J'écris aujourd'hui pour « préserver l'histoire d'une réalisation avant qu'elle ne soit confisquée par les gens des collines » et permettre au cri enragé du seigneur des porcheries d'être entendu.
Ce premier roman de l'auteur relate la succession d'événements qui a secoué Baker, petite ville rurale du sud des Etats-Unis, et mené à la grève générale des éboueurs contre l'ensemble de la population. Cette crise restera un sujet embarrassant pour la communauté qui n'aura de cesse de multiplier les tentatives pour brouiller les pistes de ses origines. Une tentative de confiscation inconcevable pour les membres actifs de cet épisode douloureux de l'histoire locale qui ne laisseront pas ce ramassis de rustres américains rendre méconnaissable tout ce pour quoi ils ont travaillés. Les « torche-collines » vont donc prendre la plume et nous rapporter le récit de ces mois passés en la compagnie de John Kaltenbrunner, personnage central de toute l'affaire, tout en nous révélant les motifs de ce soulèvement : pour John, un règlement de compte longtemps attendu et pour eux, ses improbables compatriotes, la fin d'une obéissance servile.
Ce témoignage est rendu vivant par un style vigoureux, provocateur et libéré qui dénonce avec talent les petites bassesses et les vicissitudes de l'Homme en général. Un égarement dans un coin reculé où « chaque nouvelle génération est généralement en tout point aussi vicieuse et violente que l'avait été la précédente » ; où les spoliatrices religieuses et les patrons méprisants paradent publiquement en pilier de la communauté ; et où finalement l'omniprésence de la violence et l'ignorance crasse des citoyens n'épargnent personne, pas même le lecteur.
L'écriture de
Tristan Egolf, au rythme frénétique et à l'ironie désabusée, retranscrit d'une manière juste l'existence tragi-comique et anti-héroïque de John. Un être hors-norme assailli par la malchance. Un parcours marginal, en prise avec l'hostilité écrasante de la communauté, qui conduira nécessairement ce personnage explosif à sa vengeance cinglante et la plèbe de Baker dans l'ensevelissement de ses propres excréments.
En bref, un spectacle piteux et anarchique d'une foule ayant enfin reçu le signal de se taire .