A sept ans, j’écrivis des rimes.
Maman
T’es pas du Zan.
Papa
Tu fais des grands pas.
Mamie
T’es douce comme de la mie.
Papy
Tout le monde fait pipi.
A sept ans, je connus mon premier succès littéraire. La maman en question me serra dans ses bras. Le papa, la mamie et le papy applaudirent.
Les compliments fusèrent. Les verres trinquèrent. Des mots importants furent prononcés. Un don. Il le tient de son grand-père Pierre, celui qui a écrit cette si jolie lettre de Mauthausen, en 1941. Un poète. Un Rimbaud de sept ans.
Il y a eu une larme aussi, sur la joue de mon père ; lente et lourde. Du mercure.
J'eus envie de lui dire de se méfier: un homme qui passe tant de temps avec une femme, l'ensorcelle sans jamais lui effleurer le bout des doigts ne peut pas être tout à fait honnête. Mais vous aurez noté que j'étais assez mal placé pour donner un quelconque conseil conjugal.
L'amour, c'est un mot pour après. Quand on ne fourre plus et qu'il faut bien vivre ensemble.
Il faut avoir vu ses parents se battre pour comprendre qu'un enfant puisse avoir envie de mourir.
La jeune fille hurla. Aujourd'hui encore son je ne veux pas mourir, s'il vous plaît me réveille la nuit.
Je demandai un soir à mes parents alors que nous étions à table:
Est ce que le silence ça veut dire qu'on ne s'aime plus?
Il y eut un silence, cela va sans dire, puis des objets volèrent
Quand sait-on qu'on aime ? Le soir ou au matin ? Quand il est encore temps, ou déjà trop tard ?
Dumbo attendait en pleurant un livre que je n'avais pas écrit. Il espèrait que j'aie le dernier mot. Que quelqu'un l'ait enfin et rompe avec la fatalité des choses, les héritages encombrants; ces douleurs qu'on se transmet pour ne pas être seul à en souffrir.
« En quatre rimes pauvres, j’étais devenu l’écrivain de la famille. À huit ans, je n’avais plus rien à dire. » (P. 14)
Les failles finissent toujours par s'agrandir.