AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,89

sur 2320 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un barrage contre le Pacifique, sans être une autobiographie, a été inspiré à Marguerite Duras par son adolescence en Indochine.

Après avoir économisé pendant de longues années, une veuve achète une concession dans le sud de l'Indochine. Mais les terres se révèlent incultivables car inondées régulièrement par le Pacifique. La seule solution est de construire des barrages. Malheureusement, comme ils s'avèrent insuffisants face aux assauts de l'océan, la vie de la femme, avec deux adolescents à sa charge et la pression d'une administration corrompue, devient une survie. Pour s'en sortir, il y a bien ce jeune chinois qui tourne autour de sa fille, mais quand le riche père de celui-ci refuse l'idée d'un mariage, devant tant d'infortune, la folie n'est plus loin.

Marguerite Duras dépeint une vie dans les colonies qui va à l'encontre de l'idée que l'on s'en fait habituellement. En Indochine, les maîtres sont les locaux fortunés et non les colons grugés, harcelés et ruinés par l'administration coloniale, qui ne leur laisse d'autre choix qu'un retour en France. Bien que décrit avec beaucoup de froideur, on ne peut qu'être touché par le sort de ces gens qui ont tout perdu, alors qu'ils espéraient dans un exil salutaire. Mais ce pays et cette adversité ont forgé des personnalités fortes. Il suffit pour s'en convaincre de voir le parcours exceptionnel et le talent de celle qui nous raconte son histoire dans Un barrage contre le Pacifique.
Commenter  J’apprécie          960
Vivre sa vie en aventurière,
n'avoir pas froid aux yeux !

C'est ainsi que je vois Marguerite Duras. Partager sa vie entre l'Indochine coloniale et la métropole. Avoir mené de front des études de droit et de mathématiques. A une époque prude, avoir une vie sentimentale turbulente, et ce dès le plus jeune âge. Être résistante tout en travaillant pour les allemands. Rejoindre le PCF et s'en faire éjecter pour fréquentation de boîtes de nuit et moeurs dites bourgeoises. Passer les dernières décennies de sa vie sous l'emprise de l'alcool et continuer à écrire malgré les problèmes de santé. Marguerite Duras se foutait des frontières comme des limites.

Le Barrage contre le Pacifique est un récit qui contient des éléments autobiographiques, oui, mais c'est une oeuvre de fiction, non une biographie.
S'il aborde des thèmes tels que le colonialisme, le racisme,les inégalités, l'érotisme ou le sort de la femme, ce n'est pas non plus un roman à thèses.
C'est un livre ou la romancière mêle des éléments de son passé à bien
d'autres sources d'inspiration pour en faire une oeuvre de fiction. C'est peut-être aussi sa façon de traiter le problème de ces limites qu'elle a si joyeusement enjambées.

Car des limites, il en est question. Il y a d'abord ce barrage, que la mère a essayé de construire pour sauver les terres arables d'une vallée d'inondations d'eau salée. Femme de peu d'imagination, impulsive, ne prenant pas la peine de se documenter sérieusement sur ce qu'elle entreprend, elle y laisse ses économies, sa santé et son courage. Sa vie se casse sur un projet impossible. L'obstacle était frontière, une frontière infranchissable. Envers ses enfants, cette même mère était dominante, exigeante voir tyrannique. Elle leur faisait obstacle, était cette frontière qu'ils apprendront à franchir au fur et à mesure de son déclin. Pour franchir des obstacles, pour dépasser les limites, Il faut avoir du courage, oser, mais aussi avoir de l'imagination et de la chance. Marguerite, cette acrobate de la vie, avait tout cela en abondance. A-t-elle trouvé ce qu'elle cherchait ? Si oui, cela l'a-t-il comblée ? Comment savoir… ?



Commenter  J’apprécie          867
Après ma grande déception ressentie à la lecture de la pluie d'été, une de ses dernières oeuvres, je reprends mon voyage dans l'oeuvre de Marguerite Duras, par Un barrage contre le Pacifique, un de ses premiers romans dans lequel sa manière d'écrire commence à s'affirmer. Même si, à mon avis, il n'est pas au niveau de la beauté du style de L'amant, Moderato cantabile, et le ravissement de Lol V. Stein, mon préféré à ce jour, j'ai été très touché par la beauté de ce récit fait de tristesse, de désespoir, de brutalité et de tendresse.

L'histoire se passe en Indochine, alors française, dans les années 1930, avec une part autobiographique.
Elle met en action un triangle fait de celle que l'auteure appellera toujours « la mère », sans lui donner nom ou prénom, et de ses deux enfants, Joseph et Suzanne.
Autour de ce triangle douloureux et tendre, gravitent des personnages admirablement décrits, parmi lesquels le Caporal, un autochtone au service de la mère, Carmen, la belle tenancière d'un hôtel de la ville voisine, ou encore Monsieur Jo, un jeune chinois très riche et très laid.
Et puis il y a la vie de l'Indochine, faite de la misère des paysans et de la mort de leurs enfants, de la corruption ignoble de l'administration coloniale, et de la richesse de quelques privilégiés.

La mère, dont le mari est mort peu de temps après l'arrivée en Indochine, et qui a dû élever seule ses deux enfants, s'est fait flouer par l'administration coloniale, lorsqu'elle a voulu utiliser toutes ses économies pour se faire un patrimoine, en achetant des terres qui se révéleront malheureusement incultivables (ce que l'administration sait pertinemment), car recouvertes chaque année par les eaux du Pacifique. Elle a mis toute son énergie, avec l'aide des paysans qu'elle a mobilisés, pour créer un barrage qui n'a pas tenu car les crabes l'ont rapidement grignoté. Depuis, elle ne fait qu'écrire à l'administration sans avoir de réponse.
La mère, un personnage sans cesse en action, obstiné jusqu'à la folie, qui calme ses douleurs par une prise abusive de médicaments, une femme à la fois brutale et tendre avec ses enfants.
Joseph, le grand fils de vingt ans, qui a pris ses distances à l'égard de la mère,qui est très protecteur de sa jeune soeur Suzanne, qui vit un peu comme un sauvage, de chasse et de pêche, et qui découvrira l'amour fou dans la ville de Ram en la personne d'une belle femme mariée.
Suzanne, l'adolescente rêveuse, qui attend souvent sur un pont qu'un homme s'arrête et l'emmène au loin, qui sera courtisée par un certain Monsieur Jo, un jeune chinois très riche, mais laid, qui la couvrira de cadeaux, jusqu'à une belle bague de diamants, mais auquel Suzanne se refusera toujours, l'autorisant seulement à ce qu'il puisse la voir nue dans sa salle de bain (allusion biblique à Suzanne au bain?); Suzanne qui découvrira le plaisir sexuel avec un voisin coureur de femmes, Agosti, mais pas l'amour.

L'histoire, que je ne dévoile pas ici, est parfaitement construite, passant de la vie dans la concession et de la parade amoureuse de Monsieur Jo, à un séjour dans la grande ville où la mère tente de vendre une bague de diamants, puis à un retour douloureux dans la concession.

Il y a une description magnifique de l'ambiance des lieux, d'un côté celle de la ville avec tous ses attraits, ses beaux quartiers, ses cinémas qui sont une révélation pour Suzanne, ses riches qui se noient dans l'alcool et l'opium, et de l'autre celle de la campagne avec la misère des paysans, leurs enfants qui meurent par centaines de dénutrition et d'infections.

Il y a enfin le style de la narration, dans laquelle apparaît cette façon de répéter des thèmes comme des leitmotivs, et, un peu, cette façon de dire sans vraiment dire qui fera toute la beauté de l'écriture des chefs-d'oeuvre de Duras.

En conclusion, un très beau roman, certes chargé de misère et de désespoir, mais aussi de tendresse et d'amour.
Commenter  J’apprécie          460
"Un Barrage contre le Pacifique ", publié en 1950, n'est pas le premier roman de Marguerite Duras mais c'est celui qui en a fait une écrivaine reconnue et appréciée grâce à sa modernité.

L'action se situe en Indochine française dans les années 30. Une ancienne institutrice, mère de deux enfants déjà grands, Joseph et Suzanne, essaie de faire vivre une concession malgré les incessantes incursions de l'océan dans ses cultures : bâtir des barrages pour arrêter les vagues devient sa raison de vivre.
Ce roman raconte la difficulté de la vie des petits blancs par rapport aux riches planteurs ou membres de la bourgeoisie coloniale, commerçante ou financière. C'est aussi une dénonciation des abus des fonctionnaires de l'administration coloniale.

Mais ce roman est surtout l'histoire d'une relation entre une mère et sa fille, Suzanne, qui n'est autre que Marguerite Donnadieu qui deviendra plus tard Marguerite Duras. En effet, "Un Barrage contre le Pacifique" inaugure des figures féminines qui hanteront les futurs romans de Marguerite Duras, tout d'abord par la présence de la mère, une femme en lutte mais une femme livrée corps et âme à l'amour de son fils. Et puis, la femme à la recherche de l'amour absolu ou de l'absolu de l'amour, de l'amour comme une nécessité mais de l'amour toujours impossible. Enfin, on retrouve essentiellement la douleur des femmes, la souffrance féminine, la fatigue d'exister des femmes et leurs efforts toujours recommencés. Ce roman est vraiment magnifique!
Commenter  J’apprécie          260
J'avais des préjugés envers Marguerite Duras, de méchants même.
Je trouvais cette femme interviewée inintéressante et le film l'Amant obscène et vain.
Or, boum badaboum, j'ai été stupéfaite à la lecture de ce roman, comprends les personnes qui l'encensent, me dis qu'il faudrait au fond ne rien savoir d'un auteur, de sa vie privée, de l'image qu'il véhicule, et surtout éviter les ragots des magazines people....
Il faudrait tomber dans un livre comme on ferait un voyage imprévu, comme on serait enlevé (je pense à L'enlèvement de Michel Houellebecq). Voilà.
Commenter  J’apprécie          224
"Autofiction" est le terme le plus adéquat pour définir ce morceau de vie dans l'Indochine française. On y trouve en effet des points communs avec la vie de son auteure, Marguerite Duras : une mère veuve, ancienne institutrice à la fois exigeante et fuyante, un fils dur mais adulé par la soeur Suzanne, étrange reflet flottant de l'auteure. Ces portraits riches évoluent dans un contexte colonial où les pots de vins sont rois, où les inombrables enfants errent et échappent parfois à la mort. L'intrigue offre à la fois de belles réflexions sur les relations au sein d'une famille, les relations amoureuses mais aussi et surtout un portrait de l'Indochine au temps des colonies françaises.Tous les personnages incarnent un maillon de la chaîne coloniale. L'écriture de Duras peut être difficile au début mais on s'y laisse vite prendre et les meilleurs passages sont les longs dialogues "monologue" ou les descriptions oralisées et c'est tout un art !
Commenter  J’apprécie          151
Il y a chez Marguerite Duras un je ne sais quoi transformant chacun de ses romans en une chose extrêmement singulière, indéfinissable, étrange même.

Une sorte de laisser-aller, un rejet du sensationnel, une longue étreinte, une éternelle langueur.
L'histoire semble s'écouler tout naturellement vers sa fin sans rechercher le moindre bouleversement, suivant les méandres d'un fleuve bien trop sage pour sortir de son lit. Les personnages, caractérisés presque exclusivement par leurs actes (le nouveau roman prend alors son essor) nous étonnent et nous confondent, habitués que nous sommes à nous identifier à l'un ou plusieurs d'entre eux, manifestant pour eux une empathie qui nous en rapproche. Léthargiques, ils semblent baigner dans une mélasse dans laquelle tout mouvement est impossible, tout horizon invisible, et nous maintiennent bien éloignés de leur vie. le temps paraît infini, la chaleur capable d'abattre un homme à la seule force de son tempo, et les jours se suivent et se ressemblent en une longue litanie d'heures emplies d'attente et de désespoir.

Un barrage contre le Pacifique (1950) ne fait pas exception.
Du moins le croit-on de prime abord.

En réalité, il transpire d'un bouillonnement mystérieux et envoutant.

La mère est une ancienne institutrice du nord de la France, alors mariée à un jeune professeur. Impatients et séduits à la fois par les affiches de propagande et par la lecture de Pierre Loti, ils tentent l'aventure coloniale en Cochinchine.Lorsque le père meurt, la mère reste seule avec ses deux enfants, Joseph et Suzanne, auprès desquels elle ne cesse de se débattre pour obtenir une concession à la Direction générale du cadastre laquelle, n'ayant pas reçu de dessous de table, lui attribue à dessein un terrain incultivable. Celle qui n'a d'autre but que de laisser un petit bien à ses enfants passionnément aimés, s'entête. Elle a l'idée de construire contre les marées du Pacifique un barrage qui protègerait ses terres et celles de ses voisins.

En vain… Lors de la grande marée suivante, le Pacifique traverse les barrages et inonde à nouveau les terres.
Mais l'énergie et l'espoir n'ont pas quitté celle qui ne cesse de calculer et manigancer des combines, avec une sorte de folie méticuleuse, rusée et lucide, tant elle a peur du départ définitif de ses enfants.

Dans ce roman qui la fit connaître, Marguerite Duras a mis beaucoup d'elle et de son histoire, emportée par le soleil, l'alcool et l'immense misère physique et morale des habitants de l'Indochine d'alors. Elle l'a rempli de rires fous et de tristesse, de désespoir, de sensualité violente, de colères, d'amour et de résignation.
Et y a fait trôner la mort et l'espoir.

Sous nos yeux défilent les interminables heures de Suzanne assise face au pont, à l'affut du moindre pick-up à même de l'entrainer loin d'ici. On imagine aisément Marguerite Duras à sa place, rêvant d'un ailleurs alors inaccessible. Un ailleurs capable de la sortir de cette misère sans fin.
Celle-ci y brosse un portrait de l'Indochine d'alors sans concession, injuste, miséreuse, mauvaise et pervertie. Emplie de personnages peu sympathiques, vénaux, ne cessant de trafiquer en tout sens pour ne serait-ce que rembourser leurs dettes et mettre autre chose que du riz dans leurs assiettes.
Un portrait affligé et affligeant de ces cohortes d'enfants, affamés et joueurs, courant les rues et mourant à même le pavé, comme des chiens.

Rien de bien glorieux sous le soleil me direz-vous !
Et pourtant ! Et pourtant, comme à chaque fois, je me suis laissée embarquer par l'écriture brute et sans concession de Duras, sa plume acérée et sans fioriture, directe et précise. J'ai aimé ces personnages durs et antipathiques, bien éloignés des canons romanesques. J'ai été séduite par cette image abjecte des colonies dans les années trente, pour les asiatiques comme pour certains colons, roulés dans la farine et malmenés par l'administration. le propos est passionnant, la narration bien qu'assez sobre, rayonne et bouillonne d'une énergie inexplicable et la dénonciation est aussi brûlante que rare. Tout concourt à faire de ce roman un grand roman : un style inimitable à la lisière du nouveau roman, un scénario intrigant, une énergie surprenante, des personnages sombres et truculents et un univers des plus éloquents.
Lien : https://www.mespetiteschroni..
Commenter  J’apprécie          152
J'ai adoré.
Lu en deux jours tant j'ai été "embarquée" dans cette écriture si durassienne.
Il me semblait que Duras racontait par le menu dans ce roman avec force détails l'achat des rizières puis le désastre de leurs inondations, mais en fait ce livre débute après cet achat calamiteux, après ce drame, cette escroquerie sans nom qui a ruiné la mère. Même en construisant des barrages, rien n'y a fait, ce fut une catastrophe.
Ce n'est pas pour autant que l'on en parle pas, bien au contraire, tout ramène à cela, à cette abomination orchestrée par les fonctionnaires du cadastre à qui la mère n'a pas assez graissé la patte.
Parlons-en justement de ces colons dont narre si bien Duras.
Quel tableau lamentable !
En ville, il y a trois catégories ; Les riches blancs, de la haute bourgeoisie, avez leurs costumes blancs, leurs voitures de luxe silencieuse, leurs airs supérieurs. Puis viennent ensuite les coloniaux indignes, comme les nomme Duras, entre les riches colons et les indigènes. La famille de la mère entre dans cette seconde catégorie. Puis enfin, les indigènes eux-mêmes, dont fait partie Caporal, le fidèle et dévoué domestique de la famille qui, bien souvent trouve de quoi manger tant cette famille est pauvre. En tout cas, les colons indignes sont traités de la même manière que les indigènes, ce qui indispose jusqu'à la haine Joseph, le frère aîné de Suzanne, qui est sans nul doute la réplique du grand frère de Marguerite, Pierre. Par contre, nulle trace de Paul, le "petit" frère tant adoré de Duras, même si on le retrouve un peu chez Joseph.
Pas autobiographique ce roman ? Pas si sûr.
On y retrouve pourtant bien l'Indochine de L'amant, avec l'apparition d'un jeune homme chinois, riche, qui convoitera Suzanne sans succès. Mais il sera laid et repoussant dans ce livre, contrairement à L'amant, magnifique et si désirable.
La mère ressemble à s'y méprendre à celle de l'auteur, femme folle et monomaniaque, portrait magnifique d'une mère qui n'est heureuse que lorsque ses enfants se nourrissent. Mais les malheurs l'ont trop affaibli, elle se laissera couler sans résistance. le roman s'achève d'ailleurs à sa mort.
Magnifique Suzanne, petit animal mal-élevé, insolente et rebelle, solaire, qui choisira un autre que le chinois pour offrir sa virginité. Moment de grâce intense dans l'écriture, cet abandon de son corps tant convoité par les uns et les autres mais qui n'appartiendra qu'à un Autre.
Joseph, enfin, haineux, violent mais beau et généreux, c'est le grand frère avec un peu de Paul en lui. Duras, je pense, a fait de ce personnage un double de ses deux frères réunis.
Il y a beaucoup de "L'amant" dans cet ouvrage.
J'ai adoré cette écriture d'une beauté sauvage, étincelante, envoûtante et divine.
J'ai adoré cette tragédie de la mère, épouvantable, misérable.
J'ai adoré Suzanne, petite Marguerite en devenir, petit chien fou d'amour pour sa mère.
J'ai adoré la relation de Joseph avec sa mère, et celle qu'il entretient avec une femme riche de la ville, comme une sorte de revanche sur la Vie. Il l'aimera pourtant passionnément.
J'ai adoré tous ces corps qui se donnent, comme ça, pour rien, dans la moiteur de l'Indochine perdue à jamais.
J'ai adoré la passion de Suzanne pour le cinéma, amour total et dévorant que l'on retrouvera chez Duras plus tard.
J'ai adoré les fous rires du trio infernal, sorte de médecine et de remparts face à la folie, l'injustice, la déveine.
Rien à voir avec ses autres romans ; la structure narrative est bien différente de celles de Moderato, le ravissement ou La vie tranquille. Rien de tout cela ici.
On a toujours essayé de placer Duras dans des cases.
A quoi bon ?
Elle nous livre et nous offre là un moment de lecture exceptionnel, mêlant sans vergogne réalité et fiction, pour mon plus grand bonheur.
Pour moi, son chef d'oeuvre après L'amant.
Quel cadeau !
J'ai refermé ce livre un peu triste je l'avoue.
Plus je la lis, plus je l'aime.
Merci.


Commenter  J’apprécie          140
Terrible, terriblement réaliste, historique, analyse durassienne aigüe, mais vision juste et esprit de justice même envers les méchants et les fous de la Terre, les proies volontaires, les prédateurs improvisés, les vrais requins institutionnalisés... Ô combien d'heures pour m'en remettre.
Lien : https://www.babelio.com/monp..
Commenter  J’apprécie          122
La mer de Chine est trop petite. Trop étroite. Il faut bien un océan pour contenir la colère et le désespoir de la mère. Un océan dont le nom n'est en rien ce qu'il contient. Pacifique, rien chez cette femme n'est plus pacifique.
Un barrage contre le pacifique voilà ce que chaque nuit elle construit dans sa tête. Avec entêtement, avec folie.
Gagner sa terre contre un océan de misère. Reprendre cette terre qu'ils disent lui concéder.
Cet océan inlassablement prend et emporte tout ce que les hommes construisent. Océan destructeur, affameur.
L'Indochine. 1930. Une concession entre Kam et Ram. Un peuple qui crève de faim. Des colons mangeurs de terre et d'hommes.
Ils crèvent comme des mouches, les annamites.
Ils enterrent leurs gosses sous leurs cases dans la boue. Ils ne les comptent plus. Les terres sont pleines d'enfants morts. «les îles mouraient de la faim, des maladies de la faim et des aventures de la faim» Malaria, choléra, famine, vers, rien de vient remplir leur ventre, la vermine emplit les bouches. Description terrifiante des temps de nos anciennes colonies.
«l'impatience des enfants affamés devant les mangues vertes est éternelle»
La bourgeoisie coloniale danse, boit, baise, négocie, traite, engraisse.
L'administration coloniale gère le crime.
Quant à la mère et ses deux enfants adolescents,Joseph et Suzanne , ils sont tous trois face à cet océan au côté des paysans, démunis mais lucides devant le pillage autoritaire et réglementé de leurs terres.
La mère est folle. Folle de rage, de colère , d'injustice. Elle hurle, elle convulse, elle frappe, elle compte et recompte ce que chaque jour elle n'a déjà plus.
Elle sait la misère, elle l'a secourue.
Et puis elle s'est rompue, impossible, impossible d'arrêter le flot continu de la misère.
Joseph, lui, tue, il abat les bêtes, tire, chasse, traque. Suzanne flotte, subit, suit et attend.
Lorsque que le barrage cède, tout cède. La retenue n'est plus.
La mère perd l'impossible combat, les enfants quittent la terre qui, souhaitons leur, deviendra peut être leur enfer perdu.
L'adieu à la terre pour Joseph sera une adresse faite au peuple au côté duquel il aura survécu. Ce sera un appel à la révolte, à la prise des armes contre ce pouvoir injuste, discriminatoire, exterminateur. Pour Joseph il faut abattre avant de construire. C'est le seul sens qu'il donne au combat. C'est ce qu' il aura retenu de l'histoire de la mère, de ce peuple, de cette terre.
Duras avait visé l'harmonie de l'écriture dans ce roman initiatique, épique et autobiographique elle y aura surtout déposé le visage de tous les combats qu'elle ne cessera jamais de mener : combat contre le plus fort qui « s'autorise » sur le plus faible, contre l'hypocrisie sociale, le mensonge, l'absurdité des systèmes établis par les prêcheurs blancs de sainte civilisation, contre tous les crimes contre notre humanité.
Les enfers perdus sont plus lourds à porter dans les mémoires que certains paradis. Surtout, si comme Duras on y a vécu.

Astrid SHRIQUI GARAIN
Commenter  J’apprécie          125




Lecteurs (6952) Voir plus



Quiz Voir plus

Marguerite DURAS

Quel est le bon titre de sa bibliographie ?

L'Homme assis dans le corridor
L'Homme assis dans le couloir
L'Homme assis dans le boudoir
L'Homme assis dans le fumoir

20 questions
190 lecteurs ont répondu
Thème : Marguerite DurasCréer un quiz sur ce livre

{* *}