmes qui vont être leur enfer et les mener tous les deux à leur perte.
Quel message
Döblin a voulu nous faire passer dans son livre? Difficile à dire car il y a plusieurs niveaux de lecture.
Ce que j'en retiens, moi, c'est qu'il ne faut pas être « ein Einzelkämpfer ». Il faut marcher dans le rang des êtres ordinaires sur l'Alexanderplatz, sinon tu vas à ta perte, on te passera par la portière de la voiture en marche, on te passera au peloton d'exécution.
Mais sois vigilent car on te mène collectivement à l'abattoir : on va te tourner en saucisson de bataille. Alors sois aux aguets. Prends ton destin en main, ne le fais pas seul, révolte toi avec mille autres. En avant vers la liberté, le monde ancien, ( die Welt von gestern, si cher à Zweig ( doit s'écrouler, debout, soufles du matin.
Et c'est ce que l'Allemagne fit et nous savons où ça a amené le monde !!!!!!!!!!!!!!!
Drôle de livre, sans doute faut-il le relire plusieurs fois pour en comprendre toutes les subtilités.
Deuxième lecture:
Août Septembre 2023:Le film de Burhan Quibani :
Berlin Alexanderplatz qui vient de passer sur ARTE m'a donné envie de relire le livre de
Döblin que j'avais déjà lu il y a quelques années et qui je dois le dire à l'époque m'avait déçu. En effet je n'avais pas accroché. J'étais alors déçu d'être déçu car ce livre était perçu comme étant un chef d'oeuvre de la littérature mondiale.
Alors l'envie m'a pris de le relire, mais étant germanophone, cette fois en Allemand ou plutôt en dialecte berlinois. Aidé par la traduction d'Olivier le Lay, j'y suis parvenu. Et je me suis aperçu, ainsi que le Lay le note dans son avant-propos, combien la langue de
Döblin est poétique et musicale. Je vous livre en exemple le titre du dernier chapitre du livre 4 : hopp, hopp, hopp Pferdchen macht wieder Galopp. Donc cette musicalité rend la lecture en langue allemande agréable. Déroutante est par contre la grammaire de döblin. Hopp, Hopp, Hopp fini le datif, fini l'accusatif, oubliée la régle du « aus, bei, mit nach,seit von,zu « Tschingdarada, bumdara.
Donc sur la forme ce livre m'a beaucoup plu. Il est déjanté, sur un certain plan déstructuré. En le lisant je ne pouvais m'empêcher de penser aux tableaux de Georg Gros ou aux collages de
John Heartfield : deux peintre berlinois du début du vingtième siècle appartenant au mouvement allemand : le dadaïsme remettant en question les canons de l'art pictural.
Sur le fond et au fond, dans Alexander Platz, l'histoire que raconte
Döblin me semble être un peu banale. Il s'agit des tribulations d'un repris de justice : Franz Biberkopf dans le Berlin de la fin des années 20. Biberkopf est un looser qui va de mésaventure en mésaventure ou dit en des termes recherchés de Charybde en Scylla. Il fallait absolument que je place cette expression….Par ailleurs La bande de Pums m'a fait penser aux Pieds Nicklés. Les mecs ne sont pas très doués. Ils arrivent même à mettre le feu à leur patron lors d'un cambriolage qui tourne court. Les putes, nombreuses dans le livre sont de bas étage, même la gentille Mieze se révèle être une vraie salope sans morale. Elle se set de son corps comme d'une « sex machine » Elle trompe son Franzelein avec qui le veut bien, même avec Reinhold.
Je n'éprouve pas le besoin de faire une analyse poussée des personnages principaux de ce roman. Ils sont aussi paumés que pouvait l'être à l'époque la société berlinoise, la Babylone allemande des années 20. Attention 1933 est tout proche, le monstre nauséabond pointe son nez
Ce livre, si ce n'est pas par l'histoire qu'il raconte, qu'est-ce-qui le rend alors génial ? Pourquoi l'Allemagne se l'est arraché à sa parution, pourquoi les Nazzis l'ont ensuite interdit.
Döblin nous y décrit une société qui est en bout de course. C'est une bête qui est en train de mourir. C'est la grande Babylone, la mère des fornications et de toutes les abominations. Elle est ivre du sang des saints qu'elle déchiquette. Berlin est le Pandémonium 1914 de
Georg Grosz où la vie y est montrée comme un combat permanent : incendie criminel, viol, pendaison, étranglement, coup de poignard coup de poing ou de feu mortels. C'est l'enfer sur terre.
C'est par les histoires dans l'histoire, par exemple celle du juif Zannowich, par des apartés, on a parfois l'impression de lire le BZ, berliner Zeitung, du jour que le livre m'apparait être génial. Génial ce livre l'est aussi par ses allusions politiques : là
Döblin tape fort : il exècre le parlementarisme d'alors. C'est aussi un livre prémonitoire qui dénonce l'absurdité de la grande ville et annonce en quelque sorte la destruction massive de Berlin en 1945. Alors la bête immonde a été anéantie.
Alors vorwärts, lecteur, Schritt fassen, links und rechts, marschieren marschieren.
Ende gut alles gut.