C'est d'au-delà du désert qu'est venu Alandros,
Le Cavalier aux poings de colère. Un homme de rien guidé par une oracle guidée par la lumière.
Un destin, une prophétie.
Mais devant les murailles de l'Empire, Alandros butte et échoue.
Et tout Salabanka se questionne : qui sera capable d'abattre l'Ancien Monde, qui sera capable d'accomplir la prophétie ?
C'est l'oracle qui parle à nouveau : un autre guerrier doit être trouvé, un autre héros, un second, un guerrier à l'âme de chien qui pourra se jeter à la gorge de l'Empereur s'il le faut.
Ainsi commence l'aventure de Klane et ainsi commence L'Âme du chien d'
Antoine Ducharme, premier roman de fantasy publié par le Label Mu des éditions Mnémos sous une sublime couverture signée
Kévin Deneufchatel.
En fait de roman, c'est d'une novella qu'il s'agit, d'à peine 120 pages, à la façon du magnifique
Les Oiseaux du Temps de
Max Gladstone et
Amal El-Mohtar. Avec ce dernier, L'Âme du chien partage un style flamboyant et poétique, en plus épique et plus mythologique très certainement.
Antoine Ducharme construit sa fantasy comme une légende qui s'écoule d'entre les mains du lecteur, où les sentiments bruts de ses deux héros tutélaires s'expriment de l'intérieur comme de l'extérieur.
C'est le récit de deux guerriers appelés à renverser le monde, deux hommes habités par quelque chose, une flamme, un souffle, un destin.
Poussés par les visions brumeuses d'une oracle elle-même prisonnière de son don, Alandros et Klane sont à la fois des incarnations de la guerre mais aussi des figures sacrificielles.
L'Âme du chien ose le récit de fantasy épique, celui de héros qui s'entrechoquent sur le champ de bataille et luttent pour leur peuple et leurs idéaux, retentissant de l'éclat des glaives et de la brutalité du sang qu'on éparpille.
L'univers, volontairement cryptique, laisse le champ à l'imagination du lecteur et évoque des tribus et des royaumes comme on évoque des mythes au coin du feu. On sent du
Laurent Gaudé dans cette façon de regrouper les clans en les effleurant, d'en faire des mystères dans la bataille tout en transformant les Héros en Héraults, symboles de lutte et de violence.
On suit ainsi la sélection de ce fameux guerrier à l'âme de chien par un maître déjà lui-même bien éprouvé et qui voit dans ce recrutement comme une ultime chance d'accomplir une destinée qui a fini par l'accabler.
Partagée entre Klane et Alandros, et parfois d'autres personnages plus secondaires, la narration du roman se fait précieuse, introspective, délicate, parfait contraste avec la fureur qui se déverse sans relâche sur le monde des hommes.
Antoine Ducharme captive dès les premières pages, à sa façon de rester évanescent puis d'ébaucher des figures presque mythologiques.
Mais c'est avant tout l'évolution de ces deux personnages principaux ainsi que des seconds couteaux qui les entourent qui finit par emporter l'adhésion.
L'Âme du chien se demande en effet ce qu'il reste une fois toute cette violence expurgée, une fois que le monde vacille au bord du gouffre, que les prophéties se fracassent par terre et dévoilent leur vérité la plus intime. Qu'elles ne sont qu'un nouveau prétexte pour le massacre, la cupidité et la gloire éphémère. Qu'un prélude à une nouvelle lutte, à une nouvelle prophétie.
Que se passe-t-il d'ailleurs quand le héros a accompli son destin ?
Quand il touche au but et qu'il perd donc sa raison d'être ?
C'est ici l'importance de cette dualité héroïque qui nous est servi par
Antoine Ducharme, quand l'un renonce après s'être entièrement consumé, l'autre s'entête et finit par se perdre.
À la façon d'un conte philosophique et avec la barbarie élégante d'un
Franck Ferric,
Antoine Ducharme dévoile ce que la haine et la violence font aux hommes, même les plus grands, même les plus forts.
L'Âme du chien n'est donc pas un livre épais, certains diront même qu'il faut goûter le style particulièrement luxueux de son auteur pour véritablement s'éprendre des personnages torturés qui hantent ce récit guerrier, mais il n'en reste pas moins que son auteur nous offre une plongée furieuse dans un monde fascinant que l'on aurait grand plaisir à retrouver dans le futur !
Court, fascinant dans son évanescence quasi-mythologique et dans sa réflexion quasi-philosophique, brutalement épique et cruel, magnifiquement écrit, L'Âme du chien explore la fantasy de front en troquant la magie pour la destinée, attendant de trouver dans le coeur de ses héros les signes d'une fin qui les condamne à redevenir humains.
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