Evolutions de la médecine, révolutions de l'ostéopathie

Mais tout d'abord, de quelles limites parlons-nous ? Deux défis, en particulier, nous semblent susceptibles de ralentir les progrès futurs de la médecine. Le premier défi est lié à l'usage excessif ou inapproprié des médicaments. Dans un système qui repose très lourdement sur les soins chimiques, ce problème est loin d'être marginal, et suscite de nombreuses inquiétudes en termes de santé publique. Le mythe du médicament magique ne date pas d'hier, mais il représente un danger croissant à mesure que notre société se médicalise, et que se multiplient les interactions indésirables et imprévisibles entre des principes actifs toujours plus nombreux, avec des effets incontrôlables sur la santé et l'écosystème. Une partie du problème pourrait être due au poids, souvent considéré comme excessif, de l'industrie pharmaceutique dans le monde médical. À l'heure actuelle, la recherche de nouveaux principes actifs, la validation de leurs effets et de leur innocuité sont sous la responsabilité d'un nombre restreint de grands groupes pharmaceutiques, capables de concentrer d'importantes ressources financières et humaines. Si ces entreprises jouent un rôle majeur dans notre modèle médical, elles ne sont malheureusement pas exemptes de dysfonctionnements et de dérives. Les reproches portent en particulier sur les excès du marketing pharmaceutique, et toutes les situations où les considérations économiques peuvent aller à l'encontre des intérêts de la santé publique.

Le deuxième défi est lié à la spécialisation croissante de notre système de soins, et ses conséquences sur l'organisation médicale et la relation thérapeutique. Depuis la formation de la médecine moderne, les progrès technologiques et l'accroissement des connaissances sur le corps humain ont favorisé l'éclatement de la médecine officielle en de nombreuses spécialités, chacune dévolue à un organe ou un ensemble de pathologies. Lorsque les maux sont très localisés, cette approche se traduit par une grande efficacité des soins, car le patient bénéficie alors d'une expertise spécifique, parfaitement adaptée à son problème de santé. Cependant, lorsque les maux sont plus flous, systémiques et multifactoriels, cette logique se révèle moins appropriée. Dans ces cas de figure, une spécialisation excessive peut biaiser le raisonnement médical, conduire à des diagnostics incomplets ou erronés, et encourager la profusion d'examens complémentaires et de traitements inutiles. La multiplication des interlocuteurs médicaux peut également nuire à la relation thérapeutique, et fait courir le risque d'une médecine toujours plus désincarnée, où le soin du patient se résumerait au traitement de l'organe atteint. En ce sens, la logique spécialisée de la médecine hospitalière classique semble rencontrer aujourd'hui ses limites.

Au cours des deux derniers siècles, la médecine institutionnelle a remporté des victoires remarquables. Elle a su intégrer la démarche expérimentale pour progresser vers une meilleure compréhension de la physiologie humaine, puis tirer parti de l'évolution des connaissances scientifiques et technologiques pour parfaire les outils diagnostiques et thérapeutiques des praticiens. Aujourd'hui, cette médecine officielle dispose de méthodes d'examens complémentaires aux possibilités fascinantes, comme l'imagerie médicale ou les analyses de laboratoire, et d'un arsenal thérapeutique étendu pour faire reculer la maladie et le handicap, comme les vaccins, les antibiotiques ou la chirurgie. Cependant, l'évolution de la médecine n'a jamais été un processus linéaire, et les modèles médicaux les mieux établis ont régulièrement été mis à l'épreuve, et parfois forcés de s'adapter radicalement face aux révolutions historiques. Les limites de la médecine officielle actuelle seront-elles résolues par des ajustements ponctuels de nos systèmes de soins ? Ou réclament-elles une réflexion plus profonde, et un changement de paradigme médical ?