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Avril 1994 – avril 2024
Je suis très perturbée par le génocide rwandais. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas l'hystérie meurtrière qui s'est emparé de ce « Petit pays ». Je ne comprends la froideur, l'insensibilité de la communauté internationale face à ce qui se déroulait sous ses yeux. ( On pourrait transposer aujourd'hui avec ce qui se passe au moment même où j'écris dans la plaine de Gaza). J'ai honte de la posture de la France dans cette Histoire sordide (Il faudra bien que la vérité soit faite sur ses responsabilités n'en déplaise à Hubert Védrine)…
En cette date anniversaire, je tenais donc absolument à lire, à nouveau, sur le Rwanda et j'ai jeté mon dévolu, en hésitant je l'admets, sur ce roman de Boubacar Boris Diop.
Grand bien m'a pris. Il est d'une pudeur, d'une justesse, d'une empathie exceptionnelle.
Auteur sénégalais, Boubacar Boris Diop a été invité au Rwanda en 1998 avec d'autres auteurs en résidence d'artistes. le projet : « Rwanda : Ecrire par devoir de mémoire ».
Quatre ans après le terrifiant génocide des Tutsis par les Hutus, ils vont se rendre sur les lieux des tueries de masse, les charniers, entendre des rescapés raconter leur histoire individuelle, entendre des génocidaires.
Je ne sais pas ce que les autres ont écrit mais je suis certaine d'avoir été touchée au coeur par le récit construit par l'auteur dans lequel il prête sa voix à des rescapés, certains qui ne surmontent pas leur traumatisme, d'autres qui ont du mal à maîtriser leur colère, d'autres encore qui n'assument pas d'avoir survécu, d'autres enfin, plus rares qui veulent dépasser la dévastation de 94 pour reconstruire…
Les voix de bourreaux sont celle d'un exécutant, chef d'un groupe de terribles « Interahamwe » ou celle, glaçante, d'un maître d'oeuvre comme le bon docteur, responsable de l'exécution de Murambi, une école technique dans laquelle 45 000 Tutsis pensaient avoir trouvé un refuge.

« Et moi, colonel Perrin ? Regardez mes mains. Croyez-vous que j'aie déjà tenu une machette ? Je suis un pauvre petit chirurgien. Je sauve des vies ! Je n'ai jamais versé une goutte de sang, moi non plus. »

Le fil est déroulé autour du retour en 1998 de Cornélius au Rwanda après de longues années d'exil à Djibouti. Il est accueilli par ses deux amis d'enfance Jessica et Stanley car de sa famille, il ne reste qu'un vieil oncle. le pays qu'il retrouve est le même, pas de destructions, pas de bâtiments abattus et pourtant.

C'est sur les traces de cette famille qu'il va remonter jusqu'à arriver à Murambi, devenu un centre de commémoration du génocide peut-être parce que les charniers ont recraché des corps momifiés par la terre argileuse.
Il devra faire face à une terrible vérité et c'est avec son oncle, le sage Siméon, qu'il essaiera de comprendre la folie qui pendant 100 jours, a saisi son pays dans la plus grande indifférence internationale.
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Une enquête, un témoignage, un devoir de mémoire, un roman. le livre des ossements c'est tout cela à la fois. C'est surtout des visages, des vies, des noms. Massacrés, génocidés, exilés, traumatisés. 1994, cent jours, un océan de sang, de terreurs , 800 000 tutsis furent massacrés. Les mots de Boubacar Boris Diop nous placent aux côtés de ces visages, de ces noms. Retraçant avec clarté l'histoire qui mena à cette boucherie, éclairant les faits tels qui furent vécus à travers des témoignages recueillis auprès des victimes, faisant apparaître la pluralité d'un peuple, soulignant la responsabilité de la colonisation et des relations post- coloniales qui en suivirent, l'auteur nous transmet une mémoire forte, puissante, où l'humanité ne disparaît jamais.
L'auteur n'a pas trahi leurs souffrances.

Astrid Shriqui Garain
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Un livre à la fois « divertissant » (entre guillemets vu le sujet) et éducatif. le fait d'avoir des points de vu différents par des personnages différents permet de revoir et comprendre tout le prisme de ce génocide. Il est tout de même important de mentionner les descriptions très précise de scène de tueries, ce qui plonge dans la violence du génocide mais est aussi dur à lire.
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De toute évidence j'ai pas tout compris, mais qui peut le prétendre. L'auteur ne le prétend pas non plus. C'est un magnifique voyage philosophique, triste, brutal mais avec tinté d'espoir. Les dernières phrases du roman valent de l'or et ce ne sont pas les seules.
Points négatifs : 1. la quatrième de couverture, je m'attendais à un policier, mais connaissant maintenant un peu l'oeuvre de Diop je comprends et j'y retournerais avec des intentions différentes. 2. La construction du roman au début, j'ai eu peur de me perdre dans tout les personnages. Mais quand on comprend (assez vite) l'intérêt de ses passages dans le passé cela n'a plus d'importance. Finalement c'est un énorme plus.
Point positif : 1. L''enquêtes qui est plus un chemin de connaissance qui ne prétend pas avoir de résolution mais proposer des réflexions. Je pourrait m'arrêter là pour les ponts positif tant ce seul ponts est le coeur, l'intérêt et la force du roman. 2. le positionnement, accusateur sans jamais que cela ne tourne au pujilat. le but est de comprendre et d'accuser. Ça paraît contradictoire, c'est toute la subtilité.
Je vais m'arrêter la, je pourrait en dire plus mais décortiquer un roman comme celui ci ne servirait à rien. Il faut le lire, p-e ne pas l'aimer. C'est pour ça que je ne lui met pas plus : difficile d'être complètement toucher par ce qui semble si lointain. le livre n'est d'ailleurs pas construit comme une histoire faite pour toucher à tout prix. Mais sans aucun doute je relirais un Boris Diop

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Parce qu'à 19 ans, on reste traumatisé par le fait qu'un génocide puisse encore se passer sans que personne ne bouge le petit doigt, qu'il a même été si ce n'est encouragé, tout du moins laissé faire voire préparé par une grande force internationale de l'époque, bref, notre propre pays.
Parce qu'aujourd'hui encore, je ne comprends toujours pas pourquoi rien n'a été fait, pourquoi on a laissé une population tuer quasiment 1 million de personnes en 3 mois, parce que ça m'effraie qu'après le plus jamais ça du génocide juif par les nazis, une telle chose se reproduise même pas 50 ans plus tard, parce que j'ai peur de ce que ça implique comme état d'esprit sur l'importance d'une vie africaine par rapport à la notre et que cela ne me rassure pas sur la nature humaine face aux intérêts financiers et de pouvoir, j'essaie depuis cette date de trouver des explications.
Je lis tout ce que je peux sur ce génocide, des auteurs africains, européens, des essaies, des témoignages, des hommes politiques, des militaires qui ont fait parti de l'opération Turquoise, des survivants et des génocidaires mais ma conclusion est toujours celle-ci: l'être humain est incroyablement cruel et cynique.
Comme cette conclusion ne me convient pas (éternelle optimiste je suppose), je continue de lire et je tombe sur ce livre plus que nécessaire, magnifique, horrible par certains passages mais si réalistes.
L'auteur nous dépeint toute la mesure de ce génocide grâce à des portraits de personnages qui ont tous eu un rôle proche ou lointain de cette tragédie, l'ont vécu différemment selon leur bord, et forcément le racontent aussi différemment.
C'est un coup de poing dans le plexus, prenez votre respiration et allez-y.
Un livre nécessaire!
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Deux lectures de "Murambi, le livre des ossements" à quelques années d'intervalle après avoir retrouvé ce livre dans ma bibliothèque.
J'ai parfois eu des difficultés à suivre les personnages mais je n'ai jamais renoncé et je garde finalement le même goût abrupt après cette lecture: comment est-ce possible? La nature humaine, capable du plus beau comme de l'horreur absolu..
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Deuxième lecture! Toujours même plaisir. J'avais lu "La mort ne veut plus de moi" de Yolande Mukagasana, un autre terrible livre sur le génocide rwandais. La simplicité avec laquelle on dit la violence fait que chaque mot te touche directement en plein coeur. On réalise alors que Rwanda n'est pas si loin de nous.


Lien : http://tatobook.blogspot.com
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Je suis née en 1994 et je savais qu'il y avait eu un génocide au Rwanda mais je n'en savais guère plus. Ce livre m'a éduquée et ouvert les yeux. Je suis choquée du rôle immense que la France a joué dans ce massacre. Ce roman permet de rendre hommage à toutes ses victimes qui n'ont jamais eu de pardon. Il doit être lu par les jeunes générations !
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Le mot "génocide" a un sens.
Le même sens que dans herbicide, insecticide... Il s'agit d'éradiquer, d'anéantir, de faire disparaître de la surface de la Terre.
Sauf que dans "génocide", il s'agit d'êtres humains.
Boubacar Boris Diop leur donne un visage : roman choral où s'expriment, par bonds chronologiques, l'endeuillé, le rescapé, le mis-à-l'abri, la combattante ; mais aussi le génocidaire.
Ainsi que l'officier français qui a armé, ou encouragé, ou laissé faire.
Il n'est pas dans l'allusion, Diop : il livre une description crue des massacres et des cadavres.
Il donne la mesure de l'énormité du crime : dix mille morts par jour, pendant cent jours ; un million de personnes. En trois mois.
Dans sa postface de 2011, il se pose "la lancinante question de la légitimité d'une mise en fiction du génocide", comment il a cherché à "faire ressentir au lecteur le choc et l'effarement de la découverte d'une horreur défiant l'imagination".
Mais il parle également de "la capacité de résilience d'un pays assez confiant en lui-même pour abolir le 25 juillet 2007 la peine de mort."
Résilience incarnée par ses personnages, de retour à Murambi des années après.
Je ne sais pas quoi penser de ce livre : oui, bien sûr, il est important. Mais, lu après "Petit pays" et "Tous tes enfants dispersés", il m'a semblé moins puissant. J'ai été gênée, justement, par les procédés littéraires : sauts dans le temps, polyphonie (je n'ose pas dire "tout ce qui est tendance", mais...)
Je le comparerais à "Nuit et brouillard" : en évitant systématiquement le mot Juif (ce qui lui a été reproché), Alain Resnais donne au génocide une dimension universelle ; il fait de nous tous et toutes, des victimes potentielles. Il dépasse le "c'étaient des Juifs, c'était pendant la guerre..."
Dimension que, pour ma part, je n'ai pas retrouvée dans ce roman.
Je l'ai trouvé trop court, peut-être.
Les racines du mal (au sens que lui donne Hannah Arendt) sont davantage explicitées dans la postface, notamment le poids écrasant du passé colonial et le rôle déshonorant des autorités françaises.
Bref, lisez-le et faites-vous votre propre opinion.
Challenge Globe-Trotter (Sénégal)
LC thématique de juin 2022 : "Titres à rallonge"
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Les ossements du titre, ce sont ceux de tous les Tutsi massacrés pendant le génocide perpétré par les Hutu, ossements laissés à la vue de tous dans un bâtiment mausolée, à Murambi, symbole du génocide en ce que, dans son école technique, 45 000 Tutsi furent tués, alors qu'ils avaient été envoyés dans cette école pour être protégés, finalement laissés à la merci de leurs bourreaux par les autorités quelques jours plus tard.

Ces ossements, Cornelius, de retour au pays peu de temps après la fin de la tragédie, après qu'il a été exilé de nombreuses années auparavant alors que la situation devenait de plus en plus tendue entre les deux populations - ayant déjà donné lieu à des massacres Tutsi -, veut les voir, lui qui a été protégé de l'horreur pour laquelle il est difficile de trouver les mots justes.

Au contraire de ses amis, Jessica, devenue espionne du Front Patriotique Rwandais et Stanley, tentant tant bien que mal, pour ce même Front Patriotique, d'évoquer la situation dramatique du pays à l'international, et de sa famille, notamment son oncle, Siméon, qui sera à l'origine de l'exil de son neveu. Au contraire également de ces bourreaux, par choix – ainsi du milicien Faustin – ou par contrainte – le père de Marina – ou encore des autorités françaises qui auront laissé les choses se faire, et même pire, auront aidé à ce qu'elles se fassent – le colonel Perrin en étant le principal représentant. Et le retour de Cornelius, dans cette enquête sur le génocide qui se fera jour au fil des pages sera tout autant pour lui source de révélations, terribles, tant personnelles que collectives, sur l'histoire de Murambi.

Le grand tour de force de ce roman se tient dans la multiplicité de ses voix, points de vue, éclairages, disséminés au cours du récit, permettant au lecteur de saisir aussi bien la complexité du drame que la difficulté à le décrire, laissant la parole à tous ses acteurs, victimes comme bourreaux, chose peu courante. Multiplicité permise par les recherches, entretiens… réalisés par Boris Boubacar Diop qui ne devait, au départ, qu'écrire un court texte qui aurait conclu un atelier d'écriture proposé à des auteurs africains pour apporter leur propre éclairage sur le sujet.

Un roman en somme extrêmement fort, qui ne peut laisser indifférent.
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