Vous avez sans doute déjà entendu parler de cet auteur, notamment avec son célèbre roman
le nom de la Rose, adapté au cinéma en 1986 par J.J.Annaud.
L'Île du jour d'avant n'est pas un roman policier historique mais un roman historique qui entre dans la catégorie baroque. J'ai lu ce livre dans le cadre de ma licence, j'ai envie de vous en parler avant d'étudier l'oeuvre en profondeur pendant le cours. La chronique sera quand même truffée d'allusion au cours que j'ai pu avoir, mais je vais essayer au maximum de retranscrire mon ressenti de lectrice et non d'étudiante.
La première chose qui m'a frappé en lisant ce livre ce n'est pas l'écriture quelque peu complexe ou l'époque à laquelle se déroule l'intrigue, ce sont les nombreuses références à d'autres ouvrages, j'ai en tête l'exemple de la Carte du Tendre.
L'Île du jour d'avant est une mine de référence et de clin d'oeil, j'en ai saisi certains au vol mais je suis sûre qu'il s'agit d'une infime partie au regard de tous ceux que je n'ai su déchiffrer. Pour reprendre les termes de mon professeur de littérature comparée : " Il faut s'appeler
Umberto Eco pour comprendre du
Umberto Eco ".
le style d'
Umberto Eco n'est pas un style avec lequel nous sommes habitués voire familiarisé, sa plume est très riche bien que souvent chargées. Il s'agit d'une écriture très différente, ludique sans doute mais pas accessible à tout le monde. Ce livre emprunte au XVII son style ainsi que quelques-unes de ses grandes idées, ce qui n'est pas sans me rappeler Là où les tigres sont chez eux dans lequel on retrouvait un personnage et des idées du XVII. On nous relate ici les écrits de quelqu'un, son parcours ainsi que son existence.
Roberto de la Grive, personnage central de ce roman, va vivre bien des aventures et nous apprendra bien de choses entendues çà et là au détour d'une conversation dans les salons Parisiens. Tout au long du roman, j'ai eu une impression de flou : Roberto ou Ferrante ? Rêve ou réalité ? Un jeu de miroirs dans lequel la réalité m'est apparue comme déformée, exagérée, atténuée, enlaidie et parfois embellie. Rien n'est jamais lisse, rien n'est jamais uniforme. le lecteur, tout comme il semble être le cas de Roberto, se perd dans l'illusion d'un frère imaginaire, d'un double qui agit dans l'ombre de tous.
Ce livre nous propose une réflexion sur le problème des longitudes – thème très en vogue au XVII. J'ai vraiment eu du mal à m'intéresser aux passages traitant des longitudes, je ne me suis pas sentie concernée par le propos, petit bout de femme du XXI je ne peux comprendre l'engouement des personnes d'une autre époque. Toutefois, cela ne m'a pas empêché de remarquer à quel point certaines choses et révélations pouvaient avoir un impact déterminant sur la suite du livre. En plus des questions de longitudes,
L'Île du jour d'avant aborde la thématique de Dieu, de la poudre de Sympathie et de nombreuses autres choses encore. Ce livre est très riche, les réflexions sont larges et profondes...
Rythmé par 40 chapitres, ce roman embarque le lecteur dans une aventure dont on ne sait rien, on apprend, on comprend, on doute. Il s'agit d'un livre avec lequel il faut se battre, il faut lutter pour en venir à bout et ne pas se décourager. Je dois avouer que c'est presque une fierté de l'avoir terminé, un soulagement surtout. Vous ne pouvez lire ce livre entre deux arrêts de tram tant il requiert toute notre attention. Ne voyez donc pas cet ouvrage comme un roman de détente, il s'agit d'un roman qui s'inscrit dans l'univers baroque, un roman subtil et compliqué.
Des histoires entremêlées, une quasi impossibilité de différencier le vrai du faux, voila ce qui vous attend ; une sorte de jeu dans lequel les règles ne sont pas explicites et changent sans cesse. Nous suivons Roberto, mais à travers son regard, ses remarques et ses souvenirs nous suivons également philosophes et hommes d'Eglise. Les personnages sont nombreux, souvent de passage mais certains vont marquer Roberto, lui insuffler des idées ( Saint-Savin, Caspar ... ). Idées parfois révolutionnaires, réactionnaires, des idées sur tout et sur rien, des pistes de réflexion et des raisonnements complets, d'obscures pensées et des méthodes incongrues, cruelles et malsaines ( exemple du chien sur le bateau ). Caspar sera comme un compagnon d'infortune là où Ferrante sera un moyen de s'extraire de la réalité, jeu double auquel se prête Roberto. Nous n'avons pas le temps de nous attacher aux personnages et ce n'est sans doute pas l'objectif de ce roman, nous sommes pareils à des spectateurs observant le ballet des comédiens dans un théâtre.
L'histoire se déroule principalement sur un bateau, La Daphne, qui n'est pas sans rappeler l'Amaryllis à Roberto. Prison aux barreaux dorés ou Paradis pour âme ? Ce bateau va être au coeur de bien des réflexions, laissez-moi vous dire que rien n'est simple dans ce livre. Suite à un naufrage, Roberto trouve en quelque sorte refuge sur un bateau, mais manque de chance, l'équipage a déserté et il ne sait pas nager! Comment quitter cet endroit à la fois porteur de son salut et de sa déchéance ? C'est un des thèmes abordés dans ce livre, un des nombreux thèmes avec lesquels l'auteur semble s'amuser. L'Arche de Noé semble être représenté dans ce livre, le Déluge dans toute sa splendeur et ce que cela implique. Tout est sujet à réflexion, la moindre pensée conduit à un questionnement puis à une analyse.
Je ne peux pas vous dire que je n'ai pas aimé ce livre, ce serait vous mentir. Ma lecture fut certes difficile, mais enrichissante. Avec des sujets tel que l'amour, le voyage et la solitude ( pour n'en citer que trois ), l'auteur parvient quand même à captiver son lecteur, à l'appâter en quelque sorte. L'appâter pour mieux le faire sombrer au coeur de l'érudition. le temps est une notion qui se dilate lors de la lecture – hier, aujourd'hui, demain – qu'en est-il du temps qui s'écoule ? La notion de distance se dilate également, nous avons l'impression d'être à la fois proche et en même temps très loin de l'île du jour d'avant. Cette île semble soulever bien des mystères et secrets, elle est la source de nombreuses réflexions et débats. Les heures de lectures m'ont paru interminable, je crois que toutes ces réflexions sur le temps ont quelque peu altéré mes facultés de lecture.
Ce livre n'est donc pas facile à comprendre et je ne prétendrai pas l'avoir compris, loin de là. J'attends avec impatience les éclaircissements du cours à ce sujet, les approfondissements et éclairages de certains passages, les explications de certaines références... Je suis curieuse de découvrir
Umberto Eco dans
le nom de la rose...