Quel beau livre…
Quel beau livre, oui… Vraiment ! Quelle évasion, quel délicieux moment de lecture, quelle douceur pour sublimer des sujets dramatiques, quelle sonorité poétique… Premier roman du belge
Luc Devreese, dont le portait me laisse penser qu'il n'a plus 20 ans. Mais pourquoi nous a-t-il privés si longtemps de ses talents d'écrivain ? Souhaitait-il les laisser murir ? Ou attendait-il que ses activités de comédien et d'enseignant lui laissent le loisir d'écrire ? de tous mes voeux, je l'appelle à poursuivre et à nous livrer d'autres textes !
Je ne peux pas trop vous en dire sur le fond de l'histoire: vous devez la découvrir à petites lampées. Dans le prologue, un homme est mis à mort. Dans Paris-Match, la photo de la réalité serait terrible. Mais pas ici. Ici, cette réalité cruelle est présentée avec les mots d'un poète, non pas ce genre de poète torturé qui transpire toute la douleur du monde, mais plutôt ce genre de poète qui parvient à envelopper toute réalité dans un voile de beauté.
Je ne sais pas du tout si ce texte a été inspiré à
Luc Devreese par des événements qui l'auraient particulièrement touché. Mais en admettant que ce soit le cas, ses mots m'évoquent une personne qui, pour parvenir à accepter l'inacceptable, à défaut de pouvoir chasser de son esprit une situation difficile, serait parvenu à lui donner une apparence qui lui permette de rendre paisible la place qu'elle occupe dans ses pensées. Magnifique, non ?
Ça, c'était le prologue. Ensuite commence l'histoire de Julius. Nous le voyons entrer chez un brocanteur à l'air facétieux et mystérieux, et repartir de sa boutique avec une étrange statuette qui représente le dieu Pan, au sexe dressé. La statuette troublera sa soeur Marcella, plus âgée que lui. Elle les conduira tous les deux vers leurs origines, comme vous le découvrirez. L'auteur nous fait naviguer entre deux eaux, à la frontière du monde réel et d'un monde de contes oniriques. J'ai retrouvé ici le plaisir que me procurent les personnages de
Yoko Ogawa, mais avec un coté poétique nettement plus accentué.
Les paragraphes sont courts, les mots sont évocateurs. Je regrette de ne pas avoir tenté l'expérience d'une lecture à haute voix; le texte le mériterait, je pense.
Me revoilà une fois de plus fier d'être belge, et pour une double raison: d'une part, la Belgique est la patrie d'écrivains extrêmement talentueux, comme
Luc Devreese, mais aussi la patrie de la maison d'édition Weyrich, que j'ai déjà plusieurs fois évoquée, dont le catalogue me surprend chaque jour davantage et que je remercie très chaleureusement de m'avoir permis de découvrir
Luc Devreese, dans le cadre d'une opération Masse critique de Babelio ! Donc bref, c'est bon puisque c'est belge, régalez-vous !