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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le Ventre de l'Atlantique c'est l'île de Niodior, île sénégalaise dans la région du Sine-Saloum. Sur ce morceau de terre battu par les marées les quelques habitants vivent essentiellement de pêche, d'agriculture vivrière et de rêves. Rêves d'évasion, rêves de richesse, rêves de sportifs adulés, tout les portes vers la France. Il reste à Niodior "une sorte de colonisation mentale". "À leurs yeux, tout ce qui est enviable vient de France."

L'héroïne, enfant illégitime, a fini par s'exiler et vit en France. Ce choix ne s'est pas fait de gaieté de coeur et elle ne vit que pour sa passion de l'écriture et pour son demi-frère Madické. Fatou Diome réussit à nous faire emprunter sa souffrance, sa double appartenance, elle est partout chez elle mais ne se sent nulle part légitime, Noire en France, égoïste et individualiste dans son village natal.

Madické est trop jeune pour comprendre et dédie tout son temps libre à sa passion, le football. Admirateur du joueur de la Squadra Azzurra Maldini, qu'il rêve de rencontrer une jour, il n'a d'yeux que pour la France et son équipe nationale composée de nombreux joueurs sénégalais. Lui et ses jeunes compagnons de jeu n'ont qu'un voeu : partir pour la France et y faire fortune. Les rares exilés rentrés avec succès au bercail, les poches pleines et la bouche conteuse, les poussent en ce sens.

Mais où est la vérité dans ce jeu de dupes ? Les hommes rentrés au village racontent-ils vraiment la façon dont la France, pays des Droits de l'Homme les a accueillis ? La vie en France est-elle aussi facile qu'il y semble ?
La soeur de Madické, elle, sait que le racisme y est toujours vivace, que le chômage y est bien présent et que, sans papiers et sans qualifications, la course à l'emploi est une chasse au trésor qui mène le plus souvent au poste de police. Après un petit séjour en cellule on vous remet finalement votre trésor, "une IQF, une invitation à quitter la France". Elle sait aussi que, "Blottis sous les ponts ou dans les dédales du métro, les SDF doivent parfois rêver d'une cabane en Afrique."

Aidée de Ndétare, l'instituteur du village qui tente sans repos de raisonner les jeunes de l'île, elle fait tout son possible pour que son petit frère adoré ne se trompe pas de chemin. Mais comment faire entendre raison à des enfants innocents ? Comment affronter son frère, ce jeune homme prêt à sortir ses griffes si on l'empêche de suivre son destin ?

C'est ainsi que Fatou Diome, utilisant adroitement sa propre expérience, aborde les différents problèmes liés à l'émigration et à l'immigration, sans langue de bois, sans épargner personne. D'une franchise absolue et avec beaucoup d'humour, elle dénonce aussi bien les indélicatesses de la France et son racisme perfide, que le poids du devoir qui accompagne la vie sur son île, une vie âpre et dédiée au partage. En comparaison, la vie occidentale et sa culture de l'individu libère des contraintes de la communauté mais en contrepartie confronte à "l'Ultra Moderne Solitude".

Le style de Fatou Diome est très abordable et sans fioritures, il a seulement manqué pour moi de fluidité et de constance : il est à la fois truffé de magnifiques perles telles :

"Pêcheur de fortune, il se sentait pris dans les filets du destin. Son horizon se liquéfiait sous ce longs cils noirs."

"Seul, face à l'eau, il dérivait comme une barque vers la mer noire de ses souvenirs."

"Sur ce coin de la Terre, sur chaque bouche de femme est posée une main d'homme."

"Le sentiment d'appartenance est une conviction intime qui va de soi ; l'imposer à quelqu'un, c'est nier son aptitude à se définir librement."

mais aussi de longueurs, entre autres sur le football qui occupe une grande place dans le roman. Non pas que je déteste ce sport (faux !), mais le résumé de la finale de la Coupe d'Europe France/Italie 2000 ne fût pas vraiment une sinécure pour moi... J'ai noté toutefois que c'était l'occasion pour Fatou Diome de dénoncer un marché juteux et une belle hypocrisie comme le recrutement de jeunes joueurs étrangers à qui on promet monts et merveilles mais qu'on renvoie sans scrupules et sans ballons dans leur pays d'origine s'ils ne tiennent pas leurs promesses. La peau noire est acceptable à condition de faire honneur au pays mais gare au faux pas ou de fabuleux français, vous redevenez juste Noir.

Bref, un bon premier roman avec de très belles choses et quelques longueurs qui me font baisser la note, mais "C'est un beau roman, c'est une belle histoire" et j'en recommande la lecture.

Je remercie chaleureusement mon ami aouatef79 qui m'a fait découvrir cette auteure vers laquelle je reviendrai sans hésitation.
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Entre la France et le Sénégal, il y a l'Atlantique, qui charrie d'une rive à l'autre les rêves d'Eldorado des uns, et les regrets, la honte ou la nostalgie des autres.

Dans le sens sud-nord, Madické, comme beaucoup de jeunes hommes de son âge, se voit en future vedette du ballon rond arpentant les stades de France, et compte sur sa soeur Salie, installée à Strasbourg depuis plusieurs années, pour le faire venir sur cette Terre Promise. Une ambition légitime, claire et nette, et une conviction absolue que l'avenir est en Europe.

Dans le sens nord-sud, la situation est beaucoup plus complexe pour Salie qui, comme beaucoup d'émigrés, vit chichement, solitaire, et voudrait convaincre son frère que la France n'est pas le paradis qu'il s'imagine : « Pour Madické, vivre dans un pays développé représentait en soi un avantage démesuré que j'avais par rapport à lui, lui qui profitait de sa famille et du soleil sous les tropiques. Comment aurais-je pu lui faire comprendre la solitude de l'exil, mon combat pour la survie et l'état d'alerte permanent où me gardaient mes études ? N'étais-je pas la feignante qui avait choisi l'éden européen et qui jouait à l'éternelle écolière à un âge où la plupart de mes camarades d'enfance cultivaient leur lopin de terre et nourrissaient leur progéniture ? Absente et inutile à leur quotidien, à quoi pouvais-je servir, sinon à leur transvaser, de temps en temps, un peu de ce nectar qu'ils supposaient étancher ma soif en France ». Peine perdue, le nectar est amer pour Salie et la légende est entretenue par les exilés qui rentrent au pays en étalant leur fortune de pacotille, autant de poudre d'or jetée aux yeux de ceux qui ne demandent qu'à les croire. Tout, plutôt qu'avouer la précarité économique, voire administrative, vécue en France, et le temps fou mis pour économiser le prix du billet d'avion et celui des innombrables cadeaux à ramener obligatoirement au pays, sous peine de se faire traiter de radin, d'égoïste ou d'individualiste.

« Le ventre de l'Atlantique » montre donc l'océan d'incompréhension qui advient entre ceux qui partent et ceux qui restent, ceux qui échouent en exil sans oser l'avouer ou même rentrer au pays, et ceux du pays, impatients de partir, persuadés de réussir dans cet Ailleurs où l'herbe (surtout celle des terrains de foot) est nécessairement plus verte.

Roman de l'amère réalité de l'émigration, « Le ventre de l'Atlantique » est aussi le roman de la nostalgie du déracinement et de l'impossible retour au « comme avant » : « Irrésistible, l'envie de remonter à la source, car il est rassurant de penser que la vie reste plus facile à saisir là où elle enfonce ses racines. Pourtant, revenir équivaut pour moi à partir. Je vais chez moi comme on va à l'étranger, car je suis devenue l'autre pour ceux que je continue à appeler les miens. Je ne sais plus quel sens donner à l'effervescence que suscite mon arrivée. Ces gens qui s'attroupent autour de moi viennent-ils fêter une des leurs, me soutirer quelques billets, s'instruire sur l'ailleurs qui les intrigue, ou sont-ils simplement là pour observer et juger la bête curieuse que je suis peut-être devenue à leurs yeux ? »

Dans son premier roman (autobiographique), Fatou Diome n'épargne ni l'Occident, qui exploite les travailleurs migrants, ni l'Afrique, qui ne fait rien pour faire évoluer les esprits et améliorer le sort des plus précarisés : « Faites émigrer de vos têtes certaines habitudes bien ancrées qui vous chevillent à un mode de vie révolu. La polygamie, la profusion d'enfants, tout cela constitue le terreau fertile du sous-développement. Nul besoin de faire des mathématiques supérieures pour comprendre que plus il y a de gens, moins grande sera la part de pain à partager ».

Un roman à l'écriture fleurie et chatoyante, ample et lucide, mais dans lequel l'espoir de trouver le chemin de la liberté reste permis.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Renaud l'avait dit :
C'est pas l'homme qui prend la mer
C'est la mer qui prend l'homme
Fatou Diome nous le chante mille fois mieux : la mer, celle dont on prend ses enfants les poissons, et qui se venge en prenant les hommes, celle dont le ventre recueille les morts et fait vivre les pêcheurs, celle qui berce les palmiers et adopte les racines des palétuviers, celle qui gronde parfois et se gonfle, la mer/mère /ventre de l ‘Atlantique, me paraît le principal protagoniste du roman.
Elle représente, cette mère, la tradition basée sur la nécessité d'accueillir l'autre en son sein, sur l'amour bienveillant des grand mères, sur des dictons (parfois antédiluviens), et aussi tout le carcan des traditions patriarcales: la mise au monde d'un enfant hors mariage, le retour d'un immigré qui devrait rapporter richesses et honneurs, et qui n'ose pas dire ses espoirs déçus, son vécu illégal dans un bateau français,(en Atlantique Nord) sa prison, son rapatriement honteux, sa déchéance, enfin, l'amour non accepté par le père, l'amitié entre deux hommes jugée honteuse, tout cela est rejeté dans les flots.

La marée montait, dit l'auteur en s'exprimant par vagues répétées. La marée montait comme la rumeur, comme les mauvaises pensées, comme la tradition fixiste, intolérante, cette marée qui charrie la boue, jointe à la brise nauséabonde.
La marée monta.
Et emporta dans son ventre amer celui qui déçoit le village.

L'ile de Niodior , au large du Sénégal, ressemble, effectivement, à un petit ventre, entouré par les deux bras de l'Atlantique.
Fatou Diome tisse les rêves de son frère avec sa réalité à elle, et pour cela, elle parle de son ile et d'elle même, pratiquement dans la même phrase. Puis elle détricote au fur et à mesure ces rêves de venir la rejoindre, elle dont la subsistance dépend du nombre de serpillères qu'elle use, étant femme de ménage à Strasbourg et pas invitée par Louis XIV.

Elle épingle les faux espoirs des petits footballeurs du village, pensant tous devenir un Zidane. Elle épingle les footballeurs français complètement incultes et pourtant se croyant drôles. Elle épingle la polygamie, bien sûr, dangereuse par l'excédent de population pauvre alors que la terre et la mer ne sont pas extensibles. Elle épingle la fausse amitié européenne, parlant des négros dans leurs dos. …. Elle épingle les femmes de l'ile dont l'avenir est de se marier, d'enfanter des garçons, parce que les filles iront se marier ailleurs, à quoi ça sert de nourrir des bouches inutiles. Elle épingle la cupidité lorsqu'elle revient au pays, elle épingle les français portant bannière des sportifs africains, sans pour autant leur donner un statut fixe. Elle épingle le tourisme sexuel, venant « visiter des paysages de fesses noires, au lieu d'admirer le Lac rose, l'ile aux oiseaux, nos greniers vides et nos bidonvilles si pittoresques. »
Dans une langue chantante, digne de Youssou N'Dour, mettant toujours le doigt sur chaque faiblesse, et drôle aussi par son retour au plus important dans la vie : Cupidon, ou « lézard frétillant, » Fatou Diome nous parle de son ile natale, de l'appartenance, de la difficulté de faire racine dans un pays, pourquoi lui et pas celui de sa naissance ?

Choisit-on l'endroit où l'on nait ?
Choisit-on l'endroit où on veut vivre ? Ou n'est-on pas toujours trimballés entre les nostalgies et les envies de retour, l'amour du pays de sable blanc, et le désir de culture occidentale ? Comment choisir ? et d'ailleurs , est on obligés de choisir ?
La meilleure manière de parler de ce superbe livre, c'est de laisser la parole à l'auteur, dont le nombre de mes citations.
Petit bémol, les longues pages décrivant des matchs de foot, qui remplace le sport national, la lutte( Cf Aminata Sow Fall) et entraine des envies de s'expatrier basée sur des chimères de richesse.
Ne pas rester sur ce bémol, cette coquine de Fatou Diome nous pique souvent : devant les publicités de couple qui s'enlace devant une canette de Coca ( qui ne fera pourtant pas, dit-elle, pousser le Sahara) les enfants de Niodior se posent la question : qu'est-ce qu'il va lui faire ?
Réponse : « t'es idiot ou quoi ? il va la niquer ».
Allez, un verre de bissap, son arôme, son piquant, jus d'hibiscus délectable.
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Quand on lit la biographie de Fatou Diome, on ne peut que constater que sa vie ressemble grandement à celle de l'héroïne du Ventre de l'Atlantique. Une naissance que le Sénégal renie , l'obligeant à vivre avec sa grand mère, une passion très jeune pour le Français, une vie étudiante faite de débrouilles et un mariage qui l'envoie en France pour la laisser vite seule à Strasbourg.
Mais ce livre va bien au delà de l'histoire de l'écrivain. C'est avant tout la relation d'une expatriée avec ceux restés au pays. Ce sont les chimères qui se heurtent à la réalité , le rêve qui, au travers du crampon de quelques footballeurs, fait rêver l'Africain d'un monde meilleur où son talent pourra nourrir sa famille pour des décennies.
Salie vient de Niodior, une ile au sud du Sénégal.Une ile qui vit de la pêche en cette année 2000, où les femmes sont au service des hommes depuis qu'elles existent, où la religion musulmane a chassé les païens et les animistes . Une ile où plus on a d'enfants, plus on est respecté .Une île où un fonctionnaire puni par son gouvernement tente de tirer vers le haut des jeunes .
Parmi eux Madické, le frère de Salie , que tous appelle Maldini. Comme le footeux à la chevelure d'ange ? Lui même ce génial défenseur du Milan AC, Paolo le magnifique . C'est son idole à Madické , mais faut pas trop le dire parce que tous ses potes ne jurent que par l'équipe de France , ce pays où les plus chanceux de leurs frères rentrent dans les centres de formation , quitte à falsifier un peu leur année de naissance.

Madické rêve . Il a sous les yeux dans son ile l'éclatante réussite de quelques expatriés de retour. Sa sœur , son instit lui montrent la face caché de l'iceberg, le confrontent au racisme et aux difficultés de l'exil.
Ce livre , qui ne tombe jamais dans la dénonciation gratuite fait aussi la part belle à la culture sénégalaise, la cuisine, la musique , les marabouts, l'arbre à palabres et c'est un pur dépaysement de s'y plonger même si le sordide guette.
Une écriture poétique mais qui sait aussi appuyer là où cela fait mal, une histoire touchante dans un livre qui finalement est un assortiment de tranche de vie permettant à l'auteur d'atteindre son but.

Une petite parenthèse sur le foot. Certes , pour les non initiés, on peut y trouver quelques longueurs . cependant, dans le propos de l'auteur , cette double identification, cette coupe du Monde 2002 est historique pour le Sénégal . Sa victoire sur le France mais aussi son très beau parcours , la fierté de tout un peuple qui s'identifiait foobalistiquement aux "Bleus" me semble très pertinent ici.
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Une soeur aînée raconte sa vie en France et, en parallèle, celle de son frère resté sur une île sénégalaise. Bâtarde de la famille, différente des autres villageoises, elle est tout juste acceptée dans sa communauté et se sent étrangère en France. Son frère, lui, ne rêve que de football, a pris pour idole un joueur milanais et souhaite s'exiler en Europe à son tour. Sa soeur, aidée en cela par l'instituteur du village, tente de l'en dissuader. Y réussira-t-elle ? La fin du roman nous le dévoilera.
Ce petit livre traite pourtant de multiples sujets :
- la condition des femmes dans un pays où les hommes ont plusieurs épouses et où le but de celles-ci dans la vie est d'avoir beaucoup d'enfants ;
- la décolonisation dans les faits mais pas dans les coeurs et les esprits, la France étant encore le grand modèle, mi-aimé mi-détesté ;
- le racisme plus ou moins camouflé dont sont victimes les non-blancs en France ;
- l'exploitation de la crédulité de certaines par les marabouts ;
- l'espoir infondé mais entretenu par d'autres de faire fortune ailleurs sans chercher à la prospérité pour son propre pays.
Ce livre, par ailleurs plein d'humour et d'autodérision, est indispensable à l'étude de ce continent riche mais encore trop méconnu.
Merci aux bibliothécaires qui ont choisi le thème des écrivains africains pour le cercle des lectrices et lecteurs de ce semestre !
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Première publication de Fatou Diome, auteure d'origine sénégalaise.
Roman ? Pas certain, ce livre paraît très autobiographique. On perçoit le vécu des situations, des conversations. Une vérité qui ne peut que nous interpeller.
Salie, enfant illégitime d'origine sénégalaise vit en France, où elle est auteure. Toute les siens, son frère notamment sont restés en Afrique. Elle représente à leurs yeux la réussite, l'argent, le bonheur...
Beaucoup aspirent à la rejoindre et à quitter au plus vite l'île de Niodior où ils vivent, où Fatou Diome est née
Madické, son frère rêve de devenir footballeur, de jouer dans une grande équipe française. Tant de grands joueurs européens sont d'origine sénégalaise. On les voit régulièrement à la télé à l'occasion de cette Coupe du Monde. Maldini est son héros. Alors Madické s'entraîne avec un ballon fait de chiffons sur le terrain de foot défoncé.
Moussa, quant à lui, a osé partir, a pu se faire recruter par un petit club français. Il faut un début à tout. C'est certain, bientôt on parlera de lui, bientôt il sera célèbre, adulé des foules et surtout riche. de France il pourra tous les mois envoyer de l'argent à sa famille, qui pourra sortir du village, bien vivre...Moussa est un de ces jeunes, dont la famille s'endette pour payer un passeur qui a fait miroiter un succès certain, l'argent facile...Mais Moussa déchantera. Je ne raconterai pas son drame, et par ricochet celui de sa famille qui devra rembourser les frais engagés pour que Moussa rejoigne la France...les passeur s'enrichissent sur le dos de leurs concitoyens. Beaux parleurs, ils savent trouver les gogos.
Oui mais Madické réussira, c'est certain, il en est convaincu. Il veut partir, il veut que sa soeur l'aide. Elle vit en France, elle est donc riche.
Roman a deux voix.
Celle de Madické qui conte ses aspirations, ses certitudes, ses espoirs, né des clichés qui tournent en boucle dans sa tête, dans ses conversations : l'opulence, le succès garanti, l'argent, la famille qui va mieux vivre, s'acheter une épicerie, grâce aux virements venus de France...
Madické qui voit dans tout expatrié -dont sa soeur- la personne qui vit dans le bonheur, dans le luxe. Ce qui ne manque pas de créer quelques frictions.
Au diable les réalités, les réalités vécues par tout sénégalais arrivant en France, réalités vécues par Salie, sa soeur. Pourtant certains tentent de les dissuader de partir, mais leur voix a peu de succès. Réalités qu'elle lui rappelle. A nous aussi.
Réalités qui ne manquent pas de déranger le lecteur car elles mettent en évidence l'image de la France à l'étranger, une image souvent faite de clichés et les travers de notre société...les français peuvent se rendre sans aucune formalité aux Sénégal qui les accueillera pour y passer des vacances, mais tout sénégalais désirant se rendre en France devra obtenir un visa... Réalité des comportements de ces clubs de foot, y compris de deuxième division, qui trouvent dans ces joueurs africains des hommes prêts à tous les sacrifices pour briller un peu, des hommes kleenex qu'on peut facilement acheter sur un marché très achalandé, celui des joueurs, puis jeter en fin de saison si le succès n'est pas au rendez-vous. Réalité du racisme. Dérangeant
Réalité de ces africains qui aident leur famille restée au pays, mais aussi de cette culture africaine qui met de côté les filles, de l'emprise de la religion...
Dures réalités de l'exilé, de sa vie difficile, des africains vivant en France, du regard des français, de leur faible considération pour ces étrangers. Ce n'est pas l'exil de ses hommes et femmes qui permettra au Sénégal et aux pays africains de sortir du marasme.
Mais les certitudes ont la vie dure.
Ce n'est plus du roman, c'est en cela que c'est perturbant.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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F. Diome raconte les difficultés rencontrées par les Africains en France, mais aussi celles qu'ils connaissent lorsqu'ils reviennent chez eux. La famille, les amis restés au pays les imaginent riches et heureux en Europe, et beaucoup n'osent pas leur raconter leur vie si dure, faite de petits boulots, de frustrations et de brimades policières et/ou racistes. Fatou essaye de dissuader son frère de quitter le Sénégal, lui qui ne rêve que de devenir un grand footballeur en France ou en Italie, comme Maldini. Aller en Europe, pour beaucoup, cela signifie travailler et gagner de l'argent, mais Fatou est incomprise par les siens, car elle, elle est partie pour étudier, et surtout pour être libre.
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Niodior, est une localité sénégalaise située sur une petite île. Madické, le jeune demi-frère de la narratrice y vit encore, alors que cette dernière a émigré en France depuis plusieurs années.
Le roman est traversé par les nombreuses communications téléphoniques entre le frère et la soeur, dont l'objet est invariablement les performances de Maldini, le joueur de foot italien dont Madické est un grand fan. Pour les jeunes de l'île, le football est érigé en religion. Il représente également une opportunité pour quitter le Sénégal et rejoindre l'Europe. Se faire remarquer par un entraîneur, c'est la seule possibilité entrevue par cette jeunesse pour quitter un pays natal, trop pauvre pour y voir son avenir assuré.
Les récits enjolivés des quelques villageois ayant vécu en Europe contribuent à alimenter les rêves des adolescents. Expurgés de toute réalité, ils laissent penser que la vie en France est aisée, que chacun évolue dans un environnement de confort, qu'au bout de l'exil se trouve l'abondance.
Malgré les conseils de Ndétare l'instituteur, les expériences douloureuses de certains, les incantations de sa soeur, Madické supplie cette dernière de lui envoyer le prix d'un aller simple vers la France. Comment lui faire entendre que tout n'est que mirage ? Qu'au bout de l'exil se trouve une autre forme de misère, le risque de la détention, de l'expulsion ?
Chaque appel est l'occasion pour la jeune femme de se remémorer son enfance, la vie au village, le sort fait aux enfants nés hors-mariage, le poids de la tradition. A travers les histoires de Sankèle la rebelle ; de Moussa, le footballeur exploité ; ou de l'homme de Barbès, elle brosse le portrait de personnages qui incarnent l'Afrique et ses tensions. Des jeunes filles qui pèsent aux familles car il faut les doter, des espoirs déçus, des projets d'immigration qui résonnent comme des échecs et laissent les hommes humiliés ou contraints de mentir sur ce qu'ils ont réellement vécu.
Est également développée une réflexion sans concession sur le racisme, la soumission attendue par les anciens colons, les africains sont à peine tolérés même lorsqu'ils ont un emploi, leur couleur de peau toujours les condamnera à l'exclusion. L'exil a un coût, la nostalgie et la culpabilité sont le quotidien de la narratrice pour qui le départ s'est imposé mais qui ne se sent nulle part à sa place.
La structuration du récit est originale, la temporalité reposant sur les différents tournois de foot. Que dire du style ? Ample, foisonnant, imagé et odorant, maîtrisé tant dans l'émotion que dans l'ironie et l'humour.
Très belle découverte.
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"Chaque miette de vie doit servir à conquérir la dignité." Fatou Diome, enfant illégitime, a émigré à Strasbourg. Rejetée par sa communauté qui vit au Sénégal sur une petite île de l'Atlantique, elle prend sa revanche en réussissant dans ses études ( elle est en doctorat de Lettres modernes ) et par l'exil en France. "Le départ est le seul horizon offert à ceux qui cherchent les mille écrins où le destin cache les solutions de ses mille erreurs ". Elle essaie de dissuader son jeune frère qui poursuit la chimère de devenir champion de football, de l'imiter.
Elle a beaucoup de peine à faire admettre la face cachée de l'immigration à tous ceux qui sont fascinés par le mythe de l'Eldorado français. Elle a l'honnêteté de dire ce que chacun pense: " le RMI. Tu passes la journée à bailler devant la télé et on te file le revenu maximum d'un ingénieur de chez nous". Ou bien au sujet des allocations familiales: "Chaque nuit d'amour est un investissement ."
Le livre vaut surtout par la description bienveillante et réaliste de la micro-société dont elle est issue. Elle ne cache aucun des handicaps de l'Afrique: la natalité galopante, la mentalité d'assisté, la fascination malsaine pour l'eldorado français ainsi que le poids des traditions avec la lamentable condition des femmes. Mais même cela, elle le présente avec légèreté, élégance: "Sur chaque bouche de femme est posée une main d'homme". On tue les filles illégitimes ou surnuméraires à la naissance, on les noie dans l'Océan? Elle dit: "Ils transforment les bébés noyés en dauphins et les adoptent ..."
Le récit est très agréable à lire, bien écrit, chaleureux et émaillé de jolies trouvailles poétiques du genre: "Des graines d'espoir attendaient de germer pour faire sourire la terre..."
"Le bruit d'un coeur qui bat couvre toutes les sirènes de la morale ..."
"Les vagues peuvent toujours frapper, elles ne feront qu'affuter le rocher ..."
Il faut savoir tisser le vent pour tresser une laisse aux mots ..."
Seul léger reproche: une trop grande place accordée à la description de matchs de football .
Un beau livre sur l'Afrique éternelle et chaleureuse .
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Dans l'ensemble, j'ai bien aimé ce livre car il aborde le sujet de l'émigration et ses difficultés avec une touche d'humour dans certaines situations.
L'écriture de l'auteure est très plaisante car elle est très sincère et se lit sans effort car on est vite porté par l'histoire, et j'ai bien aimé les expressions et métaphores qu'elle a utilisées car elles donnent un aspect poétique au roman.
de plus, les personnages sont attachants et l'histoire émouvante et intéressante : elle montre l'émigration d'une manière peu commune car on a deux points de vue vis à vis de la situation. Celui de l'émigrée qui se bat pour survivre et s'intégrer et celui du garçon resté en Afrique qui rêve de se rendre en France, qu'il idéalise.

Par ailleurs, certains détails m'ont moins plu. Dans un premier temps, lorsque j'ai commencé ce roman, j'ai eu du mal à me plonger dans l'histoire car on reçoit beaucoup d'informations dès les premières pages et toutes les assimiler est compliqué. J'ai donc mis du temps à bien me représenter les personnages et le contexte.
Ensuite, certains passages étaient, je pense, trop développés et donc rapidement lassants, comme les descriptions de matchs de football.

Pour conclure, ce livre m'a beaucoup plu et je le recommande car il m'a donné une vision plus réaliste de l'émigration et de la France.
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