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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Si vous n'appréciez pas trop les recueils de nouvelles, faites une exception, ouvrez celui-ci, l'émotion qui va s'envoler de ces pages va vous laisser transi, immobile, muet...

Erri de Luca, dans ces nouvelles, se livre, se dit, se dévoile... mais toujours avec une assurance fragile, avec pudeur, avec discrétion. Au lecteur de nouer les phrases, de tisser les mots entre eux pour faire vivre cet homme qui s'est construit, qui a librement et en toute conscience choisi sa vie, loin de la destinée et des facilités dont il disposait.


S'il parle des moments de l'enfance, il convoque les emmurés, les captifs des geôles d'un autre temps, ceux dont la vie était accrochée à un anneau de fer serti dans la roche, ceux rendus immobiles par la condamnation, rivés à un lieu, ceux dont les pensées s'enfermaient peu à peu parce que quand le corps est entravé, l'esprit se recroqueville et s'amenuise, quand la promiscuité tient lieu de vie, l'esprit s'oublie et oublie l'ailleurs, un autre sol à fouler.

S'il évoque des parties de pêche dans lesquelles les senteurs et parfums écrivent le récit davantage que les poissons attrapés, il fait surgir de l'ombre, du silence où il se tient, cet homme sans voix, cette silhouette fragile, celui dont le bras est marqué d'un matricule, celui qui a tout vu de la cruauté humaine, celui qui a survécu et qui tente de survivre encore en oubliant les mots parce qu'ils diraient si peu...

S'il parle de la montagne, c'est comme d'un amour tumultueux, il y foule les sommets avec bonheur mais l'escalade l'a obligé à puiser au fond de lui-même force et obstination, courage et volonté pour vaincre ces parois qui se dressent comme autant d'obstacles que la vie peut en posséder, une paroi qui se dresse comme une volonté à tordre, comme une idée à faire plus forte, comme une conviction à vaincre pour la faire sienne.

S'il parle de ses engagements, de ses idées, il fait sourdre la révolte. Elle est là, tapie dans la page, mais la dignité l'accompagne... En tout choix, il privilégie le respect de l'autre, de l'opprimé, de celui qu'on veut faire taire... le petit, celui que l'on n'entend que si on lui prête attention, l'invisible, celui dont il faut crier fort le nom pour le faire exister aux yeux des autres, de ceux à qui il ne manque rien.

S'il parle de l'ailleurs, c'est pour mieux en décrire le déchirement, pour celui qui quitte, pour ceux qui restent. Un autre paysage, un autre monde, un autre pays, une autre culture mais l'espérance de la main tendue, de cette force qui se partage pour obliger la vie à palpiter encore et toujours, malgré l'éloignement, malgré la solitude. Une vie qu'il faut écrire autre pour la préserver coûte que coûte.


Il dit encore tant et tant de choses, se dévoilant tout doucement, visitant l'ombre de l'existence pour mieux en faire surgir la lueur, même si elle n'est que la flamme vacillante d'une bougie, encore est-elle là, existe-t-elle encore pour un peu, encore avons-nous obligation de la préserver, de la protéger.

On ralentit la lecture, on espace les retrouvailles avec cette écriture, il faut faire perdurer le moment, il faut en ressentir toute la valeur, il faut effleurer les mots avec l'âme, il faut les laisser nous caresser pour que la clarté s'en échappe, pour que le frôlement se fasse message, pour que l'air se charge de certitudes, pour que les phrases se fassent amarres, pour que le respect naisse de ces mots lus.
Alors on refermera le recueil ... pour un temps seulement, parce qu'il est devenu un besoin, une nécessité, pour avancer dans ce monde dont il est le reflet intemporel, pour être le compagnon, l'ami nécessaire dans la noirceur de ces temps qui sont nôtres, pour faire vibrer encore l'espoir d'un meilleur, pour être finalement, ce guide et cette main qui se tend entre les hommes que j'espère si souvent.

Un monde plus juste entre les hommes peut s'écrire, comme une plus grande attention à la terre qui nous porte et Erri de Luca s'en fait le messager avec une écriture empreinte de poésie qu'on peine à quitter.
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Le contraire de un, c'est la beauté d'un pavé donné par une fille à un manifestant, c'est la naissance d'un enfant porté par sa mère, c'est la chaleur humaine partagée dans une fièvre. C'est Erri de Luca qui me transporte dans ses mots, secs, concentrés jusqu'à la souffrance qui sourd des pores de l'humain qu'il porte en lui. J'adore son écriture bien que d'un accès difficile pour moi, il me faut porter une attention particulière à sa lecture. Je ressens l'enchaînement des choses, la vibration de la terre, rude, montagneuse, tremblant sous les coups du canon ou du tonnerre. C'est une poésie de l'instant qui se propage à l'infini dans son intensité furieuse qu'il arrache aux mots. Magnifique ce contraire de un, cette unité qui commence à deux.
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A travers ces nouvelles, Erri de Luca raconte ses amours, ses amitiés qui ont égrenées sa vie, ses rencontres lors de ses pérégrinations, lors de ses divers combats pour la liberté quels qu'ils soient et lors de ses ascensions.

Ils racontent les rencontres furtives, éphémères avec l'autre, qu'elles aient abouties ou pas, les gens qui l'ont aidé à surmonter les pires tourments, notamment lorsqu'il a eu la malaria, ses peines d'être quitté, ou d'avoir quitté, ses regrets et ses Amours.

Un très bel hommage faite aux femmes et aux hommes qui ont traversé sa vie. Mais pas seulement. Même au plus fort de la mêlée, il n'a jamais été seul, « le contraire de un ». Il y a toujours plus avec Erri de Luca et c'est ce qui fait la force de ses livres.

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Je n'ai pas eu le sentiment de lire un recueil de nouvelles tant une belle harmonie se dégage de cet ouvrage. Il y a un véritable lien entre chacune de ces nouvelles, aucune rupture même si le lieu et l'époque de chacune d'elles différent. Cette continuité vient tout simplement du fait qu'Erri de Luca nous offre à chaque fois un instant de sa vie,une partie de son coeur. Qu'il s'agisse du souvenir du jeune homme militant porté par la soif de justice,de l'alpinisme qui redonne goût à la vie à la jeune fille rencontrée fortuitement sur le chemin et qui a perdu une partie de son coeur, du malade qui revient d'outre-tombe par la grâce d'une nonne en Afrique,de l'amoureux ,etc tous ces instants sont des facettes que l'auteur nous dévoile de lui-même. Il en ressort une humilité touchante qui côtoie cependant une solide affirmation. Peut-être de celle qui ne peut exister que chez celui qui a vécu profondément en accord avec ses valeurs. Jamais en héros mais toujours en homme porteur d'une histoire collective sans rien renier du singulier, mais un singulier qui n'a de valeur que lorsqu'il s'additionne !
C'est un coup de coeur que je dois à la magnifique critique d'Isanne qui m' précipitée vers ce livre.
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Dix-neuf récits autobiographiques et un poème.
Petites séquences d'un vie bien remplie : professionnellement, engagement politique, amitiés.
De l'enfer de la chaîne de montage au paradis des cimes de montagnes, des sauts dans le temps, sur fond de la Rome rebelle de soixante-huit, du golfe de Naples, du nord de l'Italie, de la fatigue, la vraie.

Plus qu'un livre, c'est une sorte d'essai sur la vie, sur l'être profond du genre humain en harmonie avec la nature.
Et, pour moi, toujours le plaisir de lire les écrits d'Erri de Luca et ses engagements.
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Dans ce court recueil de nouvelles, ou plutôt de textes autobiographiques, divisé en deux parties distinctes, Erri de Luca fait encore une fois preuve de sa sensibilité de poète, à la prose si dense et souvent poignante.
Les premiers récits sont consacrés à ses combats et guérillas de jeunesse, quand avec la génération de 68, (un peu plus tard en Italie), il se révoltait contre l'ordre établi. Manifestations, arrestations, amours et rencontres, c'est toute une époque, avec ses luttes parfois discutables, qui revit sous nos yeux. On n'est pas toujours persuadé que ces combats héroïques aient été le bon choix, mais l'erreur est humaine et qui ne l'a faite au même âge ?
En revanche la seconde partie, plus poétique, centrée autour d'impressions et de perceptions sensuelles est une réussite souvent très belle et très émouvante. L'auteur excelle à suggérer les ambiances maritimes de son adolescence à Ischia, les rudes courses en montagne où s'exprime son sens du défi et de l'exigence vis à vis de soi-même, mais aussi les fièvres et les amours croisées au long de sa vie.
Son écriture est si ramassée, d'une telle sobriété et densité qu'elle en a l'éclat et la dureté du diamant... Mais est-il possible, quel que soit le talent de la traductrice, de la faire passer dans une autre langue ? C'est souvent un regret de ne pas avoir l'original sous les yeux... Toutefois, à quelques aspérités près, l'émotion demeure et c'est l'essentiel.
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C'est le premier livre d'Erri de luca que je lis et je suis certaine que ce n'est pas le dernier.
Je suis tombée sous le charme de l'écrivain italien.
Celui qui a été travailleur agricole, ouvrier, maçon puis militant humanitaire est resté engagé et sa vie est passionnante et ses romans sont connus pour avoir de fortes composantes autobiographiques.
Avec « le contraire de un » je n'étais pas certaine d'accrocher car d'habitude je ne suis pas adepte des recueils de nouvelles. En effet, il est difficile pour un auteur de séduire le lecteur avec de nombreuses histoires, souvent très différentes. Il est normal qu'elles ne soient pas toutes appréciées au même niveau.
Et bien, Erri de Luca m'a fait changer d'opinion. Il y a vraiment une atmosphère particulière dans ses textes et il a un style époustouflant, d'autant plus qu'il est traduit.
Ce recueil de vingt nouvelles lui permet d'aborder des thèmes comme la solitude, la foi, le combat politique, la rencontre amoureuse… On y trouve ses souvenirs d'enfance à Naples, ses années militantes ou encore des récits de montagne.
Je trouve le titre « le contraire de un » particulièrement beau puisqu'il m'évoque la pluralité, la solidarité, les rencontres.
J'ajouterai que j'ai particulièrement aimé « Odorat : brioches et autres gaz » où une simple partie de pêche permet à Erri de Luca d'aborder le thème de la déportation en racontant que l'enfant qu'il était à l'époque s'est interrogé sur le tatouage chiffré inscrit sur le bras de l'ami de son père qui les accompagnait sur le bateau.
J'ai vraiment été émue.


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Un recueil de vingt nouvelles qui débute pourtant par un poème de l'auteur pour sa mère, poème qui d'emblée scie les pattes de par sa remarquable beauté. Dans les nouvelles qui vont suivre, c'est bien sûr tout l'univers de DE LUCA qui est traversé : le prolétaire militant, les manifestations, les charges policières, l'amour, en montagne ou ailleurs, l'alpinisme, les années de plomb en Italie, l'isolement, la vie.

Le style est comme toujours épuré, avançant très lentement vers l'essentiel, débarrassé, ébranché de ses morts superflus. Si DE LUCA met ici en scène des récits variés, c'est toutefois pour atteindre un seul but : le contraire de un. Quel est-il ? Tout simplement deux. L'homme et la femme, l'homme et la révolte, l'homme et la montagne. Toujours ces petits souvenirs de jeunesse, d'odeurs, de sensations sublimées par l'écriture. Toutes les nouvelles sont axées sur le chiffre deux.

La famille bien sûr, les aïeuls, là aussi souvenirs d'un temps passé qu'il faut laisser à sa place même si le raconter fait du bien. Aujourd'hui on parlerait d'autofiction. Peut-être, mais en tout cas elle est de haut niveau.

Et puis il y a les phrases qui frappent, en un instant, comme un coup de fouet, telles des attaques surprises, des raids aériens : « Notre génération était la première d'Europe qui, à dix-huit ans, n'était pas prise par la peau du cou et envoyée à la guerre contre une autre jeunesse déclarée ennemie. C'était la première qui s'affranchissait des conséquences catastrophiques du mot patrie. C'est ainsi que nous étions patriotes du monde et que nous nous mêlions de ses guerres ». Parmi celles-ci le Vietnam.

« - Vous avez besoin d'aide ?
- de quelqu'un qui me tue ».

DE LUCA est une sorte de génie du ressassement du XXe siècle, un XXe siècle vu par les yeux d'un militant anarchiste dont l'injustice le pousse à se révolter, même s'il faut mettre le paquet et y laisser des plumes. DE LUCA raconte tout cela, ses combats, ses idéaux, mais aussi ceux qu'il déteste, c'est à la fois une boule de nerfs sur le fond et une pelote de laine sur la forme : il introduit une pensée radicale dans un écrin d'or.

En plein milieu de ce recueil, un autre, sorti des années auparavant : « Les coups des sens », cinq nouvelles parmi les vingt, chacune d'elles ayant comme thème l'un des cinq sens, parues originellement en 1993, puis en 1996 pour la France. « le contraire de un » est sorti en 2003. Si vous n'êtes pas sensibles aux nouvelles, à ce court format qui ne permet pas de suffisamment s'attacher à des personnages ou à une atmosphère, tentez ce recueil, il pourrait fort bien vous faire changer d'avis. Il est plein de révolte et d'amour, d'humanisme et de rébellion, c'est du DE LUCA pur jus, il ne peut laisser de marbre.

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De Luca est un témoin attentif de l'évolution du monde . Ces quelques pages autobiographiques remplies d'une poésie sublime sont un véritable bonheur pour le lecteur qui suit De Luca dans ces promenades au sein d'un monde que l'on ne prend pas le temps de regarder . Et cette ballade avec ce trés grand monsieur des lettres contemporaines est inoubliable...
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Ce petit ouvrage est une pépite. Il comprends dix huit textes, dix huit moments, sans doute pour certains très autobiographiques, de la vie de cet auteur complexe qu'est Erri de Luca. Evidemment, sur la forme, nous nous trouvons avec ce livre à mille lieues du roman et de sa puissance évocatrice, comme par exemple Montedidio ou encore Trois chevaux.
Ici c'est le domaine de l'affect brut, celui de la violence exacerbée des mouvements gauchistes des années 60 en Italie auxquels l'auteur a adhéré, sur la violence encore des rapports à l'autre même s'il est objet d'affection, sur la violence de la nature.
Sans que ce soit un contrepoint, ce livre est aussi un hymne démesuré à l'amitié et surtout à l'amour. Pour paraphraser Sartre, ici on a bien "L'enfer c'est les autres", la lecture que l'on peut en faire est davantage "le paradis c'est les autres" avec toutes ces évocations de l'amour maternel, filial, entre homme et femme (passages superbes !!!) , entre camarades de lutte ou simples amis, entre être humains tout simplement.
Au final ce livre est à nouveau un livre d'absolus (l'absolu du lien impalpable qui relie deux êtres humains, lien si cher à l'auteur), un livre sur la fragilité de nos existences, sur la fatalité de notre destin de simples humains, sur le désenchantement des sociétés contemporaines.
Le titre est le reflet de tout cela : l'espoir vient de l'amour et du partage de cette existence avec un autre.
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