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3,65

sur 405 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La chaleur écrase d'emblée. Anesthésie des sentiments. L'action sédative des vapeurs d'alcool imbibant les pages achève l'abattement du lecteur.

Cet engourdissement fait de Duras une lecture immersive. La mort, l'adultère, le drame paraissent en apesanteur. On croit bien que quelque chose se passe, mais on ne peut pas vraiment réagir, l'action est inhibée. Pour le personnage comme pour le lecteur. Une sorte de nivellement des évènements.

« Qu'est-ce qu'on ne fait pas trop tard dans la vie ? Et qu'est-ce que ça veut dire se lever à l'heure ? »

Les petits chevaux, c'est la chaleur, “égale à elle-même”, du matin jusqu'à dix heures et demi du soir en été. La chaleur est un personnage du roman, l'été un adjuvant. C'est le désir en tension, la lassitude des couples qui s'aiment. Inextricable. Ils rient de ça. de cet ennui-là. le rire chez Duras rend toute dramatisation convenue, exagérée, impossible. Pas de guimauve. le rire est résilience chez Duras. Il est recul, il est dépassionné, fatalité ou rédemption. On rit pour parler. Pour pas parler.

« Si tu n'aimes faire l'amour qu'avec un seul homme, alors c'est que tu n'aimes pas faire l'amour.” Liberté tranquille des moeurs, sans militantisme, « la littérature doit être scandaleuse, représenter l'interdit » disait Marguerite Duras. L'interdit (très relatif) de l'adultère confine au plaisir quasi-avoué du partage de l'être aimé. Il y a une connaissance de ça. du désir de l'autre. Comme une anesthésie locale de la jalousie. Une acceptation, une anticipation. L'envie d'être l'amie du désir de lui. Comme un avant-goût de ce que sera le fameux ravissement de Lol V. Stein.

« Les couples sont fatigants à vivre. Tous ». La villégiature de Sara, Jacques, Diana, Ludi et Gina en Italie, juste après l'accident mortel d'un jeune homme, semble insupportable à ce groupe d'inséparables. Ils voudraient être ailleurs, partir à Pointa Bianca ou Tarquinia. Duras déploie une mythologie des vacances bourgeoises, ces moments arrachés au travail, où tout peut basculer, les jours, si peu nombreux, qui passent avec leur programme sans cesse reporté, la tentative d'instaurer une routine éphémère, les boules à telle heure, l'apéro à tel endroit.
« Pourquoi on est tous méchants comme ça ? » Gina et Ludi s'adressent tous les reproches du monde et une assiette de vongoles suffit à créer l'étincelle, Sara aussi voit s'allumer l'étincelle dans les yeux de l'homme au bâteau, sous le regard de Jacques.
« Nous arrivons chargés d'encombrants paquets de vie » écrivait Tristan Tzara. En réalité, le groupe peut bien être en congés estival, “il n'y a pas de vacances à l'amour. Ça n'existe pas. L'amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, Il n'y a pas de vacances possibles à ça.”

« Ce n'était pas si grave, dit-elle, des vacances que je voulais prendre de toi. - je sais. Tu es libre de les prendre.” quelques mots, quelques caresses esquissent un autre avenir possible, mais on ne peut pas vivre toutes les vies ensembles. On ne saura pas ce qui aurait pu être, si après la partie de pétanque, on va à l'autre bal, sur l'autre rive. On ne saura pas non plus si le « macadam a jamais tué aucun arbre ».

« C'est ceux qui se plaignent le plus de leur vie qui en changent le moins volontiers ». Un livre presque scénaristique. Les dialogues avant tout. Tantôt brumeux, tantôt obsessionnels, martelés, comme un rythme implacable, un jour, deuxième jour, la ritournelle des vieux sur la colline, avec l'épicier, de la vieille qui ne signera pas, elle refuse ça encore à la douane. La moindre banalité revêt, par sa solennité impromptue, le caractère d'acmé du livre.

« Si dure qu'elle eut été, chacun tenait à son existence et était prêt à la justifier comme étant la moins mauvaise » Les personnages sont comme filmés. le lecteur n'accède pas davantage à leurs pensées que le spectateur dans une salle de cinéma, tout au plus quelques traits qu'en projection nous lirions aisément sur un visage nous sont retranscrits. C'est formidable pour le lecteur, la liberté que ça lui laisse de construire son décor, sa chaleur, son désir.

“Avant tout, c'est contre la vie qu'elle en a ou... contre leur fidélité, c'est pareil. -est ce qu'il y a des fidélités qui ont un sens ? (...) - je crois que oui (...) celles-là précisément, auxquelles on ne peut se soustraire.” Ressemblances dans l'architecture avec « dix heures et demi du soir en été », écrit 7 ans plus tard. le décor est toujours la sueur de l'été, dans un pays sec, comme l'Espagne ou l'Italie. On retrouve certains tropismes de la romancière : le triangle amoureux, les vacances, l'enfant unique, l'alcool, un drame : l'accident du démineur ou le meurtre par Rodrigo Paestra.

“Il faut toujours se mêler des histoires des autres”. Ce ne sont pas seulement les camparis bitter qui causent l'ivresse littéraire que l'on ressent face à Tarquinia, publié en 1953, si la jeune romancière de trente-neuf ans n'a pas encore l'économie de mots et de moyens de ses derniers livres, elle impose déjà son style, reconnaissable entre tous.

Bel été,
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Retour de lecture sur "Les petits chevaux de Tarquinia" écrit par Marguerite Duras et publié en 1953. Ce roman qui préfigure la Nouvelle Vague était d'une grande modernité en son temps, il est maintenant un peu daté et doit être remis dans le contexte social de l'époque. Il raconte l'histoire d'un couple avec un enfant, qui passe ses vacances dans une villa d'un village isolé d'Italie, en bord de mer, sous une chaleur de plomb, en compagnie d'autres personnes notamment d'un autre couple d'amis et d'un étrange inconnu. Comme souvent dans son oeuvre, Duras s'intéresse avant tout aux relations amoureuses dans ces couples, et à la difficulté de les vivre. le tout se passe sous une chaleur de plomb, et Marguerite Duras nous fait ressentir tout au long du roman cette torpeur qui écrase tout. Une torpeur qui rend tout plus compliqué, comme peut le faire quelquefois la vie elle-même. Elle nous expose avec beaucoup de maîtrise la complexité des relations, en insistant bien sur tout ce qui n'est pas exprimé clairement, sur les non-dits. Duras nous parle de routine, de passion, d'ennui, d'usure du couple, de tentations. Elle ne veut rien démontrer, elle veut juste en exposer la complexité avec beaucoup de sentiments et d'émotions, cela avec une écriture au style très simple. Les infos données par Duras sont toujours très minimalistes, on sait à peine à quoi ressemblent les protagonistes, et il n'est pas toujours évident de la suivre, de comprendre de qui ou de quoi il s'agit. On s'attache à ces personnages, à leurs histoires, malgré tout, et malgré leurs contradictions. On retrouve dans ce roman l'illustration d'une des idées de base de l'auteure qui considère que l'amour absolu est à la fois nécessaire et impossible. C'est un livre au rythme très calme, lent, avec une atmosphère très pesante. Un très bon roman d'amour, profond et réaliste, d'une puissance diffuse.
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La langue, cette langue là, pétard. Je suis en train de développer une addiction à la langue, enfin je veux dire à l'écriture de Duras. 

Je fais le fanfaron après en avoir lu seulement deux c'est vrai, mais quand même l'écriture. Ça revient à se faire cueillir comme un vrai lapin de garenne happé par les phares d'une voiture (dans mon histoire la voiture freine et le lapin s'enfuit).

Il fait chaud dans Les petits chevaux de Tarquinia, très chaud même, un peu comme cet été qui n'en finit pas. Aucun personnage n'est attachant, mais la chaleur, la fournaise italienne, cette attente estivale, ces vacances d'amours impossibles, de couples qui se détruisent où qui se reconstruisent, vraiment il y a quelque chose de fascinant.

Et je vous jure qu'à la lecture, on entend ces voix de quand on regarde des vidéos d'archives de l'INA ou des vieux films français en noir et blanc, la même langue qui s'écoute dans la tête. 

Je dis que j'ai moins aimé que Moderato Cantabile, parce qu'il faut un premier dans tout vous savez ? Mais celui-ci m'a beaucoup plu, pour des raisons plus symboliques, peut-être. Et que j'aime déceler cet humour planqué dans l'écriture de Duras, cette ironie frustrée qui laisse croire que ses personnages là vont s'étriper et puis. Et puis en fait, non.

Mais j'ai des envies d'en lire d'autres et c'est ce que je retiendrais de ma lecture !

L'as-tu lu ?

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Torpeur, c'est le mot qui résume l'atmosphère de ce roman. Je ne crois pas que je l'aurais autant apprécié si je l'avais lu plus tôt dans ma vie de lectrice. Des personnages peu attachants, des relations artificielles et forcées, des préoccupations banales… au premier abord seulement.

« Il y avait des choses comme ça, qu'on n'aimait pas les premiers jours et auxquelles ensuite on s'habituait jusqu'au plaisir et même parfois jusqu'à la nécessité ». Dans le texte, il s'agit d'alcool, plus précisément de bitter campari. Je pourrais dire la même chose de l'oeuvre de Duras dans son ensemble. Une sorte d'envoûtement. Ici sous le soleil plombant de l'Italie.
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D'après la lecture des commentaires, il m'a semblé comprendre que le style de Duras pouvait séduire ou laisser de marbre les lecteurs.

Après la lecture de "Les Petits Chevaux de Tarquinia", je me situerais plutôt dans le groupe des lecteurs séduits, même si je reconnais qu'entrer dans ce roman fut plus facile que d'en sortir.

Dans ce récit, tout n'est qu'ambiance de fournaise estivale, de terre raclée par le soleil, de longues journées lascives entrecoupées d'activités répétitives.

Nous sommes en Italie, c'est le temps des vacances et des retrouvailles pour un groupe d'amis quadragénaires (on le suppose).

Dans ce livre, Duras développe ce talent de polir l'esprit de son lecteur grâce à la superposition des mots et des sensations : il fait chaud, la nature dicte sa loi, les personnages du livre se laissent aller à boire, à bavarder, à s'écouter parler, à se contredire, se reprendre, jusqu'à l'ivresse des corps et de la pensée.

Une cascade de paroles qui couvre le murmure des non-dits.

Et ce soleil Italien, qui s'avère être aussi porteur de mélancolie qu'une bruine Bretonne.

Il y a quelque chose de définitif, d'absolu, et d'irrévocable dans les atmosphères de ce livre, un je ne sais-quoi de triste, c'est ce qui m'a en quelque sorte hypnotisé, alors même que je terminais le livre presque à bout de souffle, étouffé par les dialogues tendus, usé par ce petit microcosme de personnages exaltés et prisonniers dans leur rôle, dans leur vie.

Un livre qu'on n'oublie pas, ou qu'on oublie aussitôt, c'est selon.


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Une lecture dépaysante que ce roman de Marguerite Duras, surtout si il s'agit d'une première lecture de cette romancière-culte.
Nous sommes au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la guerre est encore là, il y a des mines qui sont restées dans le sol et qui font encore des victimes même si les vacanciers ne veulent plus entendre parler de ça.
Ce sont les vacances, dans un coin moche et perdu d'Italie où une trentaine de touristes s'entassent de par et d'autres d'une mauvaise route qui ne mène nulle part car c'est là que Ludi (sûrement une personnalité) adore passer ses vacances. Est-ce une moquerie méchante de Saint-Tropez ? Il fait une chaleur étouffante, il n'y a rien que la plage, les bals populaires et les bitter Campari.
Déroutant aussi, cette sociologie de bourgeois qui emmènent avec eux en vacances leur bonne, une fille facile qui n'aime pas l'enfant et exaspère tout le monde.
Là-bas, il n'y a rien, rien que des caractères : des couples qui se chamaillent, un enfant-accessoire, une bonne impudente, un épicier râté, une vieille mère mutique … et l'homme. L'homme qui est la seule distraction. Qui est-il ? Que pense-t-il ? On ne le sait pas.
Marguerite Duras rend si bien la chaleur écrasante, les discussions qui tournent en rond et les disputes incessnates qu'on est fatigués, fatigués par la canicule, fatigués des autres. Nous aussi, on a envie de partir, que ça s'arrête, qu'ils se taisent, qu'il pleuve ...
Un livre étonnant, dépaysant par le langage (« Pourquoi que tu fais comme si tu le comprenais pas? », le huis-clos, le temps qui a passé, les moeurs qui ont changé. A noter aussi une brève allusion au frère perdu lorsque Sara contemple le pêcheur jetant son filet : Sara serait-elle Marguerite ?
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Beaucoup de Babelionautes se sont ennuyés à la lecture des Petits Chevaux de Tarquinia, parce que raconter l'ennui est ennuyeux? Pas quand on écrit comme Marguerite Duras... Et installer l'ennui d'une situation est primordial quand le propos du roman est, il me semble, de confronter les personnages à l'attrait pour la nouveauté. Sara s'ennuie dans des vacances trop évidentes. C'est l'inconnu, l'inhabituel (parce qu'un homme débarque avec un bateau à moteur) qui la pousse à vivre une aventure extra-conjugale. Désir de la chair et désir de la nouveauté nourrissent le sentiment amoureux.
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Quand on lit Marguerite Duras, on ne peut pas s'empêcher d'être frappé par les ambiances qu'elle parvient à créer, lourdes et sybillines. Dans Un Barrage Contre le Pacfique, elle nous racontait l'histoire tragique et désespérante d'une famille abandonnée à son sort sur des terres incultivables en Indochine, en proie à la cruauté des agents du cadastre, loin de la prospérité coloniale qu'on leur avait promis. L'intrigue se bâtit alors autour des marées annuelles qui viennent détruire les maigres récoltes. L'atmosphère des Petits Chevaux de Tarquinia est tout aussi suffocante et inquiétante, voire plus sensible encore. En effet, la chaleur terrasse, dès le début du roman, les différents personnages et instaure une ambiance caniculaire où le désir et les tensions grandissent au fur et à mesure des journées. Des non-dits, des paroles inachevées, des regards soupçonneux, des élans charnels hésitants... des sentiments et des envies inavoués se révèlent peu à peu à mesure que le soleil, implacable, se dresse sur ces paysages brûlés.

Duras distille au fil de son récit des tensions qui apporteront au roman toute sa force singulière et son étrange attrait. Nous suivons notamment les faits et gestes de deux couples, apparemment en pleine interrogation. Lorsqu'un inconnu débarque en ces lieux de villégiature maudits, le désir enflamme les chairs ennuyées et embrase à nouveaux les feux anciens, depuis longtemps oubliés, de l'amour.

L'ennui et la passion. Les remises en question et les actes. Duras délivre ici un huis-clos brûlant où le désir s'exprime dans toute sa complexité.
Lien : http://aucrepusculedesmots.b..
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Des vacances au bord de mer en Italie. Quelques personnes dont la jolie Sara. On ressent la chaleur, l'ivresse du Soleil, on est presque comme dans un four, quelle ambiance cet endroit de vacances. On souhaiterait presque qu'il pleuve pour ammener un peu de fraicheur, alors enlevons nos chaussures et mettons nos orteils en éventail comme Sara dans le livre. J'ai aimé ce roman et le conseillerai.
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Ouvrage sur des vacances de familles bourgeoises, avec de nombreuses tromperies suggérées ou décrites, dans le Sud de l'Italie à Tarquinia. Ni le style, ni le récit ne m'ont particulièrement marqué, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir passé un mauvais moment en le lisant.
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