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sur 2339 notes
La lecture de Marguerite Duras a été un moment fort de la fin de mon adolescence et c'est probablement parce que je l'associe aux émotions et réflexions de cette période que je n'ai plus depuis retrouvé l'élan pour lire cette autrice. Pourtant je n'avais pas lu ses oeuvres majeures, le Barrage et l'Amant, qui me faisaient un peu peur. Je crois même que ma mère me les avait explicitement déconseillés ! Pour des raisons morales plus que littéraires cela va sans dire.

Or je ne suis plus une vierge effarouchée et alors que l'une de mes amies m'a confié il y a quelques jours s'être lancée dans la lecture du Barrage contre le Pacifique, je suis tombée sur un exemplaire de l'édition originale de 1950 dans une boîte à livres ! J'ai décidé que c'était un signe de mon ange gardien bibliothécaire.

Me voilà donc embarquée dans ce roman initiatique autobiographique, qui ne m'a pas du tout remonté le moral, mais beaucoup donné à penser. J'ai retrouvé avec plaisir la plume de Marguerite Duras, à la fois très poétique et triviale, cette ambiance d'attente et d'errance existentielle qui m'avait tant marquée.

Pour ce que j'en ai perçu avec cette lecture, le Barrage est un roman d'initiation placé sous le signe de la prédation.
Prédation sur le corps d'une jeune femme encore vierge et qui se tient sur le seuil d'une existence qu'elle espère nouvelle.
Prédation du système colonial qui réduit à la misère le plus grand nombre au profit de quelques uns.

La structure du roman va révéler les angles morts de cette logique prédatrice, ceux qui tiennent aux choix de ses personnages principaux, Suzanne et Joseph, et à leur dignité personnelle. Leur résistance intime à accepter d'être pour ainsi dire consommés par cette fatalité dévorante, est l'objet même du roman. Cette résistance les place au delà de la morale et de ce qui est attendu d'eux, y compris par leur mère, qui est devenue victime d'avoir cru dans les promesses qui lui avaient été faites, et cherche à les faire valoir coûte que coûte : construisant des barrages contre l'océan.
Suzanne et Joseph ne croient en aucune promesse et aucune morale.

En cela le Barrage m'apparaît comme un roman d'initiation à la fois intime et politique puisque ce qui est vrai du corps vierge de Suzanne, offert en pâture par la misère, l'est aussi de cette plaine boueuse dévorée par le Pacifique, qui dévore elle même ses enfants.
Suzanne éprouve sa liberté de choisir son amant, échappant par sa résistance, voire sa désinvolture, et sa résilience aux marchandages sexuels et matrimoniaux. Dans la plaine l'agonie de la Mère révèle que la terre porte en germe, avec ses enfants morts de misère, la révolte et la haine qui bientôt chassera le colonisateur prédateur et corrompu.

Le Barrage contre le Pacifique est un grand roman qui mérite pleinement sa place dans le panthéon littéraire de son siècle. À voir maintenant ce qu'il en est de L'Amant, publié 35 ans plus tard dans une société qui avait déjà beaucoup changé.
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Ce livre est le premier écrit par Marguerite Duras et je pense que c'est son meilleur. Cela devrait nous pousser à nous interroger sur ces premiers livres qui sont des chefs-d'oeuvre quand d'autres auteurs n'accouchent des leurs qu'après un travail bien douloureux. La lutte désespérée de ces colons perdus au bout du monde contre une force qui les dépasse est le reflet de bien des aventures humaines.
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Ce texte appréhende les thématiques du désespoir et de la désillusion de la colonisation en Asie du Sud Est pour les jeunes français partis plein de rêves en tête.

Les descriptions et le style permettent effectivement de se plonger dans l'absurdité de la situation et la détresse des personnages, néanmoins j'ai trouvé certains échanges redondants et le texte long. le lecteur n'a pas de difficulté à ressentir la lassitude et le désespoir provoqués par une situation dont les personnages ne parviennent pas à s'émanciper. C'est bien réalisé mais je me suis ennuyée.

Par ailleurs, je me suis questionnée sur les rapports entre les personnages et les peuples colonisés. En effet, je ressors de cette lecture avec la sensation que les personnages de cette famille sont les « grands perdants » du système colonial, ce qui à mon sens ne permet pas de mettre en perspective et en évidence les souffrances éprouvées par les Cambodgiens colonisés. Evidemment, il faut se replacer dans le contexte d'un roman paru en 1950 et d'un récit partageant une expérience personnelle.
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persos complexe
amour toxique et beau de la mère
mère avare qui tourne en rond autour du même sujet qui vit à travers la rage contre les concessionnaires du terrain ou son fils lui manque
ennui total de Suzanne qui ne peut s'échapper qu'à travers la fuite avec un homme (pas riche elle veut un chasseur )
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Vivre sa vie en aventurière,
n'avoir pas froid aux yeux !

C'est ainsi que je vois Marguerite Duras. Partager sa vie entre l'Indochine coloniale et la métropole. Avoir mené de front des études de droit et de mathématiques. A une époque prude, avoir une vie sentimentale turbulente, et ce dès le plus jeune âge. Être résistante tout en travaillant pour les allemands. Rejoindre le PCF et s'en faire éjecter pour fréquentation de boîtes de nuit et moeurs dites bourgeoises. Passer les dernières décennies de sa vie sous l'emprise de l'alcool et continuer à écrire malgré les problèmes de santé. Marguerite Duras se foutait des frontières comme des limites.

Le Barrage contre le Pacifique est un récit qui contient des éléments autobiographiques, oui, mais c'est une oeuvre de fiction, non une biographie.
S'il aborde des thèmes tels que le colonialisme, le racisme,les inégalités, l'érotisme ou le sort de la femme, ce n'est pas non plus un roman à thèses.
C'est un livre ou la romancière mêle des éléments de son passé à bien
d'autres sources d'inspiration pour en faire une oeuvre de fiction. C'est peut-être aussi sa façon de traiter le problème de ces limites qu'elle a si joyeusement enjambées.

Car des limites, il en est question. Il y a d'abord ce barrage, que la mère a essayé de construire pour sauver les terres arables d'une vallée d'inondations d'eau salée. Femme de peu d'imagination, impulsive, ne prenant pas la peine de se documenter sérieusement sur ce qu'elle entreprend, elle y laisse ses économies, sa santé et son courage. Sa vie se casse sur un projet impossible. L'obstacle était frontière, une frontière infranchissable. Envers ses enfants, cette même mère était dominante, exigeante voir tyrannique. Elle leur faisait obstacle, était cette frontière qu'ils apprendront à franchir au fur et à mesure de son déclin. Pour franchir des obstacles, pour dépasser les limites, Il faut avoir du courage, oser, mais aussi avoir de l'imagination et de la chance. Marguerite, cette acrobate de la vie, avait tout cela en abondance. A-t-elle trouvé ce qu'elle cherchait ? Si oui, cela l'a-t-il comblée ? Comment savoir… ?



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C'est l'histoire de Suzanne ainsi que son frère, Joseph, dans une colonie française. Leur mère veuve à acheté une concession, qu'elle doit cultiver chaque année pour ne pas la perdre; or elle est incultivable du fait des marées montantes du Pacifique, la mer de Chine. Alors on suit l'histoire brève de la prise d'indépendance des deux enfants, dans ce pays, cette plaine de misère où les enfants naissent et meurent comme des insectes, où des toits de chaume pleuvent des vers, et où les riches blancs règnent en maîtres immoraux.
Les personnages sont stupides et grossiers par leur manque d'éducation mais relativement agiles dans leurs manières de voir le monde dans lequel ils évoluent. La mère, elle, est folle: folle d'avoir tout essayer, de tant espérer, et pourtant bien lucide sur l'importance de l'espoir, quand il ne reste plus rien autour. Lucide de la façon dont elle s'est faite entourloupé.
Mais pour les enfants, la plaine est un espace stérile où il ne reste qu'à attendre, attendre indéfiniment que quelque chose change. Que quelqu'un les emmène, loin, ailleurs, vers la vie. Attendre que la vie les saisisse, oui. Bien sûr, il y a un peu de population; mais on en fait rapidement le tour, et elle ne permet pas de vivre, de s'enfuir loin d'ici. Partir, c'est la seule solution, même si pour cela il faut abandonner la mère, il faut la laisser, elle qui ne s'accroche pourtant plus qu'à eux…
C'est un univers tellement étrange, où beaucoup de personnalités se mêlent, des vies différentes, des mondes radicalement différents. C'est intéressant de lire ce roman, très riche dans la découverte de la misère, pourtant relatée sous un ton presque léger, et qui se ressent aussi dans les dialogues et façon de parler de Joseph et Suzanne, dans le désespoir et les cris en boucle de la mère, dans la triste histoire du caporal.
C'est particulier, il faut se laisser prendre à la brutalité de ces gens, à leur façon d'être: honnête, qui n'éprouve pas le besoin de se cacher nu de qui ils sont, ni de leur misère. Mais j'ai bien aimé!
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« La mère » était institutrice dans le nord de la France, elle est partie s'installer avec son mari et ses deux enfants, Joseph et Suzanne, en Indochine, vraisemblablement après la fin de la première guerre mondiale. Quand son mari est mort, elle a pendant plus dix ans, donné des cours de piano, amassant un petit pécule pour tenter de récupérer la concession de cinq hectares de terre dans la plaine marécageuse de Kam, sur le littoral cambodgien. Elle a l'obsession de laisser des biens à ses enfants. Entreprenante et audacieuse, elle fait construire en le finançant un barrage contre le Pacifique pour protéger les cultures puis quand l'opération échoue, elle survit, dans la dépression. Ses deux enfants n'ont qu'une ambition, quitter ce trou et rejoindre la grande ville.
L'essentiel de l'action se déroule en 1931 quand le fils aîné, le beau et farouche Joseph, à 20 ans, s'émancipe, se lie à une femme aisée et part avec elle. Suzanne, plus jeune, fascinée par son frère, va en faire autant.
Il a été dit que Marguerite Duras avait mis beaucoup de sa propre vie dans ce roman et on le croît tant ce récit paraît authentique. On sent que les faits ont bien existé, on comprend bien comment les petits colons étaient asservis par la bureaucratie et la corruption des politiciens et des fonctionnaires coloniaux et l'on perçoit la misère absolue dans laquelle vivaient les populations locales, comment leurs enfants naissaient et mouraient comme des pauvres bêtes.
On perçoit bien aussi le signal de révolte et le message politique que Marguerite Duras envoie à la fin de son livre.
Au-delà du fond, passionnant de cette puissante histoire, l'on est subjugué par le style de Duras et par sa capacité à faire baigner son texte dans la sensualité, dans le charnel, qu'il s'agisse de l'intensité érotique de rencontres, de la perdition dans l'alcool, de la souffrance mentale et physique.
Je considère ce livre comme un chef d'oeuvre.
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On suit le parcours d'une famille coloniale, composée d'une mère et de ses deux enfants, Joseph et Suzanne. La famille tente de survivre dans un environnement hostile et précaire, où le quotidien est marqué par la lutte contre la pauvreté, les éléments naturels impitoyables et les relations complexes avec les colons français et la population locale.

Ce qui rend le roman si puissant, c'est la manière dont Marguerite Duras parvient à dépeindre les émotions complexes et les aspirations des personnages. Chaque membre de la famille a ses propres rêves et désirs, mais ils sont constamment confrontés à des obstacles qui semblent insurmontables. La mère rêve de construire un barrage pour protéger sa terre des inondations constantes du Pacifique, mais elle se heurte à la bureaucratie coloniale et aux contraintes financières. Joseph et Suzanne, quant à eux, luttent pour trouver leur place dans un monde qui leur semble étranger.

J'adore l'écriture de Marguerite Duras ! Elle est magnifique et tellement brute ! Elle nous transporte dans les paysages exotiques de l'Indochine et nous permet de ressentir l'atmosphère oppressante de l'époque. Les descriptions détaillées et les dialogues révèlent les tensions sociales et les conflits intérieurs des personnages, créant ainsi une expérience immersive et émotionnelle.

Un roman très puissant !
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L'Odyssée de Duras. Cet ouvrage, bien qu'il soit fortement d'inspiration biographique est l'occasion pour l'autrice de transcender sa propre histoire puisqu'elle en fait un véritable mythe. La mère devient une Ulysse au féminin qui combat corps et âme le Pacifique en construisant des barrages. L'écriture de soi permet alors la création d'une puissante arme anti coloniale contre ceux qui se font « un foie bien colonial ». Après deux romans imprégnés par les types durassiens que l'on rencontrera dans ses futurs textes, Un barrage inaugure le cycle indochinois qui ne cessera d'animer l'écriture de l'autrice jusqu'à la fin. Ce roman contient tout Duras, tout Duras est contenu dans ce roman.
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Dans ce récit extrêmement fort, Marguerite Duras dresse le destin d'une famille assaillie par l'administration coloniale.

Une institutrice devenue veuve se voit attribuer une concession au sud de l'Indochine française. Ce terrain lui donne l'espoir d'une vie meilleure. Elle espère donner un avenir à ses deux enfants, Joseph et Suzanne. Rapidement, cette plaine marécageuse isolée s'avère inexploitable. Tous les ans, la grande marée ensevelie la moindre culture. La mère décide de construire un barrage pour faire face aux inondations et sauver ses terres. Face à l'échec de ce projet, la famille sombre dans la pauvreté et cette mère désespérée se rapproche de la folie.

Quand Suzanne rencontre Monsieur Jo, un richissime planteur de la région, la famille perçoit une issue à leur misère. Jusqu'où cette rencontre va-t-elle les conduire ?

Marguerite Duras s'est inspirée de son adolescence pour construire un roman intense avec des personnages attachants mais aussi complexes. L'imbrication permanente entre les membres de cette famille est particulièrement travaillée. Nous percevons la détresse de ces personnages soumis aux promesses déçues de la société coloniale.
Lien : https://memoiresdelivres.fr/
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