Salie, émigrée de Niodior, une île du Sénégal, à Strasbourg, n'a guère de nouvelles de sa famille que très indirectement, par son demi-frère Madické, qui attend d'elle les comptes-rendus des matchs du joueur Maldini, auquel il s'identifie. Car Madické rêve de l'Europe, notamment de la France, apprend le français dans l'espoir d'intégrer une équipe, connaître l'argent et la gloire tandis qu'il sait qu'il ne récoltera dans son île que la misère.
Salie sait bien, et d'autres émigrés savent bien, que la fortune pour soi et la famille n'est pas toujours au rendez-vous ; on le tait car la doxa est qu'en France, même quand on n'a pas de travail, on a des revenus princiers, et qu'il faut vraiment être le roi des bons-à-rien pour n'en pas revenir richissime... Or, dans le roman, les témoignages d'échecs, connus ou secrets, sont plus que légion. Comment expliquer à Madické qu'elle a pu gagner sa place en France pour n'avoir jamais eu de vraie place, elle, la fille, l'illégitime, à Niodior ? pour avoir été dès le début passionnée par les mots français et la connaissance, pour eux-mêmes ?
Un beau roman, d'autofiction (ce qu'elle dit du prénom des filles aînées des familles musulmanes trahit l'auteur), hymne aux origines africaines, pamphlet sur les illusions des pauvres et le cynisme des riches, texte mettant en valeur toute l'ambivalence d'une vie communautariste, texte féministe aussi... Moi, fille et petite-fille de l'immigration, j'ai aimé ce récit au-delà de ce que je croyais possible. Certaines images, notamment celles qui sont utilisées pour décrire les matches de foot (exercice stylistique périlleux), ne sont pas toujours convaincantes, mais il y en a d'autres qui rachètent bien tout cela !...
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