AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,11

sur 232 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le nouveau roman d'Agnès Desarthe est un petit bijou. Il offre une densité de saveurs qui ne peut que ravir les palais sensibles. On y retrouve la douce ironie de l'auteure, son goût pour les personnages décalés et la finesse de son sens de l'observation et de la dérision. Plus je lis Agnès Desarthe et plus j'apprécie ses écrits (l'écouter parler est également une expérience que je conseille à tous les amoureux de la littérature). Mais j'avoue avoir pris un plaisir particulier avec ce dernier opus qui joue sur toute la gamme des sentiments et provoque une rare palette de réactions chez le lecteur.

Parfois, ce roman évoque David Lodge, dans sa façon de scruter avec une férocité narquoise les relations entre les membres d'un campus universitaire. On pense à Changement de décor qui voyait deux universitaires, l'un anglais et l'autre américain échanger leurs postes pendant six mois. Notamment quand on se trouve dans l'avion qui, lors de la scène d'ouverture transporte Hector, sa femme Sylvie et leur fils Lester vers l'université de Caroline du Nord qui les accueille pour un semestre, on est tout à fait dans cette veine. Mais Agnès Desarthe est une auteure française et la comparaison s'arrête aux scènes de campus. S'il est bien question d'observation entre deux mondes, avec l'acuité et l'ironie qui caractérisent la romancière, c'est encore une fois une femme qui occupe le centre de l'histoire, et pas n'importe quelle femme.

Sylvie est un personnage étonnant, une femme au foyer qui s'applique à n'être rien car "être rien est un idéal qu'elle poursuit, son parcours s'inspire du non-agir, cela n'est pas le signe d'une défaillance, d'une situation humiliante, mais d'une éthique, un choix de vie". Elle s'est glissée avec joie dans son rôle de femme de puis de mère, et développe tranquillement une philosophie de vie pas forcément accessible à tout le monde. Pendant ce temps, Hector profite à plein de sa popularité inédite en tant que professeur émérite et surtout "français" avec tous les fantasmes qui s'y rattachent, un état qui transforme un peu tardivement ce sexagénaire en don Juan. le jeune Lester, lui, cherche sa voie comme tout adolescent et se mue peu à peu en une sorte de gourou, se rebaptisant lui-même Absalom Absalom. C'est depuis les Etats-Unis que la famille vivra, de loin, les attentats de novembre 2015, une perspective qui donne lieu à une analyse passionnante de la façon dont chacun perçoit les événements du monde. "On se connait tous. On est reliés" dit Lester pour tenter d'expliquer à sa mère comment les souffrances d'individus qu'il ne connait pas, de l'autre côté de l'Atlantique le bouleversent.

Et c'est peut-être là le coeur du propos de ce livre. La façon dont les choses nous touchent. Que ce soit dans l'intimité (il y a ici une réflexion savoureuse sur le couple, sur la durée d'une relation et ces petits rien ou à l'inverse les drames traversés ensemble qui la rendent indestructible) ou à un niveau plus universel. Comment un malheur collectif impacte chaque individu, en fonction du contexte, de la façon dont se propage l'information. Il y a dans le personnage de Sylvie toute la complexité des forces et des faiblesses qui se bousculent en elle mais dont émerge la beauté du lien maternel. Les scènes entre la mère et le fils sont belles à couper le souffle ; la page 137 vous cueille d'un uppercut à l'estomac. Et tout le fil narratif tient aux réactions de cette femme, dont l'apparente légèreté ou évanescence du début révèle une intelligence instinctive, viscérale et salutaire.

Pour faire simple, La chance de leur vie c'est du grand art, qui vous accroche d'abord un sourire moqueur au bord des lèvres avant de vous retourner les méninges et le coeur. Plus que jamais, Agnès Desarthe décale les perspectives et c'est aussi profond que spectaculaire.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          299
Hector Vickery, prof de fac, vient d'obtenir la mutation dont il rêvait depuis longtemps : il s'envole avec sa femme Sylvie et son fils Lester vers les États-Unis, direction Earl University en Caroline du Nord. Une nouvelle vie s'annonce pour la petite famille, loin d'une Europe encore sous le choc de l'attentat de Charlie Hebdo… Bref, prendre un peu de distance ne peut pas faire de mal…
« Ils allaient quitter la France, quitter Paris, les insolubles problèmes de stationnement, les visages moroses, les bousculades dans le métro, les minutes de silence. La peur d'un nouvel attentat islamiste. le passage honteux de l'incrédulité au fatalisme. Ils abandonneraient le vieux pays fatigué et divisé pour une contrée neuve et pimpante. »
Hector va très vite s'adapter à son nouvel environnement, c'est le moins que l'on puisse dire... En revanche, Sylvie, personnage étonnant, partisane de la non-action, vit tout cela avec une certaine passivité, ce qui lui permet d'observer de loin tout le petit manège de la vie sociale à laquelle elle va, plutôt à contrecoeur, devoir participer. Quant à Lester qui s'est rebaptisé « Absalom Absalom » lorsqu'il survolait l'Atlantique, il va évoluer d'une façon pour le moins inattendue…
Une année donc où chacun d'eux va s'observer, observer les autres et tenter, peut-être, de comprendre ce qu'il est vraiment…
Quel délice que ce roman ! J'ai trouvé dans le personnage de Sylvie - dont le lecteur partage le point de vue - un mélange d'Oblomov et de Meursault, avec une petite touche d'absurde qui m'inviterait même à chercher du côté de Ionesco. En effet, cette femme, adepte du dogme du non-agir, ne fait rien ou pas grand-chose, mais attention, « cela n'est pas le signe d'une défaillance, d'une situation humiliante, mais d'une éthique, d'un choix de vie. », j'irais même plus loin en parlant d'art de vivre... Elle observe son fils, son mari, les gens. Et cette posture distante et immobile qu'elle adopte lui permet d'avoir un regard assez juste et très lucide sur le monde agité qui est le nôtre, un regard en tout cas qui sait dépasser les apparences...
Le jeu social, dont elle a l'impression de ne pas connaître les codes, la fatigue. La mode ne l'intéresse pas. Plaire n'est pas son souci. Sylvie, en société, n'est rien sinon la femme d'Hector ou la mère de Lester. Rien ou pas grand-chose : « Je ne suis rien » se répète-t-elle en silence et cette phrase « l'apaise, l'isole, la protège ». Mais, comme elle aimerait l'expliquer aux autres, « c'est là, dans cette aliénation, que se déploie sa liberté. » Elle est une femme libérée, mais pas dans le sens où on l'entend actuellement, non, elle est libérée parce qu'elle ne travaille pas, n'a ni amis ni relations et donc pas de jeu social auquel se plier. Elle est heureuse dans « une vie dégagée de tout lien, presque sans matérialité. » Agnès Desarthe n'est-elle pas en train de se demander si la femme moderne a pris ou non le bon chemin pour se libérer ? La question est posée en tout cas.
« Pas d'impatience chez toi, pas de volonté de prouver quoi que ce soit. C'est l'humilité première, primaire, le douloureux et nécessaire constat de l'incapacité » commente une de ses proches.
Il y a quelque chose de profondément vrai en elle, c'en est fascinant !
Alors, un peu désoeuvrée, sur les conseils de son mari, elle se rend à l'Alliance Française pour chercher « des brochures »…
Pendant ce temps, Lester, je veux dire Absalom Absalom, prie pour ses parents. A-t-il raison de les sentir en danger ? « Protégez-les de la violence du monde, de la tristesse. » Quelle belle lucidité là aussi !
La chance de leur vie est un roman très riche (les strates de lecture sont nombreuses) qui nous amène à réfléchir aux divers problèmes que rencontre notre société actuelle, en pleine mutation. Les thématiques abordées sont multiples : couple, fidélité, amour, place des femmes, sens de la vie, éducation, monde surconnecté, violence… mille questionnements ou pistes de lecture qui peuvent donner lieu à plusieurs interprétations possibles… N'est-ce pas là le signe d'un livre riche, profond, (et en même temps si drôle, j'ai omis de le dire!) sur lequel on pourrait discuter bien des heures ?
Et surtout, il présente des personnages complexes, un brin hermétiques, plutôt attachants et bien décalés… comme on les aime !
Un roman qui restera, c'est certain !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          151
Sylvie et Hector ont la soixantaine, un fils adolescent qu'ils ont eu tard. On prend souvent Sylvie pour sa grand-mère. Elle laisse dire. Elle laisse passer beaucoup de choses, sans en concevoir une quelconque amertume. Elle est différente, Sylvie. Oisive, elle plane, un peu. Elle se tient juste au-dessus de tout un tas de choses, observatrice détachée qui aimerait trouver ce qui lui donnerait un sentiment d'appartenance, de connivence. Hector c'est autre chose. Autre milieu social, professeur d'université. Et puis leur fils, Lester. D'une intelligence aigüe et précoce, il traverse une crise mystique. En secret. Les voici tous trois aux Etats-unis pour quelques mois, et rien ne va plus…
Que voici un étrange roman.
Malgré les apparences, l'amour qui unit ces trois êtres est puissant, et donne un relief particulier à leurs interrogations. Quasi hypnotique, la plume d'Agnès Desarthe a quelque chose de dérangeant, parce qu'en nous racontant une histoire déroutante elle vient de temps à autre nous y rattacher par de petits détails, qui, on le sait bien, ont la plus grande importance.
Il est tout de même difficile de cerner les personnages, ils sont rétifs à toute catégorisation et c'est perturbant, tout autant que puissamment intéressant. L'ambiance générale dégage un parfum de mélancolie assez commnunicatif.
Se situant au moment de l'attentat du Bataclan, vu depuis une Amérique qui n'avait pas encore élu Trump (qui se révèle beaucoup plus exotique que ce qu'on croyait en savoir), le roman nous offre une perspective différente, sur la vie en général.
Commenter  J’apprécie          152
Absolum Absolum

Un beau roman, une valse à trois temps, une famille d'expat aux États Unis, un nouveau départ, des nouvelles rencontres, des paroles, des gestes et le quotidien revient au galop avec ses beaux et douloureux moments.
Un mari en pleine croissance, en pleine évolution de carrière et volage; une femme aimante, forte, rêveuse et complaisante … ; un fils, un ado qui est touché par la grâce…


Agnès Desarthe nous vampirise littéralement dans sa toile. C'est lunaire et très bien décrit… j'ai adoré cette parenthèse de cette famille française, de cette belle échappée, enfin la chance de leur vie.
Commenter  J’apprécie          140
La rentrée littéraire commence aujourd'hui et voici une des parutions du jour : La chance de leur vie !

Après le magnifique Ce coeur changeant, Agnès Desarthe revient avec une histoire de famille au coeur des États-Unis !

Ce nouveau roman est extrêmement fascinant : un titre qui interpelle, qui traite de nombreuses thématiques et où l'auteure n'hésite pas à disséquer les pensées de chaque protagoniste, à nous dévoiler leur intimité, à nous révéler leurs désirs les plus sombres ou encore leurs doutes les plus importants.

Ce que j'ai particulièrement aimé dans ce livre c'est ce mélange entre l'histoire personnelle de cette famille et l'actualité qui se déroule : la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis, les attentats en France. C'est un mélange très intéressant entre l'actualité, l'histoire et le quotidien.

Ce livre met aussi en avant un personnage féminin inoubliable : le lecteur va progressivement apprendre à connaître Sylvie. Une femme qui se caractérise par une volonté de non-agir, qui s'est effacée progressivement de sa propre vie mais qui possède cependant une personnalité très forte.

Au travers de ce roman, Agnès Desarthe met aussi en exergue notre rapport au corps et plus particulièrement le rapport au corps féminin, à ses changements liés à la vie qui passe. Une ode à ce corps toujours en pleine mutation, qui ne cesse jamais d'évoluer, de changer...

De surcroit, cette romancière possède une plume unique qui mêle avec brio la poésie à l'introspection personnelle.

En définitive, un roman qui engendre une très belle harmonie entre l'intime et l'universel !

INFORMATION - FESTIVAL AMERICA : Je suis très heureuse de vous annoncer que j'animerai deux rencontres au Festival America dont une en présence -notamment- d'Agnès Desarthe sur la thématique "Frenchieval America - Les écrivains français nous parlent de l'Amérique".
Lien : https://leatouchbook.blogspo..
Commenter  J’apprécie          110
Agnès Desarthe ouvre beaucoup de pistes de réflexion, l'usure du couple, l'âge, l'adolescence, l'ère de la connexion, la France vue des Etats-Unis, la place des femmes etc avec beaucoup d'humour, d'ironie et d'intelligence. le portrait de son héroïne, Sylvie, est particulièrement étonnant. Passive, silencieuse, elle "ne fait rien", contrairement aux femmes modernes. Et pourtant, elle éblouie par sa liberté intérieure. Ce roman est passionnant !
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (520) Voir plus



Quiz Voir plus

ABO L'ABOMINABLE HOMME DES NEIGES

Où vit Abo?

à la plage
à la montagne
à la campagne

10 questions
4 lecteurs ont répondu
Thème : Abo, le minable homme des neiges de Agnès DesartheCréer un quiz sur ce livre

{* *}