Eh bien voilà, encore un livre qui m'a fait peur pour rien ! Merci à Canel et Iris pour leur billets qui m'ont incités à lire Vernon Subutex : j'ai trouvé une vraie pépite, un concentré d'humanité.
De quoi avais-je peur déjà ?
Ah oui, de l'auteur pour commencer ! Avec une telle réputation et une biographie comme la sienne, il y a de quoi s'affoler un peu. Au risque de paraître prude, je redoutais de lire un roman pornographique pour tout vous dire. Mais je n'ai rien trouvé de pornographique dans ce roman-là.
Alors oui, vous lirez des passages un peu cru niveau vocabulaire, vous trouverez également quelques obsédés sexuels, mais vous trouverez aussi un rapport au sexe tout ce qu'il y a de plus naturel. Tout comme dans la vraie vie quoi.
La couverture me faisait peur aussi. Ça me semblait très torturé...
Et là, je ne peux pas nier que ça le soit. Il y a de la rage dans ce roman : rage de vivre, rage d'aimer, rage de s'en sortir, rage de détruire. Il y a du lumineux, et il y a du noir. Il y a de l'amour, et il y a de la haine. Il y a un désespoir qui vous entortille et vous plonge dans les abîmes, et il y a des lueurs d'espoir qui vous remontent vers la lumière. Toujours comme dans la vraie vie.
Ce qui est frappant dans Vernon Subutex aussi, c'est la construction du récit.
Le vrai sujet, ce n'est pas l'enregistrement testamentaire de la star du rock, Alex Bleach, même s'il en est question du début à la fin. Ce n'est même pas vraiment Vernon Subutex, ce disquaire sexy qui détient l'enregistrement en question, et qui nage pour ne pas se retrouver dans la rue. Non, le vrai sujet, ce sont les Hommes.
Virginie Despentes nous offre de très beaux et très réalistes portraits : des actrices pornographiques, des dealers, des hommes d'affaires, des bourgeoises de gauche, des hommes de droite, des mamies, des fils, des épouses, des maîtresses, des extrémistes, des sdf... Tous ces portraits sont saisissants de réalisme, dans les émotions, dans les gestes quotidiens, dans leur banalité.
Et le lien entre tous ces personnages est incroyable de réalisme aussi. C'est une danse endiablée, rythmée. Les personnages se croisent, se touchent, se repoussent, se toisent, se délivrent, se retiennent...
C'est fort, violent parfois, mais d'une beauté saisissante. Ça vous prend aux tripes, ça vous parle de la vie, et ça vous marque pour toujours.
J'ai à la fois très envie et très peur de lire les deux tomes suivants, peur que la magie n'opère plus...