Citations sur Une vie française (227)
J'ai toujours aimé cette activité silencieuse, discrète et solitaire. Durant mon adolescence je partais avec le Contarex de mon père photographier, de préférence, le minéral, le végétal, en fait tout ce qui ne bougeait pas. Figer l'immobile me fascinait.
Sans l'avoir voulu, et bien malgré moi, j'étais le pur produit d'une époque sans scrupule, férocement opportuniste, où le travail n'avait de valeur que pour ceux qui n'en avaient pas
En regardanr tous ces adultes bêtifier ensemble ou séparément au-dessus de ce petit être je songeais que les naissances, comme les morts d'ailleurs, ont l'étrange pouvoir de lubrifier les coeurs et d'effacer les ardoises surchargées du passé.
La plupart des correcteurs développent ce genre d’obsession vérificatrice et adoptent des comportements compulsifs générés par la nature même de leur travail. La quête permanente de la perfection et de la pureté est la maladie professionnelle du réviseur.
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Partager la vie, ou simplement voyager en compagnie de footballeurs professionnels est une expérience déprimante, dommageable même. Quand ils n'exercent pas leur métier, quand ils arrêtent l'entraînement, ces gens-là n'ont plus que deux idées en tête: faire des siestes et jouer aux cartes. En général au tarot. Ces athlètes au corps surpuissants ont des loisirs et des vies privées de nourrisson. Ils s'arrangent d'ailleurs pour épouser très vite une nurse blonde, hâtivement peroxydée, qu'ils tètent raisonnablement avant de dormir et dormir encore, pendant qu'elle veille sur leur carrière de pousseurs de ballon.
En regardant tous ces adultes bêtifier ensemble ou séparément au-dessus de ce petit être je songeais que les naissances, comme les morts d'ailleurs, ont l'étrange pouvoir de lubrifier les cœurs et d'effacer les ardoises surchargées du passé (p. 185).
Ensuite Laure me fit le genre de confidences qu'un homme a rarement l'occasion d'entendre durant son existence.
- Tu vois, Paul, je crois que deux hommes m'auront marquée dans ma vie. Toi, parce que d'une certaine façon tu as été le plus gentil, et Simon, parce qu'il a été le seul à me faire jouir.
Pour ma part et contrairement au stratège Debord qui au début des années soixante écrivait "La victoire sera pour ceux qui ont su faire le désordre sans l'aimer", j'adorais le bordel. Le bordel pour le bordel. Martyriser la rue comme l'on casse de vieux jouets. Rompre des liens, briser des règles en une dernière colère d'enfant. Le bordel en ce qu'il avait de vivifiant et d'incontrôlable, le bordel quasi liquide qui s'infiltrait dans tous les interstices de la société, vivant sur sa propre énergie, faisant sauter les plombs des usines et des familles, submergeant ce plat pays, un bordel qui montait à la vitesse d'une mer d'équinoxe, d'un cheval au galop et qui faisait fuir ces ministres en complet veston, comprenant, mais un peu tard, qu'on ne négociait pas avec la marée.
L'idée de Dieu était la pire des choses que l'homme eût jamais inventées. Je la jugeais inutile, déplacée, vaine et indigne d'une espèce que l'instinct et l'évolution avaient fait se dresser sur ses pattes arrières mais qui, face à l'effroi du trou, n'avait pas longtemps résisté à la tentation de se remettre à genoux.
Mon père avait supervisé la révision de ce véhicule (....)"je crois qu'elle est de première".Il adorait ce qualificatif et l'employait à tout bout de champ. Un repas était de première,une voiture ,bien sûr, mais aussi un film, une journée, un match de rugby, un raisonnement ou tout simplement un con.J'avais donc une auto "de première", un formidable jouet d'émancipation, un missile de liberté qui me transportait de joie.(...).Mon mouvement du 22 mars se résuma donc à un tour de ville,quelques kilomètres de route et un retour à la maison avec la même fierté que"cestui-là qui conquit la toison".