Je tiens tout d'abord à remercier les Éditions Raisons d'agir et Babelio pour l'envoi de cet ouvrage dans le cadre d'une opération masse critique.
Cet ouvrage, de nature académique, part de la constatation d'un paradoxe fondamental : l'extrême droite dans l'Union européenne affiche un anti-européisme plus ou moins prononcé, tout en profitant des ressources financières et des réseaux politiques que le Parlement européen leur offre.
Cette analyse me tient à coeur à triple titre : j'ai passé ma vie professionnelle comme administrateur au Parlement européen ; je crois fermement dans l'idéal européen, qui contribue, par son approche transnationale à éviter une guerre sanglante en Europe occidentale, tout en améliorant les conditions de vie de ses citoyens, ne fut ce que par l'instauration et le maintien d'une concurrence économique loyale ; tertio, le progrès récent d'une extrême droite politique m'inquiète, car certains partis politiques nationaux veulent soit sortir de cette Union, tel le Parti Sannfinländarna en Finlande, soit saper des valeurs européennes, telles l'indépendance du pouvoir juridique, comme le Partie d'Orbán en Hongrie et le Parti Droit et justice (PIS) de Kaczyński en Pologne.
Dans mon propre pays, la Belgique, et plus particulièrement en Flandre (où j'habite), j'ai vraiment peur d'une victoire du "Vlaams Belang" VB (intérêt flamand), que les sondages donnent gagnant aux prochaines élections européennes dans 3 mois et ce qui pourrait signifier la fin d'une Belgique fédérale ! Faisant abstraction ici de leurs discours xénophobe, le point 10 du programme d'action du VB, tel qu'il a été présenté dimanche dernier, préconise tout simplement l'abolition du Parlement européen !!!
Aux Pays-Bas voisin, en novembre dernier, le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders à la coiffure atypique (comme Trump,
Boris Johnson et Javier Milei d'Argentine) a remporté les élections, mais le chef de l'extrême droite hollandaise n'a toujours pas réussi à former un gouvernement.
Bien que je ne tiens pas à m'étendre en tant que Belge sur un site français des problèmes causés par certains eurodéputé-es appartenant à l'extrême droite française, je signale que l'auteure, sans parti pris pour autant, n'a pas hésité à exposer certains déboires de ces partis politiques. Comme notamment le paiement de salaires à des assistant-es des membres du Rassemblement national, qui étaient en fait des collaborateurs du Parti, qui n'ont virtuellement jamais mis les pieds dans le bâtiment du Parlement européen, ni à Bruxelles, ni même à celui de Strasbourg.
L'auteure,
Estelle Delaine, qui est maître de conférences en sciences politiques à l'université de Rennes 2, a approfondi l'évolution des partis d'extrême droite au Parlement européen, à partir de 1984 jusqu'à la dernière législature de 2019 à 2024.
Outre sur une solide documentation, elle a basé son ouvrage sur des entretiens biographiques avec 34 membres d'équipes parlementaires RN, à savoir 14 eurodéputé-es, 13 assistante-s de parlementaires 7 collaborateurs du Groupe Europe de la liberté et de la démocratie (ELD) : c'est-à-dire des partis d'extrême droite de France, Belgique, Bulgarie, Danemark, Finlande, Grèce, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne et Slovaquie.
Son ouvrage, qui comporte 8 grands chapitres, une introduction, une conclusion et 287 notes sur 28 pages de l'ensemble qui en compte presque 300, est extrêmement instructif et sérieux, mais malheureusement pas très facile à lire, même pour des lecteurs qui disposent de certaines connaissances ou expériences de l'hémicycle européen.
Je pense que le Grand Européen,
Jacques Delors (1925-2023), comme Président de la Commission européenne, pendant 10 ans (1985-1995) le véritable moteur de l'intégration européenne, doit se retourner dans sa tombe lorsqu'il entend les divagations nationalistes et populistes de certains représentants de l'extrême droite aujourd'hui.