"parallélépipédiques". Ce mot revient comme une obsession dans tous les romans d'
Echenoz que j'ai lu (certes, ils ne sont qu'au nombre de deux) dès qu'il y a présence d'une forme à angle droit.
Par rapport à
Un an, l'autre roman que j'avais lu, l'écriture semble s'être amélioré et l'auteur utilise moins de clichés de langage, même s'il en reste quelques uns comme "prit son mal en patience", ou de métaphores éculées comme les lumières qui se reflètent, hélas, encore sur un "océan d'huile".
L'écriture de Jean
Echenoz se situe dans un ton sérieux et factuel mais qui se veut ironique dans l'esprit général du roman (mais pas vraiment dans le ton de la phrase, à part quand le narrateur fait des commentaires). Ici le roman parodie le roman ; on a donc des petits paragraphes de descriptions lourdes et inutiles (suffisamment courts pour être sauté, ouf !) censés souligner la gratuité de ces descriptions. Personnellement, je trouve qu'utiliser un procédé sérieusement ou l'utiliser pour s'en moquer, conduit au même résultat final : l'utilisation du procédé en question ; et ironique ou pas, c'est tout aussi chiant.
« On tue les gens comme ça dans tous les téléfilms, ça n'a vraiment rien d'original. Ce n'est pas faux, a reconnu Baumgartner, mais je revendique l'influence des téléfilms. le téléfilm est un art comme un autre. »
C'est le passage, je trouve, le plus métatextuel, et aussi le plus drôle, dans lequel le personnage, et son auteur à travers lui, avoue ce qu'il fait pour mieux s'en moquer. Mais on peut se demander si l'auteur utilise des lieux communs pour les parodier, ou s'il parodie pour pouvoir utiliser des lieux communs, comme un prétexte pour combler ses failles d'imagination.
D'ailleurs, comme j'ai aussi des références téléfilmesques, ça me rappelle l'épisode 200 de Stargate SG-1 dans lequel un producteur de série prépare une parodie de la série elle-même, mise en abîme, et nous dit, après avoir utilisé un des poncifs du genre (dans un exemple de plot armor où des personnages survivent quand ils auraient du mourir) : « On s'en tirera avec du second degré. [...] C'est une de nos astuces habituelles. L'un des héros fait remarquer à quel point c'est facile [...] comme ça les spectateurs savent que je suis conscient que c'était un rebondissement trop facile et ils me le pardonnent. » Bien sûr, Stargate ironise sur ses propres faiblesses ; elle n'essaye pas de faire passer ça pour une force, et puis quand c'est réellement présenté de manière marrante, on pardonne, c'est vrai. Chez
Echenoz je ne pardonne pas.
J'ajouterais pour finir que voir un personnage ironiser sur son propre sort (L'Étranger), ou le narrateur sur le sort du personnage (Candide), ne rend pas pareil que voir l'auteur ironiser sur sa propre création. Ici, on est dans ce dernier cas, et l'effet est désagréable à mon goût car quand on sort un sarcasme "pour de vrai", c'est généralement qu'on a quelque chose d'intéressant à dire derrière. Ici, non.
Je m'en vais n'est pas désagréable mais ni les interventions du narrateur ni l'ironie distancée qu'offre le récit ne sont des procédés nouveaux comme
la critique le clame. Et si l'ensemble arrive à dégager une pâte propre à l'auteur, je n'en ai pas été charmé, et c'est peut-être ça son plus gros défaut, plus que ceux dont j'ai fait la liste au-dessus ; peut-être que ça n'a pas pris car le ton reste à moitié sérieux au lieu d'être complètement déconneur ? ou peut-être au contraire que je n'ai jamais eu trop le goût de la parodie peu subtile ? – j'avais apprécié Candide après coup, mais était resté un peu blasé sur le moment.
Dans un esprit similaire de dérision du quotidien, de vide de la vie du personnage, d'histoire circulaire, et de détournement du roman, je préfère
La Salle de Bain, de
Jean-Philippe Toussaint ; d'ailleurs chez Minuit, je préfère Toussaint à
Echenoz sous tous les points de vue.