Le récit se présente sous la forme d'un collage à l'esthétique pop. La trame s'appuie sur le conte de Grimm ‘' Blanche Neige'' tout en tissant sous la forme d'incrustations des motifs empruntés à la culture populaire : d'autres contes ( Barbe Bleu, Peau d'Ane, le Petit chaperon rouge, la Petite chèvre de M Séguin, la Belle au bois dormant..) , des chansons de la variété française ( Chanter en travaillant, J ‘ai demandé à la lune...), des détournement de la musique classique (
Franz Schubert ou chou ber..) et d'éléments de la biographie d'écrivain (
Franz Grillparzer,
Proust ). de l'ensemble jaillit une pop philosophie qui interroge les consciences sur l'état du monde et son devenir.
La fiction cherche à dessiller les yeux du lecteur à l'exemple de ceux de Blanche neige « qui grandit chaque jour comme une asperge » au fur et à mesure que la passion amoureuse se dissipe et que sa conscience du réel se développe .
La fiction croise le genre , l'intime et le politique.
Elle dénonce le mariage - celui du ‘'prince charmant protecteur'' et de ‘'la princesse endormie complice''- qui réifie les femmes en les assignant aux rôles de servantes domestiques et sexuelles ( ‘'Tout à commencer le jour qui a suivi vos noces'') . Au nom de l'amour les femmes sont enfermées ( Blanche neige par le Prince , les femmes de Barbe bleue, la chèvre de M. Seghin) et glissent dans la léthargie voire la mort ( Blanche Neige roupille de plus en plus, Barbe Bleu assassine ses femmes, la Chèvre de M Seghin est dévorée par le loup..) . Elles sont dépossédées de leur corps par les mâles ( la chanson paillarde ‘'il etait une fillette'' ; la sérénade de
Franz Grillparzer et de Franz Shubert: « Ne dors pas quand la voix du désir parle » ; « çà traverse les esprits affamés et gourmands, les petites servantes comme ça » . « tu sais ce qu'on réserve aux délurées de ton genre, on les tond »).
Elle dénonce la mauvaise foi ‘'des princes'' qui rejettent sur leurs épouses la responsabilité des guerres et des pillages ( ‘' il faut bien nourrir tout ce monde'') et la mauvaise foi des Princesses qui encouragent les guerres en demandant à être gâtées ( « Ne m'aimez vous plus assez pour chasse-cueillir comme vous le faisiez? »).
Elle dénonce la cupidité , l'avidité sans fond ( « nous avons si faim d'avoir été si gourmands ») et la soif du pouvoir ( représentés par le Prince ) qui font le lit du capitalisme sauvage ( représenté par les nains qui excavent sans relâche le royaume et épuisent ainsi la faune et la flore au seul profit du Prince) .
Elle dénonce la mondialisation ( représentée par le plouc provincial M Seghin qui séduit Blanche Neige lors de son séjour en cure thermale) dont les effets s'immiscent jusque dans la vie privée des individus ( représentés ici par la trahison de l'adultère)
La fiction dénonce l'incapacité humaine à initier un changement systémique dans les relations de classe et de genre . ‘'Tout change pour que rien ne change ‘' :
• La victoire de la révolte des dominés ( représentés dans le récit par les nains , la servante et Blanche Neige ) sur les dominants ( représentés dans le récit par le Prince) se solde par une inversion des positions dominant- dominé ( représentée par le Prince chassé et la Servante persécutée devenue chasseur) .
• le dominé continue d'emprunter à la figure féminine ( représentée par le Prince déchu qui mesure sa séduction en consultant son miroir ).Le premier et le deuxième sexe ne font qu'échanger leurs genres et symboliquement , pérennisent l'alternative pouvoir -seduction et la loi du dominant sur le dominé
En croquant la pomme, Blanche Neige croyait choisir « sauver la terre et les nains » contre « sauver le prince et l'amour éternel » , au final elle n'aura fait qu'un simple ‘' Échec et Mat'' .
Le Roi est mort, vive la Reine !
la fiction prédit des lendemains qui se ressemblent.
Dans un texte drôle et petit de 60 pages , Beaucoup d'ambitions accessibles à un public averti.