Prisonnier volontaire. Un curé dans la peau d'un taulard

je n'étais pas un prisonnier comme les autres, comme eux. L'un d'entre eux m'a dit un jour : "Tu ne pourras jamais ressentir ce que nous subissons." Il avait raison. La prison, c'est la dernière dans une série d'enfermements et de servitudes qui ont commencé, le plus souvent très tôt dans la vie. Leur famille - ou leur absence de famille - a parfois été leur première prison. Et puis l'éducation, les misères matérielles, sociales, morales : que de prisons invisibles qui se sont tissées autour de telle ou telle personne jusqu'à ce qu'elle tombe dans le filet de la délinquance, la prison réelle, la dernière mais peut être pas la plus difficile à rouvrir pour une authentique libération. En ce sens, je me suis senti bien souvent différent d'eux : je n'avais pas rencontré sur ma route certaines petites prisons qui m'auraient conduit inévitablement vers la grande. Et je devais tenir compte humblement de cette différence capitale, tant il est vrai que la prison, finalement, c'est la somme des souffrance non- digérées, des problèmes non-résolus, des blessures intérieures non-cicatrisées. Avant d'être une maison sinistre avec des barreaux qui griffent le ciel et des cellules munies de serrures sans poignées à l'intérieur. Tout un symbole.

Car dans la prison, j'ai rencontré des êtres libres intérieurement, qui vivaient dans une cellule sous contrôle. Et j'ai découvert que beaucoup, à l'extérieur de cet univers clos, croyaient être les personnes les plus libres qui soient, alors qu'elles évoluaient à l'intérieur de conditionnements, d'habitudes mentales ou physiques, de schémas culturels que l'on peut appeler "prisons". La mode tyrannique, l'attachement à l'argent, le gavage par les médias, les esclavages sexuels, l'obsession du paraître, du pouvoir, de la gloriole : que de barreaux discrets mais réels qui nous enferment et nous ligotent peu à peu.

Je crois qu'il y a en tout homme au moins un étincelle de bonté, de beauté, de sens de la justice, qui sommeille peut être au fond de son cœur. C'est à la recherche de cette petite flamme que j'ai voulu aller dans tous mes contacts. Souvent, j'ai été heureusement surpris. Quand on souffle délicatement sur cette braise intérieure, l'incendie du bien peut se rallumer.

la délinquance n'est pas le tout de la personne, jamais son dernier mot. Il y a encore en tout homme un reste à exploiter comme une mine secrète pour l'espérance, pour du meilleur, pour l'avenir.

"Le pire commence avec notre liberté", m'a confié un jour un détenu, paniqué à l'idée de sa prochaine libération. Aider quelqu'un à retrouver sa place dans l'humanité, c'est contribuer à le sauver, c'est lutter contre la récidive. N'avons nous pas tous à y gagner ?