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EAN : 9782812450006
190 pages
Editions Classiques Garnier (20/07/2016)
2.25/5   2 notes
Résumé :
Pour Maeterlinck, un texte contient sa propre théâtralité, et c'est elle qui doit être mise sur le devant de la scène afin qu'advienne le "spectacle du poème". C'est le sens de son texte majeur, Le Tragique quotidien, véritable manifeste pour un nouveau théâtre : nous faire voir et entendre ce qui, autrement, resterait invisible et inaudible, non seulement dans une œuvre, mais également dans la vie de tous les jours. Avec un tel programme, Maeterlinck est bien un au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voilà comment j'ai, pendant un temps, pensé formuler ma critique : "J'ai rien compris. J'ai même pas compris le titre."


Mais comme j'ai fini par capter deux-trois trucs au final, et, surtout, que j'ai vu dans ce livre sur Maeterlinck une bonne occasion de partager une expérience parfaitement extravagante, j'ai changé d'avis. Rions un peu, donc.


Déjà, il faut que vous sachiez que j'ai vraiment pas de pot avec Maeterlinck. Sérieuse et intelligente comme je suis, je ne voulais pas aborder n'importe comment cet auteur, et encore moins raconter n'importe quoi sur la toute première pièce que j'ai lue de lui, La Princesse Maleine. En fait, je suis à ce jour presque convaincue que j'aurais mieux fait d'écrire une critique de la Princesse Maleine en disant absolument tout ce qui me passait par la tête... Mais reprenons les choses depuis le début. Il y a des mois de ça, je lis quelque part - impossible de retrouver où, mais si je tombe à nouveau sur le nom du type qui a écrit ça, comptez sur moi pour lui faire passer un mauvais quart d'heure - je lis donc en toutes lettres qu'il est complètement inutile de lire une seule ligne de la Princesse Maleine si l'on n'a pas auparavant déjà en tête Axël de Villiers de L'Isle-Adam, sans quoi on ne peut rien capter à la pièce de Maeterlinck. Je ne me souviens plus très bien si j'ai obéi à la lettre, je ne jurerais pas que je n'ai pas lu Maleine avant Axël, mais ce dont je suis sûre, c'est que je me suis tapé les quelques cent pages d'Axël dans le but d'être éclairée sur Maleine. Sur tablette, en plus, ce qui me tue les yeux (mais impossible de faire autrement). Et, ô joie, toute cette détermination n'a strictement servi à rien ! Quelques temps plus tard, seconde tentative de ma part. J'avais acheté l'édition de la Princesse Maleine d'Espace Nord, qui fournit tout un dossier en complément de la pièce. Sauf que, dans le dossier, pour une raison qui m'échappe complètement, l'analyse littéraire se limite à l'identification des sources. Alors bon, d'accord, des sources, il y en a plein. Trop. Au moins quarante mille, au bas mot. Ce qui fait que je n'ai retenu que celles que j'avais déjà repérées et que je n'étais toujours pas plus avancée.


Et donc, là, en consultant le catalogue de la bibliothèque municipale, je tombe sur un titre prometteur : Maeterlinck, le théâtre du poème (oui, c'est le sujet de notre critique d'aujourd'hui, je remarque que vous êtes de fins observateurs). Un essai ! Sur Maeterlinck ! La chance !!! Donc je me précipite dessus, et me voilà plongée dedans quelques semaines plus tard (j'ai certes un peu lambiné). Et là, dès les première pages, patatra. Je ne capte rien. Au début, je me suis dit que j'avais rien lu d'aussi indigeste depuis Sur Racine de Barthes, ce qui remonte tout de même à ma seconde année de fac de Lettres. Et puis, j'ai commencé à repérer des trucs ultra louches, comme des références au duo signifié/signifiant (un des concepts de base de la linguistique générale), à Roman Jakobson (linguiste), à la prosodie (le mot qu'on doit retrouver le plus souvent dans ce livre), à l'écholalie (trouble du langage), à l'amuïssement du "e", aux phonèmes, puis enfin, enfin, à Saussure (fondateur de... la linguistique), et même à Émile Benveniste (linguiste). Un coup d'oeil sur la bibliographie de Gérard Dessons n'a fait que confirmer la triste réalité : j'avais en mains un essai de stylistique (branche de la linguistique, qui sert entre autres à l'analyse littéraire). Ce qui n'était pas, mais alors pas du tout mentionné dans la quatrième de couverture - comme quoi il n'y a pas que pour la fiction qu'on nous compose des quatrièmes de couverture fantaisistes. Or, je hais la stylistique. J'ai détesté mes cours de fac (je détestais la linguistique dans son ensemble ; au bout de quelques années, c'est-à-dire à la toute fin de mon cursus, je me suis rendue compte que c'était parce que je ne bossais pas cette discipline, et qu'en travaillant ça devenait bien plus intéressant), mon prof était nul, ennuyeux, il répétait tout le temps la même blague sur les stylisticiens et les linguistes, et de toute façon j'avais pas besoin d'aller en cours puisqu'il donnait la moyenne à tout le monde à l'épreuve de fin d'année. C'est dire à quel point j'avais envie, en choisissant d'emprunter un essai sur Maeterlinck, de tomber sur un essai de stylistique... J'ai même pas les bases, puisque j'ai raté la plupart de mes cours de fac, qui de plus remontent à plus de vingt-cinq ans. Heureusement, heureusement, j'ai des restes de mes autres cours de linguistique (on se demande bien comment).


Je ne vais pas m'appesantir sur le sujet de ce livre, qui se résume en gros à démontrer que le théâtre de Maeterlinck relève de la poétique et de l'éthique (je soupçonne fort l'auteur d'avoir voulu imiter les inventions langagières de Maeterlinck en choisissant deux termes qui riment), ce qui serait totalement novateur. Je ne vais certainement pas m'aventurer à donner un point de vue sur cette hypothèse, vu que, d'une part, je suis une nullité en stylistique, et que, d'autre part, un essai qui prétend analyser un oeuvre littéraire avec pour seul point d'entrée la stylistique n'a selon moi qu'un intérêt très limité. C'est un peu comme si on analysait tel auteur uniquement d'un point de vue philosophique, ou historique, ou je ne sais quoi d'autre : on se limite forcément à un point de vue très partiel, et par conséquent partial. Que la stylistique soit un outil de l'analyse littéraire, c'est entendu, qu'elle soit le seul outil de l'analyse littéraire, ça ne me paraît pas pertinent.


Mais après tout, on peut toujours considérer que cet essai vient en complément d'autres essais, à l'analyse plus large, sur le théâtre de Maeterlinck. Encore faudrait-il prévenir les lecteurs potentiels, hum, hum, hum. Il y a peut-être plus dérangeant : cet essai est censé analyser ce qu'on appelle "le premier théâtre" de Maeterlinck, c'est-à-dire son théâtre symboliste de la fin du XIXème, qui comprend La Princesse Maleine, L'Intruse, Les Aveugles, Les Sept Princesses, Alladine et Palomides, Intérieur, La mort de Tintagiles et, enfin, Pelléas et Mélisande (j'espère n'avoir rien oublié). Or, Gérard Dessons ne s'intéresse en gros qu'à trois pièces, à savoir Maleine, Pelléas et Tintagiles. Il est quelque peu question de L'Intruse, beaucoup moins des Aveugles, et pratiquement pas des autres - certaines n'étant que mentionnées en passant dans une phrase. Ça n'est clairement pas une méthodologie correcte. Lorsqu'on annonce qu'on va élaborer une thèse à partir d'un corpus précis - ici tout le premier théâtre de Maeterlinck -, on se doit d'étudier tout le corpus, même si certaines oeuvres peuvent prendre plus de place que d'autres. Un étudiant en Lettres se ferait allumer par son directeur de mémoire (du moins si son directeur de mémoire est un tant soit peu sérieux) s'il procédait avec la méthodologie de Gérard Dessons.


Mais évidemment, ce qui saute aux yeux du lecteur, c'est pas le problème de la méthodologie, mais la manière. Ce texte est imbuvable la grande majorité du temps. Je vais donc choisir un extrait au hasard pour que vous puissiez juger de la chose (il est vrai que l'absence de contexte ne va pas vous faciliter la lecture) :
" Cette signifiance n'est pas produite par la logique grammaticale, mais par le continu d'un phrasé qui ressortit à l'ordre du rythme, non à celui du signe. L'organisation des phrases en propositions ne peut faire que ne chemine malgré tout une parole singulière qui dit ce qu'il faut dire. Dans La Mort de Tintagiles, le drame se noue rythmiquement dans un conflit qui met en jeu deux modes d'organisation du langage, celui de la syntaxe et celui d'une métrique. Parler ici de métrique ne signifie pas qu'il y a des vers dans la prose de Maeterlinck, mais qu'une mesure tend à y instaurer une régularité dans la distribution des paroles en faisant coïncider les segments logiques et les séquences syllabiques à la façon de la versification classique."
Il se trouve que c'est loin d'être le passage le plus complexe (quand on a lu ce qui précède, s'entend). Ce qui me dérange, c'est que c'est tout le temps, mais alors tout le temps écrit comme ça, et même souvent de façon beaucoup plus alambiquée. Et c'est dommage, parce que c'est intéressant par moments, voire compréhensible (oui, oui), comme dans ce chapitre où Gérard Dessons étudie les relations entre le prénom "Maleine" et l'adjectif "malade".


Vous aurez compris que si vous n'avez jamais étudié la linguistique, cet essai ne vous est clairement pas destiné - ce qui, je le répète, n'est jamais mentionné dans la quatrième de couverture, ni dans la première édition chez Laurence Teper, ni dans la seconde chez Classiques Garnier (non, je n'en démordrai pas, car ça frôle quasiment l'arnaque). Et vous aurez également compris que si vous êtes à la recherche d'un essai qui analyse le premier théâtre de Maeterlinck de façon intéressante, approfondie, tout en restant clair et compréhensible (ce qui ne me semble tout de même pas impossible), vous pouvez également passer votre chemin.


Bref, si je devais conclure par un mot, un seul, évoquant ce que j'ai ressenti à la lecture de cet essai, force me serait d'inventer un néologisme qui évoquerait à la fois la consternation, la déception, l'agacement, le découragement, l'espoir, la frustration, l'intérêt, l'énervement, l'ennui et la souffrance. Là, je suis à court de mots.



Challenge Théâtre 2020
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La préoccupation de Maeterlinck - mais c'est aussi celle de tout artiste - est donc moins, à l'inverse de ce que ferait un scientifique, de voir l'invisible que de le faire voir. Et, en le faisant voir, de l'inventer. Ce qui est une autre responsabilité dans l'avènement de la modernité dramatique - et, plus largement, littéraire - que celle qu'on reconnaît habituellement aux artistes de la fin du XIXème siècle : rendre visible ce qui, jusqu'alors, ne l'était pas.

Inventer l'invisible
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