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3,9

sur 479 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quand on ne se sent pas bien, louer a domicile un fin conteur d'histoires, ou ouvrir un livre. C'est Alfred Doblin qui m'a confie ce grand secret, cette grande recette: “Puisque vous ne voulez pas me dire ce que vous avez, moi je vais vous raconter une histoire […] Feu mon pere nous a raconte bien des choses […] nous etions sept gueules affamees, et quand il n'y avait plus rien a manger, il nous racontait des histoires. Ca ne vous cale pas, mais on oublie”.


L'histoire que m'a raconte Doblin peut etre resumee brievement: un bagnard se libere de prison et se jure de devenir honnete, mais sans bien s'en rendre compte il s'allie bientot a de petites frappes et retombe. Retombe? C'est la descente aux enfers.


Oui, mais comment il raconte cette histoire! Il y mele (pour comparer? Pour monter en epingle le destin tragique de son heros? va comprendre…) des reminiscences bibliques, Abraham s'appretant a immoler son fils Isaac, les malheurs de Job, et des relents de mythes grecs, Oreste tuant sa mere pour venger son pere, et je passe des allusions litteraires plus modernes.
Mais ce n'est pas seulement l'histoire du principal personnage, mais aussi celles de tous ceux qu'il rencontre, qu'il frequente, qui l'entourent. L'histoire du petit peuple berlinois pendant la difficile periode de Weimar, fin des annees 20. Leurs solutions, leurs petites manigances, pour survivre. Un petit peuple agglomere dans les quartiers defavorises de Berlin-Est, autour de l'Alexanderplatz. Une melee ou deja les affrontements politiques entre social-democrates, communistes et national-socialistes sont exacerbes, sont devenus physiques. Et comme toujours dans ce genre de climat social de crise, une petite delinquence qui explose.


Berlin, ce Berlin-Est, est aussi un heros a part entiere. Minutieusement decrit, ses places, ses grandes arteres, ses ruelles, les batiments qu'on demolit, les reconstructions, les magasins, les vendeurs ambulants, les promeneurs, les prostituees aux coins des rues, ses cafes et ses gargotes, un bourdonnement incessant, un tumulte, une musique que seuls les tramways qui passent arrivent a couvrir. Une exaltation de Berlin.


Ca c'est pour le fond. La forme, elle, est ce qu'il y a de plus deconcertant, mais aussi de plus fascinant dans ce livre. Il n'y a pas de suspense. Ce qui va arriver est annonce d'avance. Et des le tout debut, et ensuite par des titres-resumes a la tete de chaque chapitre. Mais loin de dissuader le lecteur, Doblin cree avec lui une sorte de complicite, en l'interpellant de temps a autre. Car il se dedouble, il est des fois l'ecrivain omniscient, des fois un narrateur externe, pas neutre, mais plutot aussi complexe que les heros qu'il suit, dejouant les frontieres entre honnetes gens et delinquants, a la maniere de Brecht, changeant d'attitude envers eux au gre des pages, tantot augurant leur futur, tantot compatissant leurs malheurs, tantot les invectivant, les sermonnant. D'autres fois, ce sont les heros qui se devoilent, se racontent eux-memes. Et a chacun sa verite. le lecteur ne peut pas toujours verifier, mais il peut choisir, ou tout gober en bloc.


Et Doblin infiltre dans son texte des articles de journaux, des fait-divers, des nouvelles boursieres, des itineraires de trams, des annonces et des publicites de magasins, des bulletins meteorologiques, des chansons populaires, des descriptions detaillees d'avancees scientifiques, qui s'enchevetrent avec des dialogues vertigineux et des imprecations du narrateur excede, sans que toujours les points, les virgules ou les tires viennent a l'aide du lecteur. D'apres mon experience, le lecteur lambda apprend rapidement a s'orienter tout seul dans ce fatras, cet amas d'informations, ce caleidoscope qui permet differentes facons d'apprehender la realite, simultanement toutes. Et comme moi, il tirera tres vite un enorme plaisir de sa lecture. Parce que oui, c'est un livre facetieux, plein d'anecdotes piquantes, etonnantes, comiques ou pathetiques, qui se suivent a une allure de film d'action hollywoodien, plein d'un humour corrosif qui sert a denoncer les pires travers de la societe, plein de trouvailles stylistiques qui en font, pour moi du moins, une des pierres angulaires de la litterature du 20e siecle.


Berlin Alexanderplatz m'a tres vite accapare. Il a fini par me ravir. C'est un regal. C'est vrai aussi qu'il demande un petit effort, mais si j'ai un conseil a donner, courez, courez, mettez-y un peu de coeur, courez pour l'attraper avant qu'il ne monte sur le tram et disparaisse dans les deviations des a lire et des pense-bete. Vous l'avez chope? A la bonne heure! Ouvrez-le. Il vous donnera du bonheur.


P.S. C'est une relecture. Evidemment, avec le temps passe, je ne peux rien dire de l'ancienne traduction. J'ai trouve la nouvelle, d'Olivier le Lay, splendide.


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Par où commencer pour parler de ce roman époustouflant ? D'abord je l'ai laissé traîner des années sans dépasser la première page. Je n'accrochais pas du tout. Et puis j'ai pris la nouvelle traduction, j'ai commencé la première page en la lisant à haute voix, et j'ai tout de suite apprécié cette prose que j'appréhendais tant : elle a du rythme, des accélérations, des ratés, on y sent les bruits et le va-et-vient incessant dans la ville, le parler populaire. Chapeau au traducteur !
Des tas de choses m'ont certainement échappés : certains des événements de l'époque mentionnés, à peu près toutes les références à des chansons de l'époque. Quelques notes n'auraient pas été inutiles, mais d'un autre côté cela aurait nuit au rythme de la lecture, si important ici. Alors, tant pis ! Et puis aussi il y a toutes ces références à des personnages bibliques ou mythologiques (Job, Oreste, ...). C'est certainement important pour le sens profond du roman, mais même indépendamment du sens, ces passages sont comme de grandes respirations dans le récit. S'il existe une version audio, cela doit être très intéressant ! En tout cas, c'est un livre que j'ai refermé en me disant qu'il faudra absolument que je le relise un jour.
Donc c'est un roman qui nécessite beaucoup de lâcher-prise de la part du lecteur pour passer outre ce qui lui échappe et se laisser porter par son ressenti par moments. Par ailleurs l'histoire est assez simple, comme l'écrit Fassbinder dans le texte qui accompagne cette édition, "l'histoire de Franz Biberkopf, fraîchement sorti de prison, en 1928, après avoir été condamné à quatre ans pour avoir tué sa compagne d'alors avec un fouet à pâtisserie, et qui fait le serment d'être désormais honnête, n'arrive pas à se tenir à cette décision, n'est jamais qu'une succession, parfois incroyablement brutale, de petites histoires en vrac, désaccordées et qui, pour chacune d'elles, pourraient fournir à la presse à scandale la plus immonde les gros titres les plus obscènes. L'essentiel, dans Berlin Alexanderplatz, n'est donc pas son histoire, voilà bien une chose que ce roman partage avec d'autres romans de la littérature universelle". Où est donc l'essentiel, en dehors de la langue et de l'histoire ? Dans l'atmosphère, dans le portrait de Berlin en 1928, la peinture du Lumpenprolétariat et des bas-fonds berlinois avant même la crise de 1929, tout un monde de faibles et de laissés pour compte que la ville va engloutir, un sentiment de catastrophe annoncée, de désastre en cours illustré par la descente aux enfers de Bibenkopf. Comme Bardamu il va au bout d'un voyage au bout de la nuit (ils ont en commun aussi d'avoir fait la guerre, ils sont de la même génération, les deux fréquentent des milieux populaires mais Bardamu a aussi d'autres fréquentations et passerait pour un intello à côté de Bibenkopf). Autre point commun : Döblin, comme Céline et son Bardamu, était un médecin des quartiers populaires. Aucune place n'est laissée au suspense, bien au contraire le narrateur nous annonce par avance la suite des événements ou que ça va encore aller plus mal, parfois simplement par les têtes de chapitre. La position du narrateur est riche et complexe, il n'est pas neutre, s'adresse au lecteur, invective ses personnages auxquels il laisse cependant une place prépondérante. Il y a des scènes incroyables et mémorables : la description des abattoirs, l'hôpital psychiatrique, …
Au premier degré la morale semblerait que l'homme n'a qu'à se soumettre sans lutter car de toute façon sa destinée, la vie, ce qui doit arriver, … l'emportera, quoi qu'il veuille. Mais en filigrane l'auteur nous dit aussi qu'il est bon et nécessaire de lutter de toutes nos forces sans jamais abandonner. Quand à la toute fin du roman elle résonne curieusement quand on songe à la suite de l'Histoire Allemande.
Berlin Alexanderplatz, quelle écriture ! C'est une lecture que je n'oublierai pas de sitôt.
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Berlin Alexanderplatz est un roman foncièrement noir, sombre sur l'image de l'humanité qu'il renvoie. Biberkopf, malgré ses bonnes intentions, est condamné d'avance, ce que rappelle constamment le narrateur. On sait que cela finira mal, et les rares personnes qui tentent de l'aider agissent vainement. C'est comme si le milieu dans lequel vit Biberkopf, celui des petits voyous et grands malfrats, le poussait à devenir mauvais malgré lui.

Néanmoins, la noirceur du récit est balancé par l'écriture tout à fait originale de Döblin. Par le recours à une oralité très travaillée, le texte évoque le travail de Céline. Surtout, le texte est émaillé de nombreuses digressions, qui permettent de prendre la température de cette ville. On découvre ainsi au fil des pages l'ambiance des abattoirs et le rythme effrénée des égorgements de porc (magnifiques pages), les programmes de théâtre, les faits divers du moment. Döblin a également souvent recours à des extraits d'autres textes, en particulier ceux de la bible ou des chansons populaires, qui prennent place dans le récit. C'est ainsi qu'est racontée, au coeur de l'ouvrage, l'histoire de Job. Ce mélange de références, d'entrées dans le texte, fait de Berlin Alexanderplatz un texte riche, très dense, mais qui conserve une unité grâce à Franz Biberkopf, fil rouge de l'ouvrage. Et la traduction d'Olivier le Lay rend parfaitement hommage à ce foisonnement.
Lien : http://livres-et-cin.over-bl..
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C'est avec grande fierté que j'annonce avoir lu au complet ce livre rempli de « disgression instructive sur certains événements publics et privés survenus à Berlin, printemps 1928. »
Ce n'est pas une mince affaire. Après un pénible échec de lecture d'Ulysse de James Joyce, j'ai mis mon ambition et mon orgueil au maximum pour vaincre les cents premières pages et trouver un rythme de croisière. Je me suis perdue et j'ai sombré quelques fois. Mais telle une Walkyrie, j'ai affronté le monde mystérieux d'Alfred Döblin pour me congratuler de ma persévérance.

Ce roman relate l'histoire de l'ancien débardeur Franz Biberkopf qui sort de la prison de Tegel. En gros, c'est cela. Mais tellement plus!
Il purgeait une peine de quatre ans pour avoir tabassé un peu fort sa femme Ida, battue à mort avec un rouleau à pâte. À sa sortie, il se promets d'être un nouvel humain, de ne pas reproduire les erreurs précédentes, bref, d'être honnête. Il doit donc réaménager sa vie pour échapper à sa prison intérieure et briser les cloisons imposées par la justice.

« Les murs se dressaient devant ses yeux, c'est eux qu'il contemplait sur le sofa, contemplait sans désemparer. C'est un grand bonheur d'habiter dans ces murs, on sait comment la journée commence et comment elle se poursuit. »

Tout se déroule passablement bien jusqu'à la rencontre avec Reinhold, souteneur et petite fripouille de bas étage. Ce sont des années de misère noire, le Berlin des années vingt. Ce Reinhold fascine Franz et lui crée des problèmes avec les femmes. Car Reinhold s'amourache rapidement et se débarrasse aussi vite. Franz accepte également un travail supposément honnête et qui s'avère être un cambriolage. Il vient de mettre un bras dans l'engrenage de la violence et de l'escroquerie.
Après de multiples aventures, il rencontre une jeune femme, Mieze, qui s'amourache de lui et le fait vivre. L'histoire de cette Mieze est à briser le coeur. Si l'auteur nous décrit des destins de femmes très durs, celui de Mieze bat tous les records.

Comme on dirait, ce roman est tout simple car
« l'essentiel, tout simplement, c'est la façon dont l'immensément banal et/ou invraisemblable est raconté ici. »
Et en même temps, ce roman est complexe de sensations, de méli-mélo d'émotions, de gens ordinaires avec des destins extraordinaires.
Le mélange d'événements historiques avec la fiction maintient l'intérêt car même insignifiants, tous les personnages ont une raison d'être. On sent vivre la ville, le passage des tramways, l'odeur de la misère. On arpente le cerveau de Franz, ses illusions, ses désirs, son aliénation. Un grand roman qu'il faut appréhender avec abnégation. Rester humble et ne pas vouloir tout saisir et comprendre. Pourquoi ne pas le relire un jour, question de faire la paix!

« bois, bois, frérot, bois, laisse tes tracas au boulot, évite douleurs, évité soucis, alors la vie n'est qu'plaisanterie, évite douleurs, évite soucis, alors la vie n'est qu'plaisanterie. »
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Mon propos, peut-être assez long mais le but est d'essayer de vous inciter à lire ce livre alors je me lance :

Et nous voici plongé dans le Berlin de l'entre-deux guerres en pleine république de Weimar, un Berlin sombre et sans espoir, le Berlin des bas-fonds. J'ai essayé une première fois d'entamer la bête de 612 pages et au bout de 50 pages, ne comprenant absolument rien à ce que je lisais, j'abandonnais mollement, et replaçait l'ouvrage dans la bibliothèque de mon salon, au rayon des mystérieux objets (entre Knut Hamsun et le Jan Potocki). A ce moment, lire ce genre de livre pour moi, revenait à regarder Canal + en crypté. Je laissais donc le livre de côté, persuadé que la traduction ne me permettait pas de rentrer dans le délire de son auteur.
Pourtant, l'objet littéraire reste séduisant et crâneur du haut de son étagère. Structure énigmatique, titres des chapitres loufoques, contexte urbain oppressant, à mi-chemin entre le suffocant Saint-Pétersbourg Dostoïevskien et le Paris glauque de Céline et surtout, et surtout, le style … particulier !
La comparaison avec Céline se fait naturellement. Roman Urbain, noir, anti-héros pathétiques, style elliptique. Berlin Alexanderplatz serait clairement le Voyage allemand si ce dernier n'avait pas été écrit 4 ans avant. Ultime comparaison : les auteurs sont tous deux médecins.
Pour comprendre POURQUOI, il faut lire Berlin Alexanderplatz, il faut en fait comprendre comment lire.
Alors comment lire Berlin Alexanderplatz ?
Tout d'abord, et toujours d'ailleurs, recontextualiser l'oeuvre dans l'histoire de la littérature. Döblin est un contemporain de Céline. James Joyce et Marcel Proust ont déjà frappé fort en termes d'innovations stylistiques et une guerre mondiale est venu choc-post-traumatiser bon nombre de petit génie de notre élite littéraire (Céline et Döblin). Les 30 premières années de notre siècle, d'un point de vue littéraire, mettent à disposition une ressource illimitée de sujet d'étude : appauvrissement, déshumanisation, désillusion de l'industrialisation mais aussi de possibilité infinie d'innovation stylistiques. Les deux maîtres Stylistes que furent Proust et Joyce font voler en éclat le classicisme du 19ème et réinvente la littérature faisant du « style » leur terrain de jeu illimité. Ils ouvrent une parenthèse que refermeront Céline … et Döblin. Je dirai, la parenthèse des « stylistes » ou celle de la littérature impressionniste. Il ne s'agit pas comme Zola, Balzac, Hugo et bien d'autres de recréer un cadre historique ou de décrire méticuleusement l'ambiance, comme on ferait une peinture réaliste d'un objet. Il s'agit maintenant, d'implémenter dans l'esprit et la moëlle épinière du lecteur, une mémoire sensorielle, une nostalgie, de quelque chose qu'il n'a pas connu : Les repas interminables de l'aristocratie pour Proust, l'allégorique et absurde Dublin de Joyce, le traumatisme post-apocalyptique de la Grande Guerre de Céline et enfin les bas-fonds et le banditisme de Döblin. L'outil de cette implémentation est le style. Et les écrivains dont je parle sont des stylistes. Ils vont, par leur style, faire naître en nous une impression. On retrouve ici le procédé utilisé par Dostoïevski, auteur vénéré par les auteurs cités, quand il implémente à l'aide d'une écriture instantanée et brouillonne, l'idée de folie dans l'esprit de son lecteur. A bien y réfléchir, on pourrait même parler d'un courant littéraire : les stylistes. (D'ailleurs, petites digressions qui justifiera mon appellation, ils termineront tous emportés par leur obsession pour le style : Proust écrivant la plus longue phrase dans le plus long roman du monde qui s'achèvera d'ailleurs après sa mort, Joyce passant dans un monde parallèle avec son dément Fannigan's bar (900 pages) qu'il mit 17 ans à écrire et affirmant modestement qu'il faut 17 ans pour le déchiffrer (à mon avis, plus), Céline qui avec son alambiqué et franchement bizarre Guignol's Band (700 pages), nous offre une des tranches les plus apocalyptiques de la littérature. BREF : le style n'est plus un moyen, c'est une fin en soi ! le fond n'est qu'un prétexte pour la forme)
Je n'ai pas encore répondu à la question ! Comment lire Berlin Alexanderplatz ? Eh bien tout d'abord - entrainement difficile guerre facile - il peut être bon de s'être frotter aux plus durs. Je veux dire par là d'être aller faire ses armes face à un tome de la Recherche de Proust ou un chapitre de l'Ulysse de Joyce (à peu près intelligible). On se rendra compte que Céline et Döblin ne sont pas si inabordables qu'on ne se l'imagine. Ensuite, nos crocs acérés, on peut s'attaquer à la pièce dont on parle aujourd'hui : Berlin Alexanderplatz. Certes, le style, phrase par phrase n'est pas franchement ragoutant mais on distingue la forme d'une narration. On distingue la polyphonie, on comprend qui parle, qui pense, quand intervient l'auteur etc. On peut donc décrypter, globalement l'action qui se déroule et ainsi, avancer, ou plutôt creuser, à travers les différentes couches que sont les niveaux de lecture. Ne vous inquiétez surtout pas si vous avez l'impression de ne pas saisir tel morceau de phrase, tel paragraphe complètement hors sujet. L'auteur se fout un peu de vous, alors ne vous laisser pas intimider et suivez le dans sa folie, comme Alice suivit le lapin. C'est bien pour ça que vous avez ouvert ce livre non ? Alors en avant.
Après plusieurs pages, on discerne mieux le projet. L'auteur force notre adhésion : Soit nous abandonnons et refermons le livre (ce que je fis la première fois), soit nous y allons « à fond » et nous descendons dans les bas-fonds. Nous ne les regardons pas de notre fenêtre, depuis notre appartement embourgeoisé, nous descendons, mouchoir sur le nez, à travers l'odeur putride des bars infâmes (surement les équivalents de nos PMU), à travers les ruelles sordides d'une ville au bord du précipice. C'est un choix, donc, au service duquel le style va se mettre : nous rendre au mieux l'impression de bassesse, sans distinguer la narration du narré. Un peu lourd, dirons les plus réticents, ceux qui ont quand même réussi à passer outre l'obstacle de ce style ardu. Mais aucune inquiétude, l'auteur est talentueux. Il maîtrise l'emploi de son argot et l'utilise judicieusement pour décrire son objet et lui donner toute sa dégoutante splendeur. Des qualités évidemment toute céliniennes. Donc voilà comment lire, du moins aborder la lecture de Berlin Alexanderplatz en bravant l'épreuve du style (qui n'est que le premier des 12 travaux que vous aurez accomplis !). Pour en finir et pour conclure sur cette partie, je vous demande de voir le style comme un outils, qui s'apparente à une paire de lunettes 3D, grâce auxquelles vous verrez ce que l'auteur veux vous montrer : Berlin la sordide.
L'étude de ce sujet, Berlin, vu avec nos lunettes 3D nous est faites sous forme de visite guidée avec en guise de guide, Franz Biberkopf, une sorte de gros sac à, une sorte de personnage un peu pathétique, qu'on aime appeler antihéros.
Venons-en à l'analyse des niveaux de lecture qui vous permettra d'apercevoir une once de finalité dans cet objet littéraire non identifié. A la première lecture, nous en distinguons trois.
Le premier niveau de lecture des péripéties de Franz, est celui, classique, de la lecture d'une fresque urbaine, tout à fait romanesque. Une intrigue pleine de rebondissement, narrée avec entrain, une multitude de personnages, fort de leur caractère, un tourbillon de mésaventures toute plus dramatiques les unes que les autres. Pour ce niveau de lecture, vous serez servis : Prisons, viol, maltraitance des femmes, amitié, braquage, trahison, amputation, re-viol, meurtre, re-trahison, dépression, hôpital psychiatrique et fin à la 1984 d'Orwell, lobotomisation et vie minable. le Drame urbain par excellence, digne des plus grands des contemporains de Döblin. (Mais pourquoi les romans urbains sont-ils si déprimants ? L'homme n'est donc pas fait pour une vie urbaine ? Merde !)
Le deuxième niveau de lecture est évidemment la (fameuse) critique sociale. L'auteur, je le rappelle, est un médecin des quartiers populaire. Question misère sociale, il en connaît un rayon. Je dirais que sa période gauchiste se justifie pleinement (et pourtant, alléluia, il s'en émancipera). le roman est un hommage à tous ces petits, ces truands, ces putes, ces repentis éternellement jetés dans la spirale de la violence et de la perdition. Ceux qui essaient, mais n'y arrivent pas.
(Aux riches et instruits lecteurs … :) « Regardez ! Vous-autres qui savez lire de grands romans, et imaginez ce que vivent ces petits qui peuplent les quartiers mal famés. Regardez en face, Berlinois ! la face de votre ville minable. »
Mais plus malin encore, et moins populiste qu'on ne se l'imagine, Döblin tourne aussi son discours contre le peuple. Son héros, certes, n'est pas épargné par la malchance. du moins, c'est ce que nous affirme avec une fausse naïveté, la narration. En fait, avec un simple esprit critique, et fort de notre connaissance du bien et du mal, aucun évènement ne forcent notre héros à faire le mal, à violer sa belle-soeur pour retrouver sa libido, ni à s'acoquiné avec une bande de braqueurs ou d'admirer un assassin en puissance, manifestement violent.
(Aux petits … :) « et vous Arrêtez de vous lamenter ! arrêtez de promettre que vous ne retomberait pas dans le banditisme quand vous faites tout…, ou du moins quand vous ne faites rien pour empêcher que ça arrive ! »
Nous avons donc ce double discours de l'auteur qui pointe du doigt la responsabilité de chacun, y compris des plus petits, dans la misère de la capitale teutonne.
Enfin, dernier niveau de lecture, qui nous pousse à penser, une fois le livre refermé, qu'il faudra le relire plus attentivement ce chef d'oeuvre : religieux. Pour ne citer qu'une référence, je dirai celle du livre de Job, pleinement appropriée pour décrire la triste vie de notre universel Franz. L'oeuvre contient énormément de références, profanes et religieuses et nous rappellent en fait que Berlin Alexanderplatz est construit comme une parabole, ou du moins en apparence. Et c'est peut-être l'analyse la plus intéressante de l'oeuvre de Döblin, juif qui aura la riche idée de se convertir au catholicisme. Si Franz est un anti-héros, son histoire est une anti-parabole. Les paraboles, vous savez ? Ces petits textes d'une simplicité affligeante conclus par une petite morale que le Christ utilisait pour faire rentrer de grandes vérités dans les petits cerveaux de ses apôtre. « Un homme avait deux fils », « Un semeur sortit pour semer », « le royaume des cieux ressemble à un trésor caché dans un champs » … etc.
Döblin fait de même avec nos petits cerveaux. L'« histoire d'un bandit repentis, qui veut arrêter de faire le mal ». Il va « tout » faire pour y arriver, mais le monde étant trop dur, il butera à chaque nouvelle tentative et retombera dans le banditisme. Nous avons une sorte de contre-évangile, qui nous dit avec simplicité que tout n'est pas si simple. Et nous, apôtre d'un instant du maître Döblin, nous sommes partagés entre l'idée qu'effectivement, on ne peut juger un homme sans connaitre la dureté de sa vie et, en même temps, l'idée qu'on se moque un peu de nous dans cette affaire - tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise - Franz a eu ce qu'il méritait. Plusieurs personnes lui ont tendu la main et ce blaireau n'a jamais su écouter et n'en a fait qu'à sa tête pour finalement retomber dans le crime.
Double morale donc : soit on voit le texte comme une parabole et la morale est donc que la vie finit toujours par l'emporter sur les volontés de fer. Il donc faut se soumettre à sa destinée (même si celle-ci est noire) sans lutter contre ses passions, être cohérent. Soit on voit le texte comme une anti-parabole dont la morale est donc qu'il faut vraiment et sincèrement lutter, sans se cacher derrière de fausses résolutions, contre le mal qu'il y a en nous et ce dans chacune de nos actions, actions qui constituent le torrent de notre destinée. Si ces deux morales sont banales et sont complètement opposées, l'auteur adresse la première à notre conscience via la forme : (la narration naïve) et la seconde à notre subconscient via le fond (le contenu du récit). La première nous dit qu'il ne sert à rien de lutter dans un Berlin comme celui qui nous est présenté la seconde attend de nous que nous refusions cette démission, ce lâche abandon.
La fin est assez intéressante, notamment la dernière page ou notre héros est lobotomisé, vaincu. Son âme est morte. Il est comme emporté dans l'allégorie d'une marche guerrière et nationaliste qui se nourrit de ce genre de profil pour grossir et gagner en puissance. Cette marche guerrière résonne tout particulièrement quand on connaît la suite (et la fin ?) de l'Histoire Allemande.
Terminer Berlin Alexanderplatz procure avant tout le sentiment de fierté légitime d'avoir terrasser un monstre littéraire et d'en avoir extrait la substantifique moelle, aliment nécessaire aux muscles de notre cerveau, fatigués de l'inconsistance de la littérature contemporaine. Berlin Alexanderplatz est bien un challenge littéraire et comme toute épreuve, on en ressort plus clairvoyant, on en tire une conclusion qui perdurera tout au long de notre chemin sur cette terre. le pacte de lecture est respecté, Alfred Döblin réussit pleinement son effraction dans nos boites crânienne, pour y déposer un germe : sa vision de Berlin de 1928. Et ce germe grandira quand nous regarderons notre ville (Marseille, Paris, Bordeaux…), ses mouvements, ses bruits, ses odeurs, ses trognes à travers les yeux Döblinesques, et que nous sentirons dès lors cette nostalgie intense d'un Berlin que nous n'avons jamais connu, révolu à jamais.
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Franz Biberkopf sort de prison (« dans son grand manteau jaune ») et ne sait où ses pas vont le guider. Dehors, rien ni personne ne l'attend (il a tué la jeune femme qui se prostituait pour lui …) Il n'a nulle part où aller et pas un sou en poche. Brusquement pris de fatigue (ou de malaise ?) il sera très brièvement réconforté par deux juifs. Franz Biberkopf n'a qu'un désir en tête : tourner le dos à son passé de proxénète, se trouver une femme, un travail honnête (il essaiera le commerce de journaux) et mener une petite vie tranquille … Malheureusement, tout n'est pas si simple dans le Berlin des « laissés pour compte » et de la délinquance : les trahisons y sont légion … Il semblerait d'ailleurs que son détestable passé, un inexorable destin – ou la malchance ? – lui collent désespérément à la peau … Et que Reinhold – une récente rencontre plus qu'hasardeuse – soit définitivement devenu son mauvais génie … le chemin vers la « normalité » sera long et douloureux pour notre héros …

Lire Alfred Döblin n'est pas de tout repos ! L' écriture peu banale et truffée d'un jargon argotique ne facilite pas la tâche ! La construction littéraire, on ne peut plus particulière, rend la lecture éminemment ardue ! Heureusement, l'histoire – bien que terriblement noire – est vraiment prenante et la curiosité nous pousse à persister dans l'effort, dans l'espoir tenace d'une « happy end » … (Non, je ne vous révèlerai rien sur l'épilogue !) Bon, c'est sûr, je n'attaquerais pas un texte aussi « pointu » toutes les semaines. Je suis toutefois très satisfaite de l'avoir mené à bien, souhaitant pouvoir comparer le roman « culte » de l'auteur à la dernière adaptation cinématographique actuellement sur nos écrans (et mon ressenti est absolument positif sur les deux expériences !)
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Ca clopine, clop, clop et des carrefours s'immiscent sans crier gare, le narrateur s'invite, il raconte ce qu'il voit et ce qu'il veut que le lecteur voie. Une place, un endroit autour de quoi les choses vibrent et vivotent, et virevoltent (suite logique). le ton est presque bonhomme, les langages sont naturels, sont ce qu'ils sont à l'oreille, ce qu'ils sont sur une place. Les bruits, ça bruite. Et sous ce ton ou avec ce ton, des horreurs se passent, la brutalité, la violence, la mort sonnent comme les petits tracas quotidiens, desquels Döblin n'a pas ôté les petits tracas du quotidien. C'est bien ça pour moi le tour de force.

Je vous assure : ce livre est une plaie à lire. Il faut vouloir le continuer et le finir. C'est dur, ça souffre. Malgré je le répète un ton de semblant badin, baladin (suite logique) quasi désinvolte. Qui me plaque presque un sourire alors que tout est affreux et pathétique. Enfin, c'est faux, car il y a une amitié incroyable, des sentiments d'amour aussi...
Et tout ça dans un Berlin qui s'enfonce. Un univers qui s'écroule en presque douceur.
Joyce croisé avec Kennedy Toole et Rabelais, ou aussi ou plutôt, un reportage journalistique sans commentaire(s) (mais avec quand même quelques commentaires.)
Tout ça mais pas ça non plus. Bref, Je ne sais pas trop ce que j'ai lu.

Alors Bruno, chef d'oeuvre ? Chef d'oeuvre, allez, oui. Ca ne peut pas être autre chose.
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Voulez-vous  de l'original, du jamais lu voire du bizarre ? Vous êtes au bon endroit. La nouvelle traduction sortie en 2009 est un travail d'orfèvre tant la langue ici restituée est singulière. Imaginez des dialogues marseillais traduits en allemand...! La lecture de ce récit est ardue, elle demande de la patience et de la persévérance à la limite de l'obstination. L'énigme de ce livre est un chemin de curiosité qui repose sur la capacité de l'auteur à nous emmener dans de longues disgressions, tantôt des sortes de notices techniques, tantôt quelque chose ressemblant à un article de presse, voire un dépliant touristique. Tout cela avec le plus grand sérieux en mode pince sans rire. Dublin a une inépuisable énergie pour nous mener par le bout du nez jusqu'au bord de l'ennui puis nous replonger dans l'histoire avec de longs dialogues et quels dialogues ! Joutes oratoires entre des gens qui partagent des existences minables dans une ville honteuse de sa défaite, en proie à d'inextricables collapses économiques et politiques, bientôt au sommet de l'échelle du pire. L'histoire de Franz Biberkopf (tête de castor en francais) qui sort de prison pour tenter d'affronter le destin du malheur est une lente descente aux enfers, comme un symbole de cette époque fatale.
Berlin Alexander Platz est l'oeuvre majeure d'un écrivain juif allemand réfugié aux États Unis pendant la période nazie. Il témoigne de la gangrènisation inéluctable d'une société humiliée. Laissons le dernier mot à Fassbinder dans la postface :"L'essentiel dans Berlin Alexander Platz n'est pas dans son histoire (...) c'est la façon dont l'immensément banal et invraisemblable est raconté ". Voilà tout est dit ou presque. le reste, c'est entre autres l'histoire qui s'écrit à Berlin dans l'après 1918.  Biberkopf est spectateur et acteur des luttes entre communistes et nazis, lent délitement d'une population appauvrie, amoindrie, apeurée sans espoir d'une vie meilleure. A lire ou à fuir ? A lire comme quelque chose d'unique.
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Berlin Alexanderplatz est un écho au roman d'Hugo, Les Misérables. Il y est question de rédemption, la grande ville est toujours en toile de fond, ici Berlin remplace Paris, et le personnage central, Franz Biberkopf, est une sorte de nouveau Jean Valjean, une force de la nature, un ancien prisonnier cherchant à rentrer dans le rang. Mais si Hugo cherchait avant tout à édifier son lecteur à travers une apologie du divin, Alfred Döblin s'amuse à rendre son héros ridicule et pathétique. Franz est un grand benêt prêt à avaler toutes les couleuvres, surtout celles de Reinhold, son "plus grand ami". Voir ce pauvre idiot se faire entourlouper à longueur de page est une vraie souffrance pour le lecteur.
Enfin, on ne peut évoquer Berlin Alexanderplatz sans parler du style de Döblin, un style emporté, virulent, populaire et gouailleur qui met en avant les bruits et les sons de Berlin et de l'agitation de sa foule.
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Ce livre est présenté comme étant un des grands chefs d'oeuvre de la littérature mondiale. Il passe aussi pour être l'équivalent Allemand de « Voyage au bout de la nuit » de Celine. Il y a un peu de vrai dans ça, mais ce n'est pas ca que je retiendrai.
D'emblée il faut replacer ce livre dans son époque : l'entre-deux-guerres. En Allemagne c'est la très grande crise économique : lourdes réparations de guerre, inflation plus que galopante, chômage de masse. le petit peuple trinque. La Grossindustrie se refait une santé. L'Allemagne sombre dans le Nazisme, quelques socialo-anarcho-communistes résistent encore, mais bientôt ils vont passer à la trappe ; quelques intellectuels résistent aussi encore, mais bientôt iles seront muselés. On connait tous la suite : des millions de morts.
Dans ce » bordel ambiant », Berlin fin des années 20, cette Babylone de l'est de l'Europe les petites gens s'organisent pour survivre. C'est leur histoire que nous raconte Döblin.
Franz Biberkopf fait du très petit commerce. Son copain Reinhold est un peu mieux organisé. Il fait partie d'une bande. On chasse mieux en bande. le commerce de la bande est illicite, mais qu'importe, ca reste du petit business. C'est les femmes qui vont être leur enfer et les mener tous les deux à leur perte.
Quel message Döblin a voulu nous faire passer dans son livre? Difficile à dire car il y a plusieurs niveaux de lecture.
Ce que j'en retiens, moi, c'est qu'il ne faut pas être « ein Einzelkämpfer ». Il faut marcher dans le rang des êtres ordinaires sur l'Alexanderplatz, sinon tu vas à ta perte, on te passera par la portière de la voiture en marche, on te passera au peloton d'exécution.
Mais sois vigilent car on te mène collectivement à l'abattoir : on va te tourner en saucisson de bataille. Alors sois aux aguets. Prends ton destin en main, ne le fais pas seul, révolte toi avec mille autres. En avant vers la liberté, le monde ancien, ( die Welt von gestern, si cher à Zweig ( doit s'écrouler, debout, soufles du matin.
Et c'est ce que l'Allemagne fit et nous savons où ça a amené le monde !!!!!!!!!!!!!!!
Drôle de livre, sans doute faut-il le relire plusieurs fois pour en comprendre toutes les subtilités.

Deuxième lecture:

Août Septembre 2023:Le film de Burhan Quibani : Berlin Alexanderplatz qui vient de passer sur ARTE m'a donné envie de relire le livre de Döblin que j'avais déjà lu il y a quelques années et qui je dois le dire à l'époque m'avait déçu. En effet je n'avais pas accroché. J'étais alors déçu d'être déçu car ce livre était perçu comme étant un chef d'oeuvre de la littérature mondiale.
Alors l'envie m'a pris de le relire, mais étant germanophone, cette fois en Allemand ou plutôt en dialecte berlinois. Aidé par la traduction d'Olivier le Lay, j'y suis parvenu. Et je me suis aperçu, ainsi que le Lay le note dans son avant-propos, combien la langue de Döblin est poétique et musicale. Je vous livre en exemple le titre du dernier chapitre du livre 4 : hopp, hopp, hopp Pferdchen macht wieder Galopp. Donc cette musicalité rend la lecture en langue allemande agréable. Déroutante est par contre la grammaire de döblin. Hopp, Hopp, Hopp fini le datif, fini l'accusatif, oubliée la régle du « aus, bei, mit nach,seit von,zu « Tschingdarada, bumdara.
Donc sur la forme ce livre m'a beaucoup plu. Il est déjanté, sur un certain plan déstructuré. En le lisant je ne pouvais m'empêcher de penser aux tableaux de Georg Gros ou aux collages de John Heartfield : deux peintre berlinois du début du vingtième siècle appartenant au mouvement allemand : le dadaïsme remettant en question les canons de l'art pictural.
Sur le fond et au fond, dans Alexander Platz, l'histoire que raconte Döblin me semble être un peu banale. Il s'agit des tribulations d'un repris de justice : Franz Biberkopf dans le Berlin de la fin des années 20. Biberkopf est un looser qui va de mésaventure en mésaventure ou dit en des termes recherchés de Charybde en Scylla. Il fallait absolument que je place cette expression….Par ailleurs La bande de Pums m'a fait penser aux Pieds Nicklés. Les mecs ne sont pas très doués. Ils arrivent même à mettre le feu à leur patron lors d'un cambriolage qui tourne court. Les putes, nombreuses dans le livre sont de bas étage, même la gentille Mieze se révèle être une vraie salope sans morale. Elle se set de son corps comme d'une « sex machine » Elle trompe son Franzelein avec qui le veut bien, même avec Reinhold.
Je n'éprouve pas le besoin de faire une analyse poussée des personnages principaux de ce roman. Ils sont aussi paumés que pouvait l'être à l'époque la société berlinoise, la Babylone allemande des années 20. Attention 1933 est tout proche, le monstre nauséabond pointe son nez
Ce livre, si ce n'est pas par l'histoire qu'il raconte, qu'est-ce-qui le rend alors génial ? Pourquoi l'Allemagne se l'est arraché à sa parution, pourquoi les Nazzis l'ont ensuite interdit.
Döblin nous y décrit une société qui est en bout de course. C'est une bête qui est en train de mourir. C'est la grande Babylone, la mère des fornications et de toutes les abominations. Elle est ivre du sang des saints qu'elle déchiquette. Berlin est le Pandémonium 1914 de Georg Grosz où la vie y est montrée comme un combat permanent : incendie criminel, viol, pendaison, étranglement, coup de poignard coup de poing ou de feu mortels. C'est l'enfer sur terre.
C'est par les histoires dans l'histoire, par exemple celle du juif Zannowich, par des apartés, on a parfois l'impression de lire le BZ, berliner Zeitung, du jour que le livre m'apparait être génial. Génial ce livre l'est aussi par ses allusions politiques : là Döblin tape fort : il exècre le parlementarisme d'alors. C'est aussi un livre prémonitoire qui dénonce l'absurdité de la grande ville et annonce en quelque sorte la destruction massive de Berlin en 1945. Alors la bête immonde a été anéantie.
Alors vorwärts, lecteur, Schritt fassen, links und rechts, marschieren marschieren.
Ende gut alles gut.



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